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Dispositif expérimental utilisé par Stanley Miller et Harold Urey dans les années 1950. A partir de molécules simples, comme le gaz carbonique et le méthane, à un seul atome de carbone, il produit des molécules organiques complexes... © Ned Shaw/Indiana University/Science
Un demi-siècle plus tard, les célèbres expériences de Stanley Miller et de Harold Urey (le premier étant l'élève du second) font de nouveau parler d'elles. Au début des années 1950, ces deux biologistes de l'université de Chicago tentent de simuler dans un ballon de verre les conditions atmosphériques de la Terre primitive telles qu'on les imaginait alors. Leur mélange gazeux contient du gaz carboniquegaz carbonique (CO2), du méthane (CH4), de l'hydrogènehydrogène (H2), de l'ammoniacammoniac (NH3) et de l'eau. Le mélange est porté à ébullition puis condensé et passe dans un second ballon. Durant plusieurs heures ou plusieurs jours, cette petite atmosphèreatmosphère est parcourue d'étincelles, censées reproduire les effets des éclairséclairs et des ultravioletsultraviolets.
Le résultat est publié en 1953 dans la revue Science. Le ballon contient des traces de moléculesmolécules organiques variées, notamment de l'urée, du formaldéhydeformaldéhyde et, surtout, des acides aminés, c'est-à-dire les molécules constituant les protéines. Ce travail obtient rapidement un gros succès dans la communauté scientifique mais aussi auprès du grand public. Il offre une explication plausible à l'apparition au tout début de l'histoire de la Terre de molécules considérées comme les briques de la vie.
Bien plus tard, les hypothèses sur les conditions régnant dans l'atmosphère primitive de la Terre ont été largement revues. L'hydrogène, notamment, ne figure plus parmi les favoris des géochimistes, qui penchent pour une forte teneur en gaz carbonique. Miller et son professeur n'auraient donc pas simulé l'atmosphère terrestre dans ses jeunes années et les conclusions sur l'apparition des briques de la vie deviennent caduquescaduques.
Des échantillons ré-examinés
Après le décès de Miller, en mai 2007, deux de ses anciens élèves, Jim Cleaves, de la Carnegie Institution, et Jeffrey Bada, de l'université de l'Indiana, ont exhumé les échantillons secs recueillis après deux expériences effectuées dans les années 1950, et différant un peu de celles qui ont fait l'objet de la célèbre publication. Les deux géochimistes les ont soumis à une analyse poussée en utilisant un spectromètrespectromètre de massemasse des plus sensibles, utilisé par le Centre des vols spatiaux Goddard, de la NasaNasa.
Résultat étonnant : l'analyse y détecte 22 acides aminés. Quantitativement, c'est bien plus que ce qu'avaient mentionné Miller et Urey, qui disposaient d'instruments nettement moins efficaces. La différence est aussi et surtout qualitative : les vingt acides aminés qui constituent aujourd'hui les protéines des tous les êtres vivants sont tous là...
Cleaves et Bada, qui viennent de publier ces résultats dans la revue Science, affirment que les conditions initiales des expériences qui ont produit ces échantillons ressemblent beaucoup à celles régnant aux abords d'une éruption volcaniqueéruption volcanique. Les chercheurs en concluent que dans l'atmosphère primitive de la jeune Terre, les volcansvolcans auraient pu produire autour d'eux des nuagesnuages de molécules organiques complexes, dont les vingt acides aminés qui ont obtenu le succès que l'on sait. L'hypothèse est séduisante et constitue aussi un bel hommage posthume à Stanely Miller...