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Alors même que le cerveau est en construction, les fœtus de 6 mois utilisent spécifiquement certaines régions à l'écoute d'un nouveau mot ou d'une voix inconnue. À cet âge précoce, le cerveau se prépare déjà au langage. © Emily Evans, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
À la naissance, les nouveau-nés sont capables de distinguer des syllabes proches, de reconnaître la voix de leur mère et de différencier diverses langues humaines. Ces capacités chez le petit humain sont-elles dues à la présence de mécanismes innés propres à l'espèceespèce humaine pour traiter la parole, ou à un apprentissage rapide des caractéristiques de la voix maternelle pendant les dernières semaines de grossesse ?
Pour le savoir, Fabrice Wallois, directeur de l'unité mixte de recherche UPJV/Inserm « Groupe de recherche sur l'analyse multimodale de la fonction cérébrale » (GRAMFC), et Ghislaine Dehaene-Lambertz, (Inserm, NeuroSpin, Commissariat à l'énergieénergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), en collaboration avec des praticiens hospitaliers du CHU Amiens Picardie, ont testé les capacités de discrimination auditive de 12 nouveau-nés prématurés de 28 à 32 semaines d'aménorrhée, c'est-à-dire nés deux à trois mois avant le terme.
Des hommes, des femmes et des syllabes
À ce stade de développement, le cerveau est immature puisque les neurones sont encore en train de migrer vers leur localisation définitive. Néanmoins, les premières connexions entre le cerveau et le monde extérieur se mettent en place, notamment celles permettant au fœtus d'entendre les sons, ce qui permet d'enregistrer les premières réponses cérébrales aux stimulationsstimulations externes.
Les cerveaux des bébés nés 3 mois avant le terme répondent presque comme ceux des adultes à la nouveauté ou au changement de syllabe. La preuve qu'avant la naissance, les fœtus disposent déjà des capacités intrinsèques pour la maîtrise d'un langage. © Fabrice Wallois
Les auteurs de cette étude, publiée dans les Pnas, ont stimulé auditivement les nouveau-nés prématurés, en les exposant à deux sons de syllabes proches (« ga » et « ba ») prononcées soit par un homme soit par une femme. Ils ont enregistré leur réponse cérébrale grâce à l'imagerie optique fonctionnelle (spectroscopie proche infrarougeinfrarouge). Les chercheurs ont montré que malgré leur cerveau immature, les prématurés sont réceptifs aux changements de voix (homme ou femme) et aux changements de phonèmesphonèmes (« ba » ou « ga »).
Le cerveau des fœtus s’adapte très tôt au langage
De plus, les ensembles ou réseaux de neurones impliqués chez le prématuré sont très proches de ceux décrits chez l'adulte dans le même type de tâche. Ils sont asymétriquesasymétriques et impliquent notamment les régions frontales. Comme chez l'adulte, la région frontale droite répond à la nouveauté, quel que soit le changement, alors que la région frontale gauche, ou région de Broca, ne répond qu'au changement de phonème.
Ces résultats démontrent que très précocement, dès l'établissement des premières connexions cérébrales (trois mois avant le terme) et avant tout éventuel apprentissage, notre cerveau est équipé pour traiter les caractéristiques particulières de la parole humaine grâce à une organisation sophistiquée de certaines aires linguistiques cérébrales (régions périsylviennes droite et gauche). L'organisation des aires cérébrales étant gouvernée par l'expression des gènes au cours du développement du fœtus, les auteurs suggèrent que l'apparition du langage est en grande partie influencée par la génétiquegénétique et donc par des mécanismes innés.