La première étude menée chez l’humain montre qu’on peut réduire les comportements addictifs de l’alcoolisme en modifiant la composition du microbiote. Preuve que cette maladie trouve son origine pas seulement dans le cerveau mais aussi dans l’intestin.
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La transplantation de microbiote fécal (TMF) consiste à administrer une préparation de matièrematière fécale issue d'un sujet « sain » et contenant les « bonnes » bactéries à un patient atteint d'une pathologie liée à une mauvaise composition du microbiote. De nombreuses recherches thérapeutiques sont menées actuellement sur le sujet, y compris dans des domaines assez surprenants. Une équipe de l'université du Virginia Commonwealth (États-Unis) vient de mettre en évidence une nouvelle applicationapplication possible : l'alcoolisme.
Le saviez-vous ?
La transplantation de microbiote fécal (TMF) fait l'objet de plusieurs recherches thérapeutiques, dans plusieurs domaines : infections récidivantes à Clostridium difficile, cancer colorectal, maladie de Crohn, sclérose en plaques, dépression, stéatose hépatique non alcoolique (maladie du foie gras), maladie d’Alzheimer, autisme, obésité, colite ulcéreuse, alopécie.
La consommation d’alcool réduite chez 9 patients sur 10
Dans le premier essai randomiséessai randomisé mené sur l'humain, les chercheurs ont recruté 20 hommes âgés entre 60 et 70 ans, atteints d'alcoolisme chronique. Ils les ont divisés en deux groupes, l'un recevant un lavement placeboplacebo et l'autre un échantillon de matière fécale issu d'un patient sain et contenant des souches de Lachnospiraceae et Ruminococcaceae. Durant les 15 jours suivants, « neuf des dix patients ayant reçu la greffe fécale ont vu une réduction de leurs envies de boire et des métabolitesmétabolites liés à l'alcoolalcool dans leur urine [signe d'une moindre consommation] », constate Jasmohan S Bajaj, principal auteur de l'étude parue dans la revue Hepatology. Par comparaison, cette réduction de consommation n'a été observée que chez trois des dix patients du groupe placebo.
Bien entendu, il ne s'agit là que d'une étude préliminaire portant sur un faible nombre de patients. Il faudra donc attendre d'autres résultats similaires pour en tirer des conclusions. Néanmoins, de précédentes études menées chez la souris avaient déjà montré l'intérêt de la transplantation fécale dans le traitement de l'alcoolisme. « Les personnes souffrant de troubles liés à la consommation d'alcool sont souvent discriminées et ostracisées, regrette Jasmohan Bajaj. Mais c'est une maladie comme une autre. Il y a une prédisposition génétique, et les addictionsaddictions peuvent être favorisées par des microbesmicrobes intestinaux. »
Microbiote et alcool : des liens étroits
On ignore encore le mécanisme exact du microbiote sur les comportements addictifs. « La dysbiose [déterioration du microbiote] induite par l'alcool conduit à des altérations de la barrière digestive, avec en particulier une augmentation de sa perméabilité. Or, il apparaît que cette dernière est corrélée à la sévérité des symptômessymptômes anxieux et dépressifs et à l'intensité du craving [besoin de boire] lors du sevrage », expliquait Emmanuel Haffen, au service de psychiatrie de l'adulte au CHU de Besançon lors du Café des Chercheurs organisé par la Fondation pour la recherche en alcoologie (FRA) en 2017. Outre le craving, l'altération du microbiote des alcooliques les rend aussi plus vulnérables à des inflammationsinflammations et des formes sévères d'alcoolisme (lésions hépatiques graves, cancercancer, fibrosefibrose...)
Reste la question de l'œuf et de la poule : la dysbiose est-elle une conséquence de la consommation excessive d'alcool ou préexiste-t-elle chez les individus les rendant ainsi plus susceptibles au comportement addictif ? Cette question devra être tranchée pour établir si une transplantation fécale peut être administrée en traitement préventif chez des sujets présentant une telle anomalieanomalie du microbiote.