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L'alcoolisme tue en moyenne 49.000 personnes en France chaque année. À quand un traitement efficace contre la dépendance ? © LightsMakerStudio, Flickr, cc by nd 2.0
Synonyme de convivialité lors d'un dîner entre amis, l'alcool peut devenir un adversaire redoutable s'il est consommé trop régulièrement. Selon l'Institut national de préventionprévention et d'éducation pour la santé (INPES), cinq millions de personnes auraient des difficultés médicales, psychologiques et sociales à cause de l'alcoolalcool et environ 49.000 en mourraient chaque année en France.
Face à ce fléau de santé publique, aucun remède miracle n'existe. Le traitement consiste en un sevrage progressif qui peut être accompagné d'une aide médicamenteuse et psychologique. Les autorités françaises pourraient bientôt autoriser la mise sur le marché du baclofène, un contractant musculaire connu depuis les années 1970 qui rendrait les patients dépendants indifférents à l'alcool. Cependant, le mode d'action de ce médicament reste mal connu et certains spécialistes l'accusent d'effets secondaires indésirables.
Certaines personnes sont plus fragiles que d’autres face à l’alcool. La génétique pourrait expliquer pourquoi. © alpha du centaure, Flickr, cc by 2.0
« L'alcoolisme est une maladie grave qui isole complétement les personnes concernées de leurs familles, de leurs amis et de la société en général, explique Hugh Perry, directeur du Conseil de la recherche médicale de Neurosciences au Royaume-Uni. Même si les recherches avancent, nous ne savons ni pourquoi ni comment la consommation d’alcool évolue vers la dépendance. » Afin de mieux le comprendre, des chercheurs de plusieurs universités britanniques se sont intéressés aux facteurs génétiques impliqués dans la consommation d'alcool. Leurs travaux chez la souris, publiés dans la revue Nature Communications, offrent des pistes de recherche intéressantes pour la mise en place d'un traitement contre l'alcoolisme.
Des souris mutantes qui aiment l’ivresse
Pour cette étude, les chercheurs ont fabriqué des souris contenant des mutations dans les gènes codant pour les récepteurs GABA, des canaux ioniques localisés dans les membranes des neurones. Ces derniers sont activés par la fixation de l'acide gamma-aminobutyriqueacide gamma-aminobutyrique (GABA) et jouent un rôle essentiel dans la physiologie des mammifèresmammifères. « Plusieurs études ont montré que les récepteurs GABA étaient impliqués dans le contrôle de la consommation d'alcool, raconte Howard Thomas. Nous avons voulu analyser cela au niveau génétique. »
Parmi les souris mutantes certaines avaient une attitude tout à fait inhabituelle vis-à-vis de l'alcool. Contrairement à leurs cousines qui ne manifestent aucun intérêt pour lui et choisissent préférentiellement l'eau quand elles ont le choix, ces souris génétiquement modifiées optent beaucoup plus souvent pour les boissons alcoolisées. Lesquelles représentent alors environ 85 % des liquidesliquides qu'elles boivent au cours d'une journée.
Les chercheurs ont voulu creuser un peu plus la question. Ils ont réalisé une expérience similaire, mais dans laquelle les rongeursrongeurs devaient appuyer sur un levier pour obtenir de l'alcool. Cela n'a pas découragé les souris mutantes, loin de là. Elles se sont en effet acharnées à se procurer de l'alcool jusqu'à ce qu'elles soient ivres et qu'elles ne contrôlent plus leurs mouvementsmouvements !
Vers un dépistage génétique de l’alcoolisme ?
En observant ces souris sujettes à l'ivresse de plus près, les auteurs ont montré que la mutation était située dans le gène Gabrb1 qui code pour une sous-unité du récepteur GABA de type A. Cette mutation augmente l'activité cérébrale au niveau du noyau accubens, une région du cerveaucerveau qui contrôle le plaisir. En d'autres termes, la satisfaction ressentie par les souris mutantes lors de la consommation d'alcool serait amplifiée, ce qui leur donnerait l'envie d'en boire à outrance. « C'est incroyable de voir qu'une seule petite différence génétique peut avoir un effet aussi profond sur la consommation d'alcool », commente Quentin Anstee, un des participants à l'étude.
Dans le futur, les scientifiques souhaitent continuer leur enquête et étudier le rôle du gène Gabrb1 chez l'Homme. Ces résultats pourraient expliquer pourquoi certaines personnes sont plus sensibles à la dépendance à l’alcool que d'autres. Ils pourraient conduire à la mise en place d'un test de diagnosticdiagnostic afin de prendre en charge les individus à risque plus rapidement, avant qu'ils ne tombent dans le cercle vicieux de l'alcoolisme.