On le retrouve dans le son d’une radio, perdue entre deux stations, ou lorsque l’on change de chaîne de télé pour se retrouver sur un canal abandonné. On croit en entendre l’écho dans le fracas d’un cascade ou le concert des gouttes de pluie lors des averses d’été. Aujourd’hui, dans INFRA, on va parler du bruit blanc, mais aussi du bruit gris, du bruit rose ou du bruit brun, d’acouphènes, de cris de bébés, de bacon grillé, et du business lucratif du charlatanisme sonore, le tout en compagnie de notre tout premier invité, le Docteur Pigeon.


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    Si vous n'avez encore jamais entendu parler de bruit blancbruit blanc jusqu'à présent, il est nécessaire de commencer par une petite mise à niveau. On retrouve ce bruit un peu partout sur internetinternet : il est mis à disposition dans des podcasts, sous forme d'albums de sons, en téléchargement ou encore dans des vidéos de 10 heures aux titres à rallonge. [Une voix féminine informatisée :] LE PLUS DOUX BRUIT BLANC Pour Dormir Profondément ▪ Soulage Le Stress, Les Insomnies Et Acouphènes, Bruit Blanc Bébé, Bruit de la Pluie, Insomnie, Détent- [La voix principale interrompt] Bref, vous voyez l'idée. Il peut sonner comme ça : [un son similaire à un ventvent soufflant sur une plaine], comme ça [un son similaire à une mer agitée] ou comme ça [un son similaire au souffle d'un gros ventilateur]. Et manifestement, à en croire ces titres prometteurs, le bruit blanc possède tout un attirail de vertus thérapeutiques. 
    Avant de vous dire si c'est vraiment le cas ou pas, on va d'abord revenir un peu en arrière.

    Découvrez le podcast INFRA à l'origine de cette retranscription. Cliquez sur Play et laissez-vous porter ou cliquez ici pour vous abonner sur vos plateformes préférées. © Futura

    Le bruit blanc de l'ingénieur

    Qu'est-ce qu'un bruit blanc ? Si l'on consulte Wikipédia, on lit qu'un bruit blanc est « un signal aléatoire ayant une intensité égale à différentes fréquences, ce qui lui confère une densité spectrale de puissance constante. » Alors ne paniquez pas tout de suite, je m'explique. Déjà, contrairement à ce que son nom pourrait laisser entendre, un bruit blanc n'est pas forcément un son. Reprenons l'exemple de notre télé, branchée sur un canal qui ne reçoit aucune chaîne. Son écran affiche ce que l'on appelle communément de la neige, un ensemble de petits points noirs et blancs qui forment une immense mosaïque en constante transformation. Et ses hauts-parleurs produisent un [schhh] caractéristique, dont le spectrogramme, la visualisation de l'onde sonoreonde sonore, ressemble d'ailleurs à s'y méprendre à un écran statique, mais en couleurscouleurs. Voilà donc deux exemples de bruits blancs, un visuel et un autre auditif. Dans ces deux cas, la répartition des points comme des fréquences auditives est aléatoire, non-corrélée d'un échantillon à un autre, et sa moyenne est égale à zéro. Dit plus simplement, si l'on reprend le bruit blanc visuel, les points apparaissent au hasard sur l'écran, sans former de motif et si vous les additionniez, vous vous retrouveriez avec un gris qui est l'exacte moyenne du blanc et du noir. 

    Le spectrogramme du bruit blanc ressemble à l'écran statique d'une télévision, mais mélange à la place des nuances de jaune, d'orange et de violet. © Futura, Audacity
    Le spectrogramme du bruit blanc ressemble à l'écran statique d'une télévision, mais mélange à la place des nuances de jaune, d'orange et de violet. © Futura, Audacity


    Bon allez, j'arrête de vous torturer avec des détails techniques. Pour le bruit blanc dont on va parler aujourd'hui, celui qu'on écoute, je vous propose qu'on s'appuie sur la définition suivante :

    [Stéphane Pigeon :] Un bruit blanc, si on prend la définition d'un ingénieur, c'est un bruit qui contient toutes les fréquences audibles dans les mêmes proportions.

    La voix que vous venez d'entendre, c'est celle de Stéphane Pigeon, qui préfère le titre humoristique de Docteur Pigeon. Cet ingénieur belge est un passionné de sons et le créateur de myNoise, un site rassemblant une grande variété d'expériences sonores, depuis un simple bruit blanc à son destiné à masquer les conversations en passant par un [paysage de bord de mer en Irlande]. Il y a des heures et des heures d'audio à découvrir sur cette page et je vous invite vivement à aller y faire un tour. J'en profite tout de suite pour préciser que cet épisode n'est pas sponsorisé, pas plus que le premier sur les machines à café d'ailleurs, contrairement à ce que certaines personnes ont pu penser.

    L'aléatoire au cœur du bruit blanc

    Bref, revenons-en à notre bruit blanc [schhh]. Comment est-ce que l'on génère un signal comme ça à partir de rien ?

    [SP :] Un bruit blanc est généré très facilement, pour autant qu'on ait accès à un générateurgénérateur de nombres aléatoiresnombres aléatoires. Si vous parvenez à tirer des nombres au hasard et que vous envoyez ces nombres dans un convertisseur digitaldigital-vers-analogiqueanalogique, eh bien, il va ressortir du bruit qui est blanc. 

    Cette notion d'aléatoire, elle est essentielle pour définir le bruit blanc. Celui-ci est en quelque sorte la parfaite incarnation sonore du chaos. Et ce qui est amusant c'est que, paradoxalement, il n'existe donc qu'un seul vrai bruit blanc selon l'ingénieur, celui qui est créé aléatoirement, sans aucune corrélation entre ses différentes parties. Mais cela signifie aussi, par extension, qu'il n'existe en théorie pas deux bruits blancs similaires, puisque tous ont une répartition, une empreinte unique.

    On retrouve le bruit blanc dans toutes sortes de domaines, des mathématiques à l'informatique mais dans le domaine de la musique, il sert à masquer à créer des sons de batterie synthétiques, à masquer le bruit de certains appareils ou encore à vérifier le bon fonctionnement des amplis.

    [SP :] Comme par définition, c'est un bruit qui contient toutes les fréquences dans la même proportion, le bruit blanc est le signal de test par excellence. Lorsque vous voulez tester le comportement d'un système au niveau de ses fréquences, vous lui injectez du bruit blanc à l'entrée - vous savez que ce bruit contient toutes les fréquences de façon uniforme - et vous regardez ce que le système rejette en sortie, et vous allez voir qu'il triture ce bruit blanc pour le rejeter peut-être avec des fréquences de prédilection ou bien certaines fréquences ont disparu. Utiliser du bruit blanc, c'est très pratique, ça permet directement de voir ce que le système a fait au niveau de sa réponse fréquentielle.

    Psychoacoustique et bruits colorés

    Mais alors, figurez-vous qu'il n'existe pas que du bruit blanc. Celui-ci tire son nom de l'analogieanalogie avec la lumièrelumière - la lumière blanche combine toutes les longueurs d'ondelongueurs d'onde et le bruit blanc toutes les fréquences -, mais il existe aussi du bruit rose, violet, bleu, brun, gris ou même velours.
    Vous n'avez peut-être jamais vu ces dénominations auparavant, mais si vous avez écouté des pistes de bruit blanc en ligne, il est possible que vous les ayez déjà entendus. Car bruit blanc, bruit rose ou encore bruit brun sont utilisés de manière assez interchangeable sur le web, au grand désespoir de l'ingénieur.

    [SP :] Le terme « blanc », c'est un peu le nirvana, le Graal de l'ingénieur, c'est toutes ces fréquences qui sont là de façon uniforme. Et c'est pour ça que le grand public utilise le terme « blanc » pour parler d'un bruit uniforme. Il se fait que l'uniforme de l'ingénieur, quand il décrit blanc, n'est pas le même que l'uniforme que l'on aimerait bien entendre. 

    Alors, pour ne pas décevoir Stéphane, je vous propose d'apprendre à distinguer les trois plus importants : les bruits rose, gris et brun. Et pour comprendre l'origine des deux premiers, il va falloir faire un peu de psychoacoustique, la discipline qui s'intéresse à la perception des sons.

    Diagramme des bruits colorés avec en abscisse la fréquence (en hertz), et en ordonnée la densité spectrale de puissance. Le bruit brun est le plus chaud des sons avec une représentation plus importante des fréquences graves, tandis que le bruit violet est le plus aigu. © AkanoToE
    Diagramme des bruits colorés avec en abscisse la fréquence (en hertz), et en ordonnée la densité spectrale de puissance. Le bruit brun est le plus chaud des sons avec une représentation plus importante des fréquences graves, tandis que le bruit violet est le plus aigu. © AkanoToE

    [SP :] Il faut comprendre que l'oreille n'entend pas toutes les fréquences de la même façon et que surtout, l'oreille est logarithmique. Ça veut dire que si on prend le spectrespectre audible, celui-ci s'étend de 20 HzHz à 20 000. [Un échantillon de son allant de 20 Hz à 20 000 Hz.] On pourrait croire que la moitié de ce spectre - prenons la moitié, de 10 000 à 20 000 - on pourrait croire que de 10 000 à 20 000, on englobe la moitié du contenu sonore que l'on peut entendre. Et il n'en est rien, parce que l'oreille est logarithmique. Elle, elle est sensible à des facteurs 2. Donc, pour illustrer mon propos, entre 100 Hz et 200 Hz [un son grave allant de 100 à 200 Hz], il y a un facteur 2 de différence. Il y a la même distance sonore, on peut découvrir un même monde sonore qu'entre 10 000 et 20 000 [un son aigu allant de 10 000 à 20 000 Hz]. De nouveau, il y a un facteur 2 entre ces deux fréquences. Pourtant, entre 10 000 et 20 000, on peut dire « Waouh, là, il y a 10 000 Hz, tandis qu'entre 100 et 200, il n'y en a que 100. » Eh bien, pour l'oreille, c'est chou vert et vert chou. Elle, elle n'est sensible qu'aux rapports de fréquence. Et les musiciens le connaissent bien, ce concept, c'est de l'octave en musique. [Cinq do sont joués à la suite les uns des autres, du plus grave au plus aigu.] Quand on regarde le spectre audible, si on veut le décomposer en petits intervalles qui sont perçus de la même façon, on commencerait de 20 Hz jusqu'à 40, 40 à 80, 80 à 160, 160 à 320, et cætera, et cætera, et cætera, jusqu'à arriver de 10 000 à 20 000. Et là, on a comme ça 10 octaves qui couvrent le spectre. Et donc, si jamais quelqu'un - et ça arrive à tout le monde même avec l'âge - perdait la moitié des fréquences sonores audibles dans son audition - il n'entendrait plus que jusque 10 000 Hz -, il pourrait croire qu'il a perdu la moitié de son audition, mais ce n'est pas vrai, il n'a juste perdu que la dixième octave. Donc il est encore à 9 sur 10 sur son audition. Tout ceci pour dire que si l'on veut un son qui soit considéré comme constant pour l'oreille humaine, ce n'est pas vraiment le bruit blanc qu'il faut aller chercher. C'est un bruit qui n'ait pas toutes les fréquences dans les mêmes proportions, mais qui ait toutes les octaves dans la même proportion. Et là, on a un son qui devient déjà beaucoup plus proche d'un son que l'on pourrait qualifier d'uniforme. Et ce son, il a un nom, c'est le bruit rose. [Le bruit rose sonne comme le fracas d'une cascade.]

    Bruit rose, bruit gris, bruit brun

    Le bruit rose est plus chaud et plus doux que le bruit blanc. Il évoque le fracas d'une cascade, une averse d'automneautomne ou un vent soutenu parmi les feuilles. Comme l'explique Stéphane, au lieu de jouer chaque fréquence au même niveau d'énergieénergie comme le bruit blanc, le bruit rose découpe le son en octaves pour émulerémuler l'audition humaine. Ainsi, la section de 20 à 40 Hz est jouée avec la même intensité que le tronçon de 10 000 à 20 000 Hz.
    On retrouve du bruit rose un peu partout dans la nature, à travers la structure statistique de systèmes physiquesphysiques et biologiques, comme les maréesmarées, les émissionsémissions lumineuses des quasarsquasars, les battements de votre cœur ou encore les signaux électriques de vos neurones. Il joue un rôle tellement important dans votre cerveau qu'il sert entre autres à détecter une crise d'épilepsie même sans symptômessymptômes extérieurs, ou à modéliser les états mentaux.
    On est donc déjà beaucoup plus près d'un bruit plus adapté et en apparence plus uniforme pour notre oreille. Mais on peut encore avancer d'un cran supplémentaire pour créer le son continu parfait.

    [SP :] Outre ce phénomène d'octave, l'oreille est plus sensible dans la plage de fréquences proche des 1 000 Hz. Alors la petite anecdote à ce sujet, c'est que c'est juste la fréquence qui est proche des pleurs des enfants, des bébés - ouiiin ouiiin ouiiin-, dans les environs de 1000 Hz. Étonnamment, c'est là que l'oreille humaine est la plus sensible. Et donc, si on est toujours à la recherche de ce bruit continu parfait, on devrait également venir atténuer les fréquences autour de 1 000 Hz, parce que sinon, on va se créer un pic au niveau de la perception.

    Petit aparté : cette sur-sensibilité aux fréquences de 1 000 Hz n'est bien évidemment pas la seule chose qui va délimiter votre « profil auditif ». Votre âge, votre génétiquegénétique mais aussi les dégâts qu'a subis votre audition au cours de votre vie participent également à vous rendre plus ou moins sensibles à certaines fréquences. On sait notamment très bien qu'en vieillissant, nos oreilles sont de moins en moins capables de capter les fréquences aiguës. Par exemple, seule une partie d'entre vous devrait être capable d'entendre ceci : [un son très aigu].

    Si vous êtes doté·e d'audition, vous pouvez tester l'âge de vos oreilles. Équipez-vous d'écouteur et voyez jusqu'à quelle fréquence vos oreilles sont capables d'entendre. © White Noise & Relaxation, YouTube

    [SP :] Et quand on arrive comme ça à compenser toutes les caractéristiques de notre oreille, on arrive à ce bruit parfait pour notre oreille et celui-ci est référencé sous le vocable de « bruit gris ». Voilà la couleur du bruit parfait. Et ce bruit n'existe que pour vos propres oreilles à vous. Chacun a un bruit gris différent parce que chaque oreille humaine est différente.

    En voici un exemple : [un son plus grave que le bruit rose, mais dont la perception peut varier d'une personne à l'autre.] 
    Alors, est-ce que ce son vous semble uniforme ? Pour ma part j'ai l'impression d'en entendre deux, un son rose et un son beaucoup plus grave, qui se superposent sans vraiment se mélanger. Ce n'est donc pas la bonne combinaison pour moi. Dites-moi ce que vous entendez de votre côté en commentaire. Mieux, si vous arrivez à le créer, envoyez-moi la courbe de votre son gris parfait sur TwitterTwitter et je compilerai les images pour comparer à quel point ce bruit peut être différent d'une personne à l'autre.

    Enfin, on a le bruit brun, aussi qualifié de bruit rouge, bruit de marche aléatoire, bruit de Brown ou encore bruit brownien. Vous l'aurez peut-être deviné, celui-ci tire son nom du mouvementmouvement brownien, découvert en 1827 par le botanistebotaniste écossais Robert Brown alors qu'il observait le mouvement de grains de pollenpollen à la surface de l'eau. C'est le plus chaud de tous les sons colorés, évoquant le murmure lointain de l'océan. [Un exemple de bruit brun, enveloppant, agréable à écouter.]

    Une visualisation du mouvement brownien : une particule de pollen flotte librement à la surface de l'eau. © Lookang
    Une visualisation du mouvement brownien : une particule de pollen flotte librement à la surface de l'eau. © Lookang

    Félicitations ! Vous êtes maintenant familiers avec les membres les plus célèbres des bruits colorés ! La prochaine fois que quelqu'un vous dira qu'il écoute du bruit blanc pour mieux dormir, vous pourrez lui répondre, en connaisseur, que vous préférez le bruit rose, le brun ou le gris.

    Un remède miracle pour la concentration ?

    Alors justement, parlons-en des bienfaits du bruit blanc. Est-ce qu'il aide vraiment à se concentrer, à se détendre ou encore à libérer les pouvoirs cachés de votre cerveau ? Pas tout à fait, bof et... non. En fait, L'un des plus grands atouts du bruit blanc, c'est sa capacité à masquer d'autres sons. Comme il combine toutes les fréquences, il a tendance à rendre les bruits alentour, et plus particulièrement la parole, plus difficiles à discerner. Attention, le masquage ne doit pas être confondu avec le contrôle actif du bruit, que l'on retrouve dans certains casques haut de gamme. Avec ces derniers, un micro enregistre les sons entrants et émet une onde miroirmiroir en retour qui annule en quelque sorte la fréquence parasiteparasite. Comme ce système a besoin d'être très réactifréactif pour être efficace, il est surtout utile dans des conditions où le bruit à supprimer est continu, comme le bourdonnement des réacteurs d'un avion par exemple. Le bruit blanc, lui, n'annule pas le son, il le rend simplement moins intelligible. L'objectif à partir de là est donc de créer une émission sonore suffisamment discrète pour être ignorée mais assez puissante pour masquer les bruits alentour. 
    Plus facile à dire qu'à faire, mais il faut le reconnaître, cette technique connaît tout de même un certain succès.

    [SP :] Au départ, avec myNoise, je voulais rendre disponible ces bruits pour les personnes qui avaient des problèmes d'acouphènes. C'était surtout les personnes dont le médecin leur recommandait d'écouter du bruit blanc. Et puis, un utilisateur m'a dit : « Mais j'utilise ce son quand je suis au travail pour me concentrer. » [Une ambiance de bureau.] Et là, j'ai cru que j'avais affaire à un fou parce que je connais bien le son du bruit blanc. Je trouve que ça euh... c'est pas trop joli à entendre, c'est monotone, c'est un peu ennuyant et j'imagine mal qu'on puisse écouter ça dans des écouteurs pendant toute la journée alors qu'on veut se concentrer. [Schhh.] C'est déjà mieux avec du son de la pluie ou du vent, le son de l'océan. [Le son grave de l'océan.] Mais alors, il m'est arrivé une chose, c'est que lorsque je faisais le développement d'un de ces sons [un son de pluie légère], je faisais l'édition, j'avais ce son qui jouait dans des casques et puis tout à coup, il y a un mail qui arrive et je dois répondre à ce mail et je suis quelqu'un qui est très mauvais à faire de la rédaction et donc répondre ou rédiger un rapport, ça met du temps, c'est quelque chose qui est ennuyant, je ne suis pas content du résultat, je vais me relire. Et ce mail demandait une longue réponse et je me suis étonné à ce que la réponse soit venue du tac-au-tac, d'y avoir travaillé sans ennui pendant 20 minutes et ne pas avoir vu le temps passer et seulement alors, me rendre compte que j'avais toujours du son de la pluie qui jouait dans le casque alors que je ne l'avais plus entendu du tout. Et là, ça a été la révélation. Comment se fait-il que le temps soit passé aussi vite, que j'aie pu être productif, que je n'aie pas été distrait ? C'est là que j'ai compris ce dont parlait la personne en disant « j'utilise ce bruit pour me concentrer. » Je ne m'étais jamais rendu compte que si l'on écoute un bruit qui a été bien conçu - et qui a été conçu pour justement pouvoir être ignoré par le cerveau, donc un bruit qui ne vous distrait pas, dans lequel il ne se cachent pas des éléments qui vont réveiller votre attention - eh bien, ce son, après, mais c'est même très rapide, après quelques minutes, va être complètement transparenttransparent. Vous n'allez plus du tout l'entendre ! Et effectivement, quand il se met à pleuvoir dehors, vous allez dire : « Ah, tiens, il pleut. » Mais après, vous n'allez pas vous dire toutes les minutes « Tiens, il pleut. » « Il pleut encore. » « Il pleut. ». Vous n'entendez plus ce son. Il fait partie du décor et votre cerveau a d'autres choses à faire que d'écouter consciemment ce son. Et donc, ce son, vous ne l'entendez plus, mais il continue à jouer et il continue à masquer tous ces autres sons qui seraient devenus des nuisancesnuisances si ce son ne jouait pas et n'exerçait pas son pouvoir masquant.

    La pluie, comme le bruit blanc, peut avoir un effet masquant qui aide à se concentrer sur une tâche. © myNoise • Focus • Relax • Sleep, YouTube

    Un bruit aux multiples vertus

    Les chercheurs ont ainsi découvert que le bruit blanc pouvait améliorer les performances cognitives - pas toutes - chez les personnes atteintes d'hyperactivité et de troubles de l'attention. À noter qu'il aurait l'effet inverse chez celles et ceux naturellement doté·e·s d'une bonne concentration. Donc si vous voulez intégrer du bruit blanc dans votre routine, assurez-vous d'abord qu'il vous convienne.
    Il est également régulièrement prescrit chez les patients atteints d'acouphènes pour masquer cette sensation auditive très désagréable. Si vous utilisez déjà cette technique, attention tout de même, une étude parue en 2018 suggère que l'utilisation du bruit blanc pur pourrait avoir des effets négatifs sur le système auditif. Le mieux est de s'adresser à un professionnel qui vous créera un bruit sur mesure, comportant toutes les fréquences sauf celles qui vous posent problème. Pour faire simple, au lieu de masquer directement le bruit parasite, cette piste obligera votre cerveau à faire le travail lui-même, avec de meilleurs résultats sur le long terme. Troisième bénéfice de cet effet de masquage : le sommeilsommeil. Si votre rue est particulièrement bruyante, le bruit blanc vous permettra d'oblitérer une partie de votre environnement sonore et de vous endormir plus facilement. Si vous préférez garder votre portable à distance durant la nuit, vous pouvez recourir à une machine à bruit blanc, dont le premier modèle électrique remonte à 1962. Fun fact, des chercheurs lui même ont trouvé un ancêtre au XVIIème siècle ! Pour aider le pape Clément IX à s'endormir, l'architectearchitecte et sculpteur Gian Lorenzo Bernini avait créé une machine composée d'une roue dans laquelle tournaient de petites boules en papier. [Le bruit résultant, proche de celui d'une fontaine], était apparemment d'une efficacité redoutable. Une fois encore, cette méthode reste tout de même à utiliser avec modération. Durant le sommeil, l'audition reste active, et même quelque chose comme un bruit blanc continu peut empêcher le cerveau de se reposer pleinement. C'est pourquoi les experts préconisent ce recours seulement en cas de véritable nécessité. Si votre environnement est relativement calme, essayez plutôt la méditationméditation, les bouchons d'oreilles ou encore un masque de nuit pour vous endormir.

    [La Petite Musique de Nuit de Mozart joue pendant un instant.] Les chercheurs semblent par ailleurs penser que le bruit blanc pourrait moduler l'activité cérébrale et ainsi améliorer la mémorisation. Une expérience est même allée jusqu'à comparer son efficacité à celle d'un morceau de Mozart. Le bruit blanc en ressort vainqueur.
    Enfin, des études commencent à suggérer que ce son pourrait également être utile dans le traitement de la dépression, de l'anxiété, du stress, de la schizophrénieschizophrénie, de la démencedémence et même de la douleurdouleur. Ces résultats ont encore besoin d'être étayés, et quoi qu'il en soit, je vous recommande de consulter un professionnel de santé si vous êtes concernés par ces troubles, pour être sûr·e de bénéficier d'une prise en charge adéquate.

    Les bruits blancs dans la nature

    Mais peut-être que certains et certaines d'entre vous n'aiment pas tout simplement pas le sifflement du bruit blanc et se demandent si le son de la pluie ou du vent pourraient offrir une thérapiethérapie tout aussi efficace, et qui plus est, plus douce, plus naturelle et sans effets secondaires. Eh bien, voyons cela. Déjà : 

    [SP :] À part le signal de l'ingénieur, qui est une définition stricte du mot blanc et qui génère un bruit blanc exact, ailleurs, le bruit blanc n'existe pas. Il y aura toujours des fréquences qui s'écarteront de cette uniformité que l'on attend du bruit blanc. Donc, une façon de répondre à votre question, c'est de dire : non, le bruit blanc n'existe pas dans la nature. Il faudrait vraiment être extrêmement chanceux de tomber juste sur un son qui ait cette répartition exacte. Mais, si on était un peu plus ouvert d'esprit, on pourrait aussi répondre à votre question en disant : oui, il y a plein de bruits blancs, et alors on se permet une certaine tolérance autour de cette exigence de fréquence uniforme. Et alors, c'est vrai que le son de la mer, le son de la pluie et le son du vent peuvent se rapprocher d'un bruit blanc.

    On fait un petit test ? Je vous propose d'écouter quelques-uns de ces bruits courants dans notre environnement quotidien et d'essayer de deviner à quoi ils correspondent. Les réponses seront visibles dans les notes de l'épisode, disponibles en description, avec toutes les études que j'ai citées plus tôt. Un petit indice pour vous aider : l'un de ces échantillons audio est le son d'une tranche de bacon en train de griller dans une poêle. C'est parti ! [À la suite les uns des autres : De la pluie. De l'eau s'écoulant d'un robinet. Le vent soufflant dans un champ de maïsmaïs. Du bacon en train de griller dans une poêle. Une fontaine. Une bombe aérosolaérosol.] 

    Saurez-vous distinguer les sons de pluie des sons de bacon en train de griller ? © Storyblocks, YouTube

    Alors, je ne vais pas entrer dans le détail de chacun de ces sons pour expliquer pourquoi ils ressemblent au bruit blanc, mais ce qu'il faut se dire, c'est que l'on retrouve dans chacun d'eux la part d'aléatoire qui donne au bruit blanc sa signature.
    Prenons simplement l'exemple de la pluie. Celle-ci appartient à la bibliothèque de son des quatre éléments naturels : l'eau, l'airair, le feufeu et la terre, rassemblés en ce que l'on appelle la géophonie. D'après le site I'm a pluviophile, le bruit de la pluie proviendrait en partie de la résistancerésistance de l'air] rencontrée par les gouttesgouttes d'eau durant leur chute. Je n'ai pas réussi à trouver de sources corroborant ses propos, mais si l'on en croit l'autrice, les précipitationsprécipitations entraîneraient un courant d'air descendant, qui en rencontrant des obstacles - feuilles d'arbresarbres, toitstoits, pylônes - deviendrait audible pour nos oreilles.
    Ce qui est certain, c'est que l'impact des gouttes d'eau avec le sol joue pour sa part un bruit déterminant. C'est la combinaison de tous ces petits plocs, sur des surfaces résonnant à différentes fréquences, qui nous donne ce bruit si plaisant et caractéristique, capable, aussi, de masquer les sons environnants. [De la pluie monte en intensité.]
    C'est pour ça que beaucoup de gens rapportent mieux dormir lorsqu'il pleut dehors. Le professeur de santé comportementale Orfeu Buxton explique que ces sons naturels sont suffisamment lents et glissants pour être perçus comme non-menaçants. Grâce au masquage, ils adoucissent les coups de klaxon, les claquements et les cris qui vous parviennent de la rue. Une étude a démontré que le son d'une cascade dans un barrage canadien pouvait accroître l'émission par le cerveau d'ondes alpha, associées avec la relaxation et la méditation. D'autres indiquent que les sons de nature pourraient aussi aider à décroître la douleur perçue et à réduire le stress chez des patients.

    Le business florissant du bruit blanc

    Alors forcément, avec autant de bénéfices, que ce soit du côté de la géophonie, du bruit blanc ou d'autres bruits colorés, on ne sera pas surpris·e d'apprendre que les pistes audio de 10 heures, promettant relaxation, sommeil ou encore concentration pullulent sur le web. En France, les requêtesrequêtes pour l'expression "bruit blanc" sur GoogleGoogle grimpent de manière continuelle et régulière d'année en année.
    Et bien évidemment, il n'a pas fallu attendre longtemps avant que certains décident de capitaliser sur cette mode, promettant un investissement minimal pour un retour maximal. Sur SpotifySpotify, la piste Clean White Noise - Loopable with no fade, sur l'album White Noise Baby Sleep | White Noise for Babies, composée par Erik Eriksson a dépassé 1,2 milliards d'écoutes, équivalant à plus de 3,5 millions de dollars de royalties si l'on extrapole les chiffres fournis par The Telegraph en 2022. [Extrait de la piste, ressemblant au son du vent soufflant dans le désertdésert.]
    La vidéo de bruit blanc la plus vue sur YoutubeYoutube pour sa part, Colicky Baby Sleeps To This Magic Sound | White Noise 10 Hours | Soothe crying infant, enregistre 215 millions de vues. [Extrait de la piste, ressemblant à un vent fort dans les arbres.]
    Notez au passage que ces deux exemples illustrent à quel point le bruit blanc est devenu une notion frelatée. Vous qui êtes désormais experts et expertes en la matièrematière, vous avez dû vous apercevoir que ces sons n'ont rien à voir avec du bruit blanc.

    [SP :] J'ai découvert que ce que l'on entend par bruit blanc sur internet est tout à fait différent. Ce qui déçoit un peu l'ingénieur, parce qu'il a vraiment fait une belle définition, et quand un ingénieur parle de bruit blanc, il ne s'agit que d'un seul bruit blanc et on ne saura pas avoir de confusion, il s'agit d'un son possible. Sur internet, ce bruit blanc prend plein de formes différentes. Ça peut être un son qui n'est pas musical et qui est continu, un bruit constant... Il ne s'agit plus d'un bruit blanc au terme de la définition d'ingénieur.

    Cette vidéo de bruit blanc est la plus vue sur Youtube. Et pourtant, le bruit n'est pas blanc. © Relaxing White Noise, YouTube

    Les créateurs de « bruits blancs » ont aujourd'hui développé un business florissant, basé sur les abonnements, la publicité ou les royalties. Ces pistes sont parfois tellement écoutées qu'elles remontent jusque dans les tops 15 de Spotify pour les podcasts, ce qui les rend d'autant plus visibles et à nouveau d'autant plus écoutées. 
    D'après un ancien employé d'Ameritz, un label britannique, pas moins de dix personnes avaient pour tâche de reposter quotidiennement les mêmes titres sous divers noms et avec diverses images, pour qu'ils apparaissent continuellement dans les nouveautés de la plateforme. Les vols de pistes sont fréquents et les studios généralement intraçables, cachés derrière des noms tellement génériques qu'ils seraient impossibles à retrouver sur le web.
    Le milieu est devenu si compétitif qu'en 2018, un ingénieur musical australien du nom de Sebastian Tomczak a reçu pas moins de 5 copyright claims, des revendications de droit d'auteur, sur un bruit blanc qu'il avait posté sur Youtube. Si les passages incriminés ont été détectés automatiquement par l'algorithme de la plateforme [un son désagréable, suggérant une pénalité], les chaînes qui ont reçu l'information n'ont pas jugé nécessaire de la contester, ni même de demander à Tomczak de retirer sa vidéo. Au lieu de cela, celui-ci a perdu le droit de monétiser son contenu, et les studios à qui Youtube a attribué à tort les droits d'auteur touchent désormais les revenus générés par cette vidéo.
    Ce genre d'histoire explique peut-être pourquoi certaines chaînes postent leurs propres variations du bruit blanc : à la fois pour offrir une écoute plus agréable avec une version moins sifflante, mais aussi pour éviter de se faire pomper leurs revenus par des concurrents. On reparlera des algorithmes de copyright claim et de leur fonctionnement dans un futur épisode.

    Trouver le son idéal pour soi

    Pour Stéphane, myNoise est venu d'une tout autre démarche, et porteporte la marque de sa passion pour le son.

    [SP :] myNoise est venu du fait qu'au départ, j'avais mis ce fameux bruit blanc, la version d'ingénieur, sur un site internet et disponible au téléchargement à qui voulait l'utiliser. Et c'était un site destiné aux ingénieurs et le son en lui-même était destiné à tester de l'équipement sonore. Et je remarquais que beaucoup de personnes venaient télécharger ce son alors qu'ils n'étaient pas ingénieurs du tout et qu'ils ne savaient pas comment tester un équipement sonore avec ce son-là. Et je me suis rendu compte que les gens venaient télécharger ce bruit blanc à des fins thérapeutiques. Des personnes qui souffrent d'acouphènes ou des personnes qui souffrent d'anxiété. Et cela m'a étonné parce que, justement, ce bruit blanc qui contient toutes les fréquences de façon uniforme, n'est pas le meilleure qui soit pour aider les personnes avec des problèmes d'acouphènes ou des problèmes d'anxiété. Ce son n'est pas agréable à entendre. Il vaut mieux utiliser sa version rose et encore mieux la version grise. Et donc, c'est suite à cette réflexion-là que je me suis dit : bon bah je vais mettre en ligne et sur un autre site des sons, des bruits entre guillemets « blancs » qui soient mieux adaptés pour l'utilisation thérapeutique que les personnes veulent en faire.  Et l'idée suivante, ç'a été de se dire : pourquoi se restreindre à ce bruit généré par des échantillons aléatoires qui n'est pas très plaisantn alors que dans la nature, on peut trouver des bruits naturels qui soient proches de ce bruit blanc, ce bruit rose ? Et c'est comme ça que j'ai créé le site myNoise. Et au départ, je n'offrais que des sons de pluie, de vent, d'océan qui généraient ce bruit rose. Mais voilà, ma formation d'ingénieur a intégré quelques petites astuces. J'allais enregistrer ces sons de façon naturelle et je me retrouvais avec un spectre qui n'était pas parfaitement rose. Donc, je prenais sur moi le fait d'aller corriger ça, d'aller mesurer exactement le contenu fréquentiel de ces sons et d'aller amplifier les fréquences qui manquaient ou diminuer les fréquences qui étaient sur-représentées, pour corriger ce son de la pluie et en faire un bruit qui, stochastiquement, soit vraiment rose. [Un son de pluie « rose », proposé sur myNoise.]

    Stéphane Pigeon se tient sur des rochers déchiquetés pour capturer le son de l'océan sur la côté irlandaise. Comme il me l'explique lors de l'interview, la collecte de ces sons est la partie la plus complexe de son travail et il devient de plus en plus difficile de trouver des environnements qui ne soient pas pollués par les sons humains. © Stéphane Pigeon
    Stéphane Pigeon se tient sur des rochers déchiquetés pour capturer le son de l'océan sur la côté irlandaise. Comme il me l'explique lors de l'interview, la collecte de ces sons est la partie la plus complexe de son travail et il devient de plus en plus difficile de trouver des environnements qui ne soient pas pollués par les sons humains. © Stéphane Pigeon

    Comme il me l'explique, une personne non initiée n'entendrait probablement pas la différence entre le son original et celui modifié. C'est avant tout une « élucubration d'ingénieur », me dit-il en plaisantant. Mais alors, pourquoi courir à tout prix derrière le parfait bruit blanc ou le parfait bruit rose si notre oreille n'est pas capable d'apprécier un grand cru, au fond ? Eh bien, en fait, ça ne sert pas à grand-chose. Bien sûr, ces bruits peuvent avoir les bénéfices que j'ai mentionnés plus haut, permettre une meilleure concentration ou faciliter le masquage d'autres sons, mais ce qui compte avant tout, c'est de trouver le bruit qui correspond à vos besoins et à votre environnement. C'est pour ça que sur son site Stéphane met à disposition une série de dix curseurs pour chaque bruit qu'il propose, afin d'offrir à l'utilisateur la possibilité d'ajuster différents paramètres jusqu'à obtenir le son parfait.

    [SP :] Ces dix curseurs, en fait, ce sont les dix octaves qui composent la plage des fréquences audibles de l'oreille humaine. Et donc cela permet en fait à l'utilisateur de créer sa propre couleur. Et je vous parlais de ce bruit gris et du Nirvana du bruit gris. Eh bah, voilà ! Avec ces dix curseurs, on s'en rapproche. On peut jouer avec ces curseurs pour programmer le son qui vous semble le plus uniforme possible et s'approcher de ce son parfaitement gris et adapté à vos oreilles. Donc ça, c'était l'idée de départ.

    L'écueil du charlatanisme sonore

    Pour tenir un business florissant cependant, rien de tel que de prétendre posséder le remède miracle, le son universel qui vous aidera à dormir, réduira vos acouphènes et soignera vos cors au piedcors au pied, tout cela pour seulement 15,99 euros par mois. Si des experts comme le professeur en neurosciences Daniel Berlau, de la Regis University, rappellent que la thérapie par les bruits n'est pas une pratique aussi scientifique que beaucoup voudraient le croire, les créateurs de ces pistes n'ont pour leur part aucun scrupule à vendre leurs sons, parfois à prix d'or, en promettant monts et merveilles. C'est aussi pour lutter contre ces formes de charlatanisme que Stéphane a décidé de créer myNoise, et de le rendre accessible gratuitement pour tous et pour toutes.

    Un exemple d'abonnement proposant d'écouter du bruit blanc sur Alexa pour 3,49 $ par mois. © Amazon
    Un exemple d'abonnement proposant d'écouter du bruit blanc sur Alexa pour 3,49 $ par mois. © Amazon

    [SP :] On pourrait partir de la philosophie « Il n'y a pas de mal à faire du bien. » Et donc, ci faire du bien, si soigner des gens passe par leur vendre et leur faire croire que le son qu'ils ont acheté est d'une pureté à 99,99999 et inventer un vocable scientifique autour de ces sons pour leur faire croire que ce qu'ils achètent est quelque chose qui était très difficile à construire et à mettre à disposition de ces gens... Si ça les aide, les personnes qui les mettent en ligne diront : « Voilà, je fais juste ce qu'il faut pour que ça fonctionne. » J'étais vraiment choqué de voir combien de personnes essayent de profiter de la détresse de personnes qui souffrent d'acouphènes ou de troubles de sommeil ou d'angoisse. Ces gens sont vulnérables, ils sont désespérés et ils sont prêts à tout pour essayer de se débarrasser de ce dont ils souffrent. Et donc, quand j'ai vu que sur Internet, on vendait ces bruits blancs et parfois des prix exorbitants (et là, ceux qui l'écrivent vous diront : « Oui, mais le prix ça fait partie de la thérapie et plus on paye cher et plus ça a de chances de fonctionner. »), eh bien, ça, c'est un système dans lequel je ne sais pas rentrer. Et donc ai voulu mettre un coup de pied dans la fourmilière et dire, moi, je fais un son gratuit et ceux qui veulent payer peuvent toujours aller chez les charlatans, ils payeront bien cher, ou peuvent faire un don sur myNoise s'ils le veulent et là, ils peuvent décider de ce qu'ils ont envie de donner.

    Ouvrir ses oreilles au monde

    Je vous invite donc à aller explorer le web à la recherche du ou des sons qui conviendront. Pour ma part, je trouve que le mieux est encore de profiter des sons que la nature a à offrir. Ouvrir sa fenêtrefenêtre pour écouter le [vent] ou les [oiseaux], aller se promener [lorsqu'il pleut], ou savourer le tonnerretonnerre] depuis la sécurité d'un abri sont autant de façons de trouver du réconfort dans le monde qui nous entoure. Pour sa part, Stéphane nous invite à nous familiariser avec cette géophonie et à lui créer un nouveau vocabulaire pour apprendre à mieux en apprécier les nuances.

    [SP :] J'ai toujours été passionné par le son et j'ai toujours cherché à orienter mes études vers le son. Moi, je voudrais un vocabulaire qui permet de se dire : « Ce matin, je me suis réveillé au bruit du vent mauve » - à défaut de vocabulaire, j'utilise un nom de couleur. Mais le fait de dire « vent mauve », la personne à qui je parle, instantanément, elle reconnaîtrait le son du vent duquel je parle. Elle dirait : « Ah oui, oui, le vent mauve, ça veut dire qu'il va faire beau aujourd'hui » ou « ça veut dire qu'une tempêtetempête se prépare. » Mais on entendrait exactement de quel vent il s'agit. Il existe, mais une myriademyriade de sons de vent différents qui vont des vents différents qui vont [des vents les plus cristallins quand ils soufflent dans des feuilles de pins ou de bouleaux] ou [des vents très chauds - c'est le cas de le dire parce que je pense aux vents dans le désert qui viennent de loin et qui annoncent la tempête et qui est un vent sourd]. Voilà, si j'avais des noms de couleurs, je pourrais qualifier tous ces sons de vents avec des couleurs.

    Stéphane Pigeon capturant le blatèrement d'un chameau dans le désert du Sahara. De gauche à droite : le chameau, Larsen (le conducteur de caravane), Stéphane, Youssef (le guide). © Stéphane Pigeon
    Stéphane Pigeon capturant le blatèrement d'un chameau dans le désert du Sahara. De gauche à droite : le chameau, Larsen (le conducteur de caravane), Stéphane, Youssef (le guide). © Stéphane Pigeon

    [La musique percussive du générique apparaît discrètement en fondu tout au long du paragraphe.]

    C'est sur cette note poétique que se conclut cet épisode d'INFRA. Un grand merci à Stéphane pour cet échange et à vous pour avoir écouté jusqu'au bout. Encore une fois, si vous souffrez de dépression, d'anxiété, d'acouphènes ou d'autres troubles vous poussant à vous tourner vers les bruits, n'hésitez pas à consulter des professionnels de santé pour vous orienter. Utilisez ces bruits avec modération et veillez à ne pas les écouter trop fort pour préserver vos oreilles. N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de ce format interview, s'il vous plaît, si vous l'avez trouvé trop long ou trop court et à partager tous vos autres retours et suggestions. Je les lis tous et c'est un plaisir d'échanger avec vous. Vous pouvez aussi nous retrouver sur Twitter @futurasciences ou @Emma_Hollen pour poursuivre la conversation. Et si vous connaissez une personne sourde ou malentendante à qui ce podcast pourrait plaire, n'hésitez pas à le lui recommander. Des transcriptionstranscriptions détaillées sont fournies avec chaque épisode pour que tout le monde puisse en profiter. On se retrouve dans deux semaines et d'ici là, écoutez le monde autrement.

    Si vous êtes encore là, c'est que cet épisode vous a plu, alors voici un dernier fun fact pour satisfaire un peu plus votre curiosité, et peut-être même répondre à une question que vous vous êtes posée durant cet épisode. En plus du bruit blanc et de tous les bruits colorés mentionnés, il existe également un bruit noir, qui correspond à la définition technique du silence. Il peut correspondre à un silence parfait, ou bien à un bruit dont le spectre sonore est majoritairement nul, à l'exception de quelques rares bandes de fréquence et quelques pics. [Un silence de 10 secondes.]