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Le cholestérol a mauvaise réputation et est souvent associé à diverses pathologies chroniques comme les maladies cardiovasculaires. Cependant, il est avant tout un lipide essentiel qui intervient dans la constitution des membranes cellulairesmembranes cellulaires. Il sert également de précurseur pour synthétiser certaines moléculesmolécules nécessaires au fonctionnement du corps humain, comme les acidesacides biliaires ou les hormones stéroïdiennes.
Les connaissances actuelles ne permettent pas de déterminer si le cholestérol a un rôle néfaste dans le développement du cancer. En effet, bien que certains dérivés du cholestérol favorisent l'apparition de tumeurs, d'autres ont l'effet inverse et peuvent contrer leur progression. Des chercheurs français de l'Inserm à Toulouse, dirigés par Marc Poirot et Sandrine Silvente-Poirot, viennent de mettre en évidence une molécule dérivée du cholestérol, appelée dendrogénine A (DDA) qui possède des propriétés anticancéreuses.
Le cholestérol a mauvaise presse. Une étude montre qu'une molécule dérivée du cholestérol possède une action antitumorale. © Gudlyf, Flickr, cc by 2.0
Au cours de leurs travaux, publiés dans la revue Nature Communications, les scientifiques ont mis en évidence l'effet inhibiteur du cancercancer de la DDA, à la fois sur des cellules tumorales cultivées en laboratoires et sur des tumeurs implantées chez la souris. Ils ont découvert que la DDA était présente dans les cellules saines, mais qu'elle n'était pas détectable dans les cellules tumorales. Grégory Ségala a répondu à nos questions concernant cette étude prometteuse, qui ouvre la voie vers une nouvelle méthode de traitement du cancer.
Futura-Sciences : Qu’est-ce que la DDA, et pourquoi l’avez-vous fabriquée en laboratoire ?
Grégory Ségala : La DDA est le produit de la réaction entre deux composés : l'histamine, une molécule de signalisation du système immunitairesystème immunitaire, et le cholestérol-5,6-époxyde alpha, qui est une forme oxydée du cholestérol retrouvée dans les cellules humaines. L'équipe de Marc Poirot s'est rendu compte qu'un médicament anticancéreuxanticancéreux, le tamoxifène, entraînait l'accumulation du cholestérol-5,6-époxyde alpha dans les cellules cancéreuses. Cet effet est dû à l'inhibitioninhibition de l'activité d'un complexe qui porteporte aussi un récepteur à l'histaminehistamine. Marc Poirot a donc imaginé que la proximité spatiale de l'histamine avec le cholestérol-5,6-époxyde alpha pouvait conduire à une réaction entre ces deux molécules. Cette hypothèse a amené le laboratoire à synthétiser artificiellement cette molécule, plus tard appelée dendrogénine A, et à tester ses effets biologiques in vitroin vitro et in vivoin vivo.
Comment peut-on définir l’effet de la DDA sur les cellules cancéreuses ?
Grégory Ségala : Au cours de l'oncogenèse, les cellules cancéreuses perdent le rôle qu'elles avaient dans le tissu d'où elles proviennent et se dédifférencient. L'effet le plus marquant de la DDA est l'induction de la redifférenciation des cellules cancéreuses. Dans les cellules cancéreuses mammaires par exemple, un traitement par la DDA provoque une reprise de la lactation. En se redifférenciant, les cellules cancéreuses prolifèrent considérablement moins, ce qui participe à l'arrêt de la progression tumorale. Dans les tissus vivants, la DDA stimule également la reconnaissance des tumeurs par le système immunitaire, ce qui renforce ses effets anticancéreux.
Quelles sont vos hypothèses pour expliquer la diminution de la concentration en DDA dans les cellules cancéreuses ?
Grégory Ségala : Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés pour expliquer cette diminution. Nos résultats suggèrent fortement que la production de DDA nécessite une enzymeenzyme particulière. Il est possible que les cellules cancéreuses inactivent cette enzyme pour empêcher la production de DDA. On peut également penser que les cellules cancéreuses stimulent la dégradation de la DDA, ce qui conduit à une diminution de sa concentration.
Trouve-t-on de la DDA dans toutes les cellules du corps ?
Grégory Ségala : Pour l'instant, la DDA a été retrouvée dans tous les tissus testés au laboratoire. Chez la souris, ce composé a été observé dans le cerveaucerveau, le foiefoie, le poumon et la raterate, avec les plus fortes concentrations dans le foie et la rate. Chez l'Homme, le seul tissu qui a pu être testé pour le moment est la rate, dans laquelle il y a bien de la DDA. Compte tenu du rôle général de cette molécule dans la différenciation cellulaire, il est envisageable que la DDA soit présente dans toutes les cellules différenciées du corps humain, mais cela reste à déterminer.
Quelles sont les applications médicales de votre découverte ?
Grégory Ségala : La DDA est capable de contrôler la progression de cancers très agressifs comme le mélanome métastatique, pour lequel il n'existe pas de solution chimiothérapeutique efficace. La DDA est en cours de développement par la société toulousaine Affichem pour une applicationapplication clinique. Son utilisation ravive l'espoir de traiter certains cancers jusqu'à présent considérés comme incurables.
Pouvez-vous préciser vos futurs axes de recherche ?
Grégory Ségala : Le mécanisme d'action moléculaire de la DDA dans les cellules cancéreuses est en cours de caractérisation au laboratoire. Son élucidation permettra de savoir comment cette molécule agit dans les cellules cancéreuses et de suivre son efficacité chez les patients. L'enzyme responsable de la synthèse de DDA est en cours d'identification. La connaissance de cette enzyme permettra d'étudier le rôle endogèneendogène de la DDA dans l'organisme, et de déterminer si cette enzyme est inactivée au cours de l'oncogenèseoncogenèse. Enfin, une étude est également menée afin de déterminer l'efficacité de la DDA comme médicament complémentaire aux thérapiesthérapies actuelles de traitement des leucémies.