au sommaire
Les bébés injustement traités n'hésitent pas à se rebeller, et ce dès 18 mois. © bbaunach, Flickr, cc by 2.0
1er avril : cet article appartient bien sûr à la noble tradition du poissonpoisson d'avril, découvrez les dessous de l'actu décortiquée.
C'est un peu combattre le mal par le mal. Les bébés se sentant lésés seraient prêts à se rendre justice eux-mêmes, et profitent des autres victimes pour comploter et fomenter une punition qu'ils jugent à la hauteur du préjudice subi. Ce n'est pas parce que l'on n'a pas encore toutes ses dents que l'on ne sait pas les montrer et les utiliser !
Ce constat cinglant émane d'une étude à paraître dans la revue Child Development. Certes, il est un peu tôt pour généraliser à l'ensemble des bébés ce qui a été observé sur 12 bambins âgés de 16 à 22 mois, mais le sentiment d'injustice et la réaction qui en découle pourraient bien se traduire très tôt dans la vie par la volonté de congédier l'élément gênant.
L'inégalité de traitement n'est pas une notion humaine, et une recherche de 2007 menée par le célèbre primatologue et éthologue Frans de Waal révèle que les singes capucins sont capables de se mettre en grève si, à travail égal, la récompense est différente. Mais comment cette conscience se manifeste-t-elle dans les premiers temps de la vie humaine ?
C’est l’histoire d’une méchante nourrice…
Les psychologues du Karolinska Institutet ont tenté d'apporter une réponse à cette question, et sont même allés au-delà de leurs attentes. Leurs cobayes : 12 petites têtes blondes (pour celles qui n'étaient pas chauves) de moins de deux ans qui passent leur journée dans un jardin d'enfants.
Après avoir interdit le regroupement de personnes dans les halls des immeubles, faudra-t-il interdire les rassemblements de bébés ? © BabyBlog.com, cc by nc sa 2.0
Ce centre compte quatre nourrices qui prennent soin de tous les petits. Enfin presque... Pour le bien de l'expérience, les auteurs ont demandé à chacune de répondre positivement à toutes les exigences de neuf des bambins, et de ne pas accéder aux demandes des trois autres. Toutes avaient des têtes de Turc différentes, de manière à ce que chaque bébé dispose de trois nourrices avenantes, et d'une autre, méchante.
Pour éviter que les petits ne dénigrent toujours la nounou injuste, les puéricultrices devaient alterner et prendre en charge la crèche en solitaire sur un délai donné. Dans une ambiance musicale au son d'artistes suédois pour enfants tels Leif Erickson, Therese Sjögran ou DJDJ Mytho pour adoucir ou au contraire tendre un peu l'ambiance, l'expérience a été menée sur un mois.
L’union fait la force… et le mal
Après deux semaines d'un tel traitement, les trois bébés devenus les boucs émissaires de la nourrice de garde ont commencé à se regrouper. Eux qui se montraient auparavant peu sélectifs dans le choix des jouets se sont plus facilement emparés des voituresvoitures et des balles. Coïncidence ? Probablement pas.
En effet, dans trois des quatre trios d'enfants, les observateurs ont remarqué que les bébés s'arrangeaient à tour de rôle pour lancer ces objets qui roulent sur le parcours de la vilaine nurse, comportement qui n'a pas été remarqué dans les autres circonstances. Si dans 97,8 % des cas, ce qui s'apparente à une tentative de faire chuter son ennemi n'a pas abouti, deux lancers d'une précision diabolique ont amené les puéricultrices à terre. La vengeance des enfants est terrible, et ce quelle que soit la musique diffusée.
Face à ces nombreuses tentatives infructueuses, les bébés ont aussi tenté la fuite. Alors qu'une nourrice s'occupait des autres enfants, le trio des victimes s'est organisé en quelques secondes. En montant sur les épaules de ses deux camarades et en s'aidant d'objets, le troisième membre du gang était parvenu à ouvrir la fenêtrefenêtre. Le personnel est intervenu en urgence alors que l'évadé se tenait sur le rebord de la fenêtre au deuxième étage, tendant la main à ses deux complices pour les aider à le rejoindre.
Des bébés rois de la grande évasion
L'article ne précise pas si ce sont les mêmes qui ont également mijoté un autre plan d'évasion plus sophistiqué encore. En effet, un groupe de trois bébés a fait très fort. On ne sait trop comment (probablement à l'aide de jouets en forme de marteau et de tournevis), une grille d'aération située au sol a été dévissée et deux d'entre eux ont eu le temps de s'y glisser avant que les nourrices n'accourent pour attraper le troisième qui montait la garde. Selon Fredrik Reinfeldt, l'un des auteurs de l'étude, il a fallu près de 15 minutes pour récupérer le dernier fugitif, qui a été trahi par les bonbons qu'il avait laissés sur le chemin. De plus, on a retrouvé sous une dalle branlante du carrelagecarrelage les débuts d'un tunnel qui aurait pu être creusé par des bébés épris de liberté.
Dès 18 mois donc, les bébés ressentent les injustices, mais les scientifiques ne s'attendaient pas à les voir coopérer et s'unir contre l'ennemi commun. Cela interpelle sur la façon dont ils communiquent entre eux, car à l'exception de la plus âgée, les jeunes cobayes ne savaient pas encore parler avec de vrais mots. Décidément, nous avons encore beaucoup à apprendre sur le côté démoniaque de nos chérubins. À titre anecdotique, les quatre puéricultrices ont dû arrêter temporairement le travail une fois l'expérience terminée. Toutes ont reçu un mot de leur psychologue : « dépression ».