Ils sont arrivés bien plus tôt et toujours dans cet ordre : pollens d'arbres, de graminées et le bal se termine avec les pollens d'herbacées et d'ambroisie. Les personnes allergiques ne sont pas à la fête lorsque reviennent les beaux jours. Causée par le réchauffement climatique et la migration vers le nord des espèces allergisantes, la saison des allergies aux pollens s'intensifie et devient un enjeu de santé publique. Aucune région de France n'est désormais épargnée. 

Éternuements en série, démangeaisons, crises d'asthme : les allergiques souffrent particulièrement cette année, en raison de conditions météorologiques ayant favorisé la dispersion de fortes concentrations de pollen, une tendance qui devrait s'accentuer avec le réchauffement climatique.

« Ces dernières semaines, j'ai subi des attaques beaucoup plus fortes que les années précédentes à la même époque », raconte à l'AFP Élodie Germain, 43 ans, résidente en Ile-de-France et allergique au pollen depuis l'adolescence. Au point que cette créatrice d'entreprise, qui vient d'acheter une maison de campagne en Normandie, s'est posé la question d'aller y passer des week-end.

« Dès que j'étais au vert, c'est comme si une vague de pollen déferlait sur moi », explique-t-elle. Elle décrit des symptômes handicapants, entre « un nez qui coule en permanence, des démangeaisons sur tout le visage, le cou et le palais » et -- nouveauté -- « un asthme nocturne [l']empêchant de dormir ». Associations et allergologues confirment avoir reçu un grand nombre d'appels de la part de patients, même s'il n'est pas possible de quantifier le phénomène.

Difficile aussi de comparer avec les deux années précédentes, selon Pascale Couratier, directrice générale de l'association française pour la prévention des allergies. « En 2020, il y avait le confinement, donc les gens sont moins sortis. Et l'an dernier, le port du masque a pu protéger contre les allergies », souligne-t-elle.

En France, environ 20 % des enfants à partir de 9 ans et 30 % des adultes sont aujourd'hui concernés par des allergies au pollen, selon le ministère de la Santé. © photophonie, Adobe Stock
En France, environ 20 % des enfants à partir de 9 ans et 30 % des adultes sont aujourd'hui concernés par des allergies au pollen, selon le ministère de la Santé. © photophonie, Adobe Stock

Aucune région n'échappe à l'alerte rouge

Mais une chose est sûre cette année : « Des symptômes ont été ressentis par beaucoup et de façon très violente », résume-t-elle. Pour se soigner, les allergologues prescrivent le plus souvent des antihistaminiques, des gouttes ou des corticoïdes, et éventuellement un traitement de long terme de désensibilisation.

L'allergie est une réaction d'hypersensibilité initiée par une réaction immunitaire spécifique à une substance étrangère à l'organisme humain, appelée allergène, dont les pollens font partie.

La chaleur favorise la pollinisation et le vent disperse les grains de pollen dans l'air

Trois grandes périodes polliniques se succèdent pendant l'année. D'abord celle des pollens d'arbres (olivier, platane, bouleau, chêne...). Puis celle des pollens de graminées qui correspond à la période du rhume des foins. La saison se termine avec les pollens des herbacées et ambroisies. La diffusion de ces pollens dépend des conditions météorologiques. La chaleur favorise la pollinisation et le vent disperse les grains de pollen dans l'air.

Cette année, la chaleur, apparue tôt dans la saison, a contribué à la dissémination d'une très grande quantité de pollens de graminées. Selon le dernier bulletin du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), qui surveille le contenu de l'air en particules biologiques, la France entière est encore en alerte rouge pour les risques allergiques.

La faute au réchauffement climatique

Si le gros des allergies devrait se calmer après la fin juin, il faut s'attendre, dans les années qui viennent, à des saisons allergiques plus longues et sans doute plus intenses.

En cause, le réchauffement climatique. « En 30 ans, on a déjà observé que les quantités de pollens de bouleau avaient augmenté de plus de 20 % », indique à l'AFP Samuel Monnier, porte-parole du RNSA. Avec les températures qui se réchauffent à la surface du globe, certaines plantes ou arbres gagnent aussi de nouveaux territoires. « De plus en plus d'ambroisies, qui sont des plantes très allergisantes, se déplacent vers le nord, y compris en altitude », relève ainsi M. Monnier.

En France, environ 20 % des enfants à partir de 9 ans et 30 % des adultes sont aujourd'hui concernés par des allergies au pollen, selon le ministère de la Santé. Des chiffres qui vont inéluctablement progresser au cours des années à venir, préviennent les spécialistes. « Le réchauffement climatiques va entrainer des saisons polliniques plus longues, alors que la pollution rendra les pollens plus agressifs », alerte Isabelle Bossé, présidente du syndicat des allergologues.

« Il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique, plaide-t-elle. Quand on ne vit pas une allergie sévère, on ne peut pas comprendre ce que c'est. Ça a un impact énorme sur la qualité de vie. »


Les scientifiques ont une mauvaise nouvelle pour les allergiques

Article de Julie Kern, publié le 26 mars 2022

Si vous habitez sur l'arc méditerranéen, vous avez peut-être le nez qui démange, les yeux qui coulent et des éternuements incontrôlables depuis quelques jours. Dans la région, les cupressacées (les séquoias, le cyprès et les genévriers) sortent de leur repos hivernal et produisent du pollen en grande quantité. Dans l'ouest de la France, c'est le pollen de frêne qui sature l'air. La saison 2022 a commencé assez tôt, dès la mi-janvier, notamment à cause des températures douces enregistrées durant le début de l'année. Une tendance qui risque de perdurer, voire de s'accentuer, avec le réchauffement climatique.

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L'interminable saison des allergies

Yingxao Zhang et Allison Steiner, du Department of Climate and Space Sciences and Engineering de l'université du Michigan, travaillent sur une simulation informatique qui prédit l'intensité et la durée des émissions de pollen journalières entre 2081 et 2100 -- dans un monde où les températures auraient bondi de 4 à 6 °C. Leur analyse ne concerne que les États-Unis et 13 taxons de plantes responsables de 77 % des allergies respiratoires du pays. Selon leurs résultats, la saison des pollens pourrait être beaucoup plus longue, mais aussi plus intense que celle que nous connaissons actuellement. Une mauvaise nouvelle pour les allergiques !

La simulation indique que les pollens de printemps pourraient apparaître avec 10 à 40 jours d'avance, et ceux d'été et d'automne perdurer jusqu'à 15 jours supplémentaires. Concernant l'intensité des émissions de pollen, toutes les espèces botaniques analysées ici ne réagissent pas de la même façon. Par exemple, les précipitations et la température diminuent la production journalière de pollen de 33 % pour l'aulne, mais augmente celle du chêne de 50 %.

Malgré tout, l'augmentation globale des émissions de pollen sur une année est en hausse de 16 à 40 %. Qui dit plus de CO2 atmosphérique, dit aussi plus de pollen. C'est une observation faite depuis de nombreuses années par la communauté scientifique. Quand les concentrations de CO2 entrent dans la simulation des chercheurs, le pic de production de pollen est 200 % plus haut que celui observé ces dernières années, toujours aux États-Unis.

Des grains de pollen observés au microscope électronique (image colorisée après acquisition). © Domaine public
Des grains de pollen observés au microscope électronique (image colorisée après acquisition). © Domaine public

Un sujet de santé publique important

Les allergies respiratoires dues au pollen sont un véritable enjeu de santé publique. Elles concernent 20 à 25 % des Français, adultes comme enfants. Chez les personnes prédisposées, les allergies respiratoires, comme le tabac ou la pollution, peuvent favoriser l'apparition de l'asthme. Cette maladie chronique se caractérise par l'inflammation des bronches qui provoque des épisodes d'essoufflement, de dyspnée, de pression thoracique et de toux.

Près de 2.000 personnes décèdent chaque année des suites de l'asthme dont une centaine d'enfants, d'adolescents ou de jeunes adultes. Santé publique France estime que plus de 60.000 personnes sont hospitalisées pour une crise d'asthme chaque année. Dans les années à venir, les allergies respiratoires risquent de durer plus longtemps et d'être plus intenses, augmentant ainsi le risque de complications.