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Un nanotube composé de membrane plasmique et de protéines d'actine pourrait permettre de transmettre des signaux électriques à distance entre deux cellules. © Xiang Wang et Hans-Hermann Gerdes
Au sein d'un organisme, la communication entre les cellules est primordiale aussi bien pour synchroniser les étapes du développement ou du battement cardiaque que pour assurer un bon fonctionnement des tissus. Il existe de nombreux types de communications intercellulaires, comme par exemple les synapses qui permettent de faire passer une information nerveuse d'un neurone à un autre. Chez les plantes, il existe des structures appelées plasmodesmes, qui forment une continuité du cytoplasme entre deux cellules adjacentes. Ces deux exemples correspondent à des moyens de communication entre des cellules qui sont très proches l'une de l'autre.
Mais depuis quelques années, des scientifiques rapportent de plus en plus de preuves que des cellules savent aussi communiquer à distance. Elles seraient en effet reliées par des nanotubesnanotubes qui permettraient de diffuser des informations sous formes d'influx électriques, comme si elles possédaient un câble téléphonique.
Ces nanotubes seraient composés d'une continuité de la membrane plasmique, soutenue par des protéines d'actine, connues pour être impliquées dans la formation de filaments intracellulaires. Habituellement, les filaments d'actine participent à la formation du cytosquelette (squelette de la cellule) mais assurent aussi le transport de moléculesmolécules ou d'organitesorganites à l'intérieur de la cellule. Des nanotubes d'actine extracellulaires étaient alors une vraie révolution !
Les jonctions communicantes sont des structures permettant le passage de molécules ou de signaux électriques entre deux cellules. Insérées dans les deux membranes plasmiques adjacentes, ces jonctions sont constituées de deux connexons, eux-mêmes formés de 6 connexines. Crédit DR
Un câble électrique biologique
Toutefois, ces nanotubes observés in vitroin vitro restaient encore bien mystérieux et les scientifiques les plus sceptiques n'étaient pas convaincus de leur réelle existence. Une nouvelle publication dans le journal Pnas apporte une nouvelle donnée qui rend l'existence de ces nanotubes intercellulaires bien plus crédible : ils se formeraient au niveau de ce qu'on appelle des « jonctions communicantes », l'analogue animal du plasmodesmeplasmodesme.
Les jonctions communicantes sont des sortes de boutons pressionpression qui retiennent deux cellules adjacentes accrochées l'une à l'autre. Formées de deux puits superposés (un par cellule), ces structures créent aussi un passage à travers les deux membranes plasmiques, par lequel des molécules peuvent alors être échangées entre les cellules adjacentes. D'après les chercheurs de l'université de Bergen en Norvège, il semble donc qu'elles soient aussi le lieu d'ancrage des nanotubes et de passage des informations électriques.
En effet, en mesurant les différences de potentiel de la cellule d'arrivée, les chercheurs ont pu montrer qu'une information électrique pouvait être transmise via ces nanotubes jusqu'à une distance de 70 micromètresmicromètres. En revanche, l'information ne pouvait plus être transmise s'ils ajoutaient des inhibiteurs de l'ouverture des jonctions communicantes. De plus, ils ont montré que des anticorpsanticorps marqués dirigés contre les protéines des jonctions communicantes (les connexines) étaient souvent retrouvés à la base des nanotubes, indiquant le lien entre les deux structures.
La communication intercellulaire à distance semble donc être une réalité. Si ces nanotubes existent bel et bien sur un grand nombre de types cellulaires et permettent un échange d'informations, la complexité des organismes est encore bien plus développée que ce que l'on supposait jusqu'ici.