Les tests génétiques réalisés sur des embryons fécondés in vitro (FIV) existent depuis de nombreuses années. Leur portée restait toutefois jusqu’à présent limitée. Mais des chercheurs annoncent aujourd’hui être en mesure d’aller bien plus loin. Jusqu’à estimer l’intelligence du bébé à venir ?


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    Louise Brown. C'est ainsi que se nomme le tout premier bébé éprouvetteéprouvette de l'histoire de l'humanité. La petite fille a vu le jour le 25 juillet 1978, au Royaume-Uni. Quarante ans plus tard, un bébé sur 30 serait conçu en France grâce à l'assistance médicale à la procréationassistance médicale à la procréation, la fameuse PMA. Et une annonce récente pourrait bien relancer les débats et les inquiétudes à ce propos.

    Si nous ne le faisons pas, quelqu’un d’autre le fera.

    Des chercheurs de la société Genomic Prediction (États-Unis) affirment en effet avoir mis au point des tests de dépistage génétique leur permettant d'évaluer des caractères complexes dans des embryons créés par fécondation in vitro (FIV). Ainsi certaines maladies. Mais surtout, ce qui soulève bien des questions, le niveau d'intelligence. Les chercheurs se défendent, arguant qu'ils proposent uniquement la possibilité de filtrer les embryons susceptibles de présenter une véritable déficience mentale. Mais le cofondateur de l'entreprise, Stephen Hsu, semble déjà moins regardant sur l'éthique. « Je pense que les gens vont le demander. Si nous ne le faisons pas, quelqu'un d'autre le fera », déclare-t-il.

    Rappelons qu'il est déjà courant de procéder à des tests génétiques sur des embryons dans le cadre de FIV. Dans le cas de parents qui présentent un risque d'avoir un enfant atteint de fibrose kystique, par exemple. Ou afin de dépister la trisomie 21. Mais ces tests portent sur des anomalies simples. Les maladies cardiaques, la dépression ou l'intelligence sont des caractères bien plus complexes.

    <em>Genomic Prediction</em> propose d’appliquer la notion de score de risque polygénique à des embryons issus de fécondations in vitro (FIV) afin de déterminer certains caractères complexes des bébés à naître. © Dan Race, Fotolia
    Genomic Prediction propose d’appliquer la notion de score de risque polygénique à des embryons issus de fécondations in vitro (FIV) afin de déterminer certains caractères complexes des bébés à naître. © Dan Race, Fotolia

    Au-delà de l’éthique, la question de la fiabilité des tests

    Ces dernières années est apparue la notion de score de risque polygénique. Celui-ci est calculé en analysant simultanément plusieurs régions de l'ADNADN. Objectif : évaluer la probabilité que présente une personne de développer certaines caractéristiques. Et Genomic Prediction est ainsi la première entreprise à proposer ce type d'étude sur des embryons, promettant de « diagnostiquer » un risque de maladie cardiaque, de cancer du seincancer du sein, de diabètediabète ou encore de maladies inflammatoires de l'intestin. Mais aussi d'estimer l’intelligence du futur bébé.

    Une technique validée sur le papier par la plupart des chercheurs en génétique, mais sur laquelle ces derniers émettent en pratique tout de même de sérieux doutes. Les futurs parents ayant recours à la FIV en effet n'ont en général que quelques embryons parmi lesquels « choisir ». Et, partageant les mêmes parents biologiques, ceux-ci ne devraient pas présenter une grande variabilité de caractères. Sans parler du fait que d'autres facteurs que la génétique entrent en compte dans l'apparition des caractères visés. Et que de mauvaises surprises pourraient attendre ceux qui se laisseraient tenter par une telle sélection. Ainsi, les personnes présentant les scores de risque polygénique les plus élevés en matièrematière de capacité académique seraient aussi les plus susceptibles d'être autistes.

    En attendant, le débat est relancé entre ceux qui n'hésitent pas à qualifier l'idée de « répugnante » et ceux qui au contraire, y voient « une révolution potentielle ». Affaire à suivre...


    Un premier bébé né d’une Fiv avec séquençage complet du génome

    Connor Lévy est né le 18 mai dernier. Ce qui le rend unique ? Il est le premier bébé né d'une fécondation in vitrofécondation in vitro (Fiv) à avoir bénéficié d'un tri des embryons effectué grâce à un scan génétique complet, pour s'assurer qu'il n'avait pas de chromosomeschromosomes en trop. Cette technique tend à augmenter les chances de succès des Fiv en déposant seulement les embryons viables. Mais l'éventualité de dérives n'est pas à exclure...

    Article de Janlou ChaputJanlou Chaput paru le 10/07/2013

    Il s'appelle Connor Lévy et semble se porter très bien. Le bébé, né le 18 mai dernier à Philadelphie (États-Unis), n'en a pas encore conscience mais il est peut-être le premier d'une longue liste à avoir vu le jour grâce à une nouvelle technique de fécondation in vitro (Fiv). L'embryon qui a été implanté dans l'utérusutérus de sa mère a été choisi grâce à une analyse génétique complète, permettant de s'assurer de sa bonne santé et d'augmenter les chances que la grossesse atteigne son terme.

    Car, bien que la Fiv fête le 25 juillet prochain ses 35 ans de succès, et malgré les nets progrès des techniques au fil des années, le taux d'échec reste encore élevé. Seul un tiers d'entre elles sont concluantes. Pourtant, dans les pays développés, les bébés éprouvette représentent entre 1 et 5 % des naissances globales, preuve de la fréquence des demandes des parents ayant des problèmes d'infertilité.

    Souvent, les échecs sont dus à des anomalies génétiques des embryons : ceux-ci disposent en général de chromosomes en trop, les rendant non viables et provoquant une fausse-couche. Pour une femme d'une trentaine d'années, un quart de ses embryons sont concernés. À la quarantaine, on passe à trois-quarts, si l'on en croit Dagan Wells, le chercheur de l'université d’Oxford (Royaume-Uni) derrière ce projet. Pourtant, au microscopemicroscope, il est difficile de repérer ces chromosomes excédentaires. Les scientifiques ont donc décidé de résoudre le problème en comptant eux-mêmes le nombre de chromosomes.

    Découper l’ADN et le séquencer pour compter les chromosomes

    Lors du congrès annuel de la Société européenne de reproduction humaine et d'embryologie (ESHRE 2013), le Britannique est revenu sur la méthode utilisée. Par Fiv, les chercheurs ont obtenu sept embryons. Après cinq jours de développement, ils ont prélevé des cellules souches et extrait l'ADN afin de le séquencer. Grâce aux nouvelles technologies de séquençage, il est désormais possible de compter le nombre de chromosomes relativement rapidement.

    L'ADN est coupé en petits morceaux, qu'un ordinateurordinateur va lire. Grâce à une bibliothèque de fragments d'ADN préétablie auparavant, il sera capable de positionner chacun de ces morceaux sur les chromosomes. Ainsi, il est facile de s'assurer qu'ils y sont tous et en deux exemplaires uniquement.

    À cinq jours, un embryon est au stade blastocyste et ressemble à cela. C'est à ce stade que les cellules dont l'ADN est séquencé sont prélevées. © Ekern, Wikipédia, DP
    À cinq jours, un embryon est au stade blastocyste et ressemble à cela. C'est à ce stade que les cellules dont l'ADN est séquencé sont prélevées. © Ekern, Wikipédia, DP

    Parmi les sept embryons, seuls trois d'entre eux présentaient le nombre idoine de chromosomes. L'un d'entre eux a été implanté, et on sait avec quel succès, puisque Connor est né. D'ailleurs, il devrait être bientôt rejoint par un autre bébé, dont l'accouchement est prévu dans les semaines qui viennent.

    Une Fiv à moindre coût qui détecte les mutations génétiques

    Grâce à cette technique, il est théoriquement possible de lire tout le génomegénome. Ainsi, certains gènesgènes peuvent être analysés afin de voir s'ils sont porteurs d'une mutation critique, comme celles occasionnant la mucoviscidose ou d'autres maladies génétiquesmaladies génétiques, dont les parents peuvent être porteurs. Dans ce cas précis, ce n'était pas l'objectif des chercheurs. Mais les usages pourraient évoluer.

    Cette technique de séquençage grâce aux méthodes de dernière génération réduirait également d'un tiers les coûts d'une telle procédure. On resterait malgré tout dans des dépenses de l'ordre de quelques milliers d'euros. Bien au-delà des 200 € proposés par des rivaux de l'Institut des technologies de la fertilité à Genk (Belgique) lors du même congrès grâce à un nouveau procédé d'incubation, qui ouvrirait alors la technique aux pays les plus pauvres.

    Des problèmes éthiques et moraux soulevés

    Comme toujours cependant, ces progrès s'accompagnent de questions éthiques. À partir du moment où l'on dispose des éléments pour sélectionner un embryon, les dérives eugéniques peuvent suivre très rapidement. Si l'idée première est d'utiliser la technologie pour augmenter les taux de réussite de la Fiv, voire de prévenir des maladies génétiques, certains craignent que le procédé ne soit détourné pour permettre aux parents de choisir les traits physiquesphysiques et mentaux de leurs enfants. Des Néerlandais commencent depuis quelques mois à travailler sur le sujet.

    Que faire pour éviter cela ? L'interdire ? Oui, c'est une solution qui semble inévitable. Mais si parmi les 197 États reconnus par l'Onu, 196 prohibent le détournement de la technique dans le but de créer des bébés « sur mesure », le 197e pourrait y voir l'opportunité d'une manne financière conséquente. Des laboratoires clandestins seraient susceptibles de s'ouvrir, attirés là encore par l'argentargent. Le contrôle s'annonce donc difficile.

    D'autres, en revanche, semblent moins inquiets. En effet, le nombre d'embryons par couple est limité, et avant de trouver celui qui disposera de tous les gènes désirés à la fois, avec le nombre adéquat de chromosomes et sans mutation néfaste, il faudra de multiples tentatives. Telle que proposée aujourd'hui, cette technique ne peut être détournée à des fins malhonnêtes. Mais qu'en sera-t-il demain ?