La peur est une émotion ressentie généralement en présence, ou dans la perspective, d'un danger ou d'une menace. Sigmund Freud, en évoquant la « mémoire phylogénétique » allègue que la peur serait la survivance de notre instinct animal face au danger. Le principal objet de peur pour un animal est typiquement la présence d'un prédateur.
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Il existe des peurs communes et des peurs individuelles
D'après plusieurs enquêtes, l'Océan et l'eau font partie des plus grandes peurs communes. Avant même d'avoir peur des requins, nous avons déjà peur du milieu dans lequel nous pouvons en rencontrer. La peur de l'environnement (ici, l'Océan) est une peur commune que nous partageons avec chacun de nos congénères. Nous prenons conscience d'évoluer dans un élément qui n'est pas le nôtre.
C'est un environnement inconnu où nos sens ne fonctionnent pas correctement : notre vision et notre audition sont entravées, nos mouvementsmouvements et notre locomotion sont anormaux. Nous nous y sentons particulièrement vulnérables et notre imagination tente de combler les lacunes de ces sens. Lorsque nous flottons en surface, nous ne voyons pas ce qu'il se passe sous l'eau. Notre esprit d'Homme rationnel sait qu'il y a peu de chances de se faire attaquer, mais il prend conscience de la possibilité d'être blessé et de son incapacité à réagir, ce qui amplifie nos craintes.
Puis, il existe deux types de peur : la peur innée et la peur acquise. La peur du requin est une peur acquise qui n'est pas nouvelle. L'Homme a admis ou considéré avec le temps le potentiel risque de se faire attaquer par un requin. Sauf que les risques d'être mordu par un requin sont très faibles. La plupart des gens ne rencontreront jamais de leur vie un requin dans la nature ! En tant que prédateurs supérieurs et espèces dominantes sur Terre, nous (les Hommes) ne sommes pas habitués, ni n'acceptons d'être considérés comme des proies. Par conséquent, nous sommes perturbés par toute entrave à notre sentiment d'invincibilité : la perspective d'être mangé par un grand poisson ne peut qu'amplifier nos émotions.
La peur des requins s’appelle la squalophobie (phobie des requins)
Très répandue, cette peur est le plus souvent retrouvée d'ailleurs chez les gens qui n'ont jamais vu un requin. Dans la squalophobie, on retrouve différents types de peur :
- L’aquaphobie : la peur irraisonnée et chronique de l'eau. Les individus souffrent de différentes manières et peuvent en faire l'expérience même si ceux-ci savent que l'eau d'un océan, d'un lac ou même d'une baignoirebaignoire n'expose à aucun danger imminent. Ils peuvent éviter des loisirs comme naviguer en barque, se baigner ou même nager dans les eaux profondes alors même qu'ils savent nager. C'est l'une des peurs les plus répandues.
- L'achluophobie : la peur du noir ; dans ce cas précis, ne pas être en mesure de distinguer ce qu'il peut surgir des abysses.
- La thalassophobie : la peur intense et persistante de la mer. Cette phobiephobie peut être alimentée par une connaissance rationnelle ou, a contrario, de la superstition nourrie par la méconnaissance des espèces constituant la faune marine. Elle se résume aussi à la peur de nager sans pouvoir voir ses membres (surtout les pieds), et la peur de faire des voyages en mer. Elle peut aussi se manifester par la peur des eaux profondes, des vagues, des bateaux, des animaux marins, des « créatures » marines...
- La phagophobie : dans ce cas-ci, la peur d'être dévoré vivant.
Depuis quand avons-nous peur des requins ?
Depuis la nuit des temps, les requins sont craints par les Hommes. Ils sont présentés comme une véritable machine à tuer et réveillent chez nous des peurs ancestrales. Les requins dominent tous les autres animaux dans ce statut de véritable mythe.
La peur du requin a une origine à la fois historique et géographique.
Ils sont connus depuis l'Antiquité : HérodoteHérodote, au Ve siècle avant J.-C. décrivait des attaques de requins sur des naufragés en Méditerranée, et AristoteAristote (IIIe siècle avant J.-C.) rapporte avec précision plusieurs aspects de la biologie des requins, malgré l'incompréhension de leur stratégie d'alimentation. Le Romain Pline l'AncienPline l'Ancien, dans son encyclopédie Histoire naturelle (vers 77 après J.-C.) les nomme « squali ». De nombreuses gravures et peintures ont illustré le requin comme l'incarnation du mal dont l'attaque ne pouvait qu'entraîner une mort certaine. Les récits de marins, pêcheurs et aventuriers durant la période de la conquête du monde (du XIVe au XIXe siècle) rapportent des témoignages d'animaux carnassiers effrayants. La sentence de la planche était souvent représentée avec des ailerons de requins nageant sous la planche, attendant qu'on leur jette un prisonnier.
Jusqu'au XVIIIe siècle, on les appelle en général « chienschiens de mer ». Au XVIIe siècle, l'étymologiste Pierre-Daniel Huet fait un rapprochement fantaisiste du requin avec le terme « requiem » par allusion à la mort rapide qu'il provoque (l'Homme attaqué par des requins n'ayant plus qu'à chanter son requiem, ou ils ont la fausse réputation de suivre les navires prêts à dévorer les cadavres qu'on jette à la mer), en référence à sa réputation de mangeur d'Hommes. Au XXe siècle, les récits des naufragés du Pacifique de la Seconde Guerre mondiale n'améliorent pas leur popularité, tout comme Cousteau qui les représente comme « l'ennemi mortel des plongeurs » (Le Monde du Silence, 1954). Le coup de grâce est donné par le best-seller Jaws (Les dents de la mer) écrit par Peter Benchley qui s'inspire d'une série d'accidentsaccidents mortels survenus en 1916 le long des côtes du New Jersey. L'apothéose est signée Steven Spielberg en 1975 en adaptant au cinéma le roman.
Les requins ne sont pas les animaux les plus dangereux de la Planète : entre les moustiquesmoustiques, les serpents, les crocodilescrocodiles, les hippopotames ou les chiens, les requins ne sont responsables que d'une dizaine de victimes chaque année. Pourtant, ils sont toujours détestés et craints par le grand public. Un accident, ou même la simple présence d'un requin dans l’eau, donne toujours lieu à un article en bonne place dans les journaux.
Pourquoi avons-nous toujours peur des requins ?
En vulgarisant, on a peur de ce que l'on ne connait pas, on a peur de ce que l'on ne comprend pas, et on a peur de ce que l'on ne maîtrise pas. La rencontre sauvage entre un requin et un Homme étant imprévisible, et la nature de l'interaction totalement aléatoire, nous avons peur de l'issue de la rencontre avec un prédateur à cause de nos instincts primaires qui sont toujours basés sur la défense. Par conséquent, on haït ce que l'on craint.
La peur des requins est irrationnelle parce que les Hommes ne font pas partie de leur régime alimentaire. À ce jour, l'ISAF (International Shark Attack File) a estimé la fréquence des rencontres Hommes-requins à environ 1 million d'interactions journalières ! Dans la plupart d'entre-elles, la personne ne se rend même pas compte qu'elle se trouve à côté d'un requin. Avec l'explosion et la popularité des activités récréatives aquatiques en mer et les millions de personnes qui se baignent chaque jour, si les requins étaient réellement dangereux pour l'Homme, les statistiques révéleraient certainement un bien plus grand nombre d'incidents.
Si, dans l'inconscient collectif, nous nous méprenons sur les intentions des requins, craintifs voire indifférents, à l'égard de l'Homme, il est injuste d'attribuer aux requins nos peurs en les accusant systématiquement d'être des « mangeurs d'Homme ». C'est parce que l'on en a peur que l'on leur octroie la réputation de mangeur d'homme. Pas l'inverse !
Ensuite, les décès liés aux divers incidents de la vie de tous les jours sont des faits divers qui ont un impact médiatique minime par rapport à un accident incriminant un requin, rare, mais qui fait toujours les gros titres. Cette couverture médiatique, trop souvent amplifiée de manière émotionnelle, renforce l'opinion publique sur l'image négative des requins mangeurs d'Homme. Aussi tragiques que puissent être les accidents de la route, ils ne sont jamais médiatisés comme les accidents, ou simplement comme la présence d'un requin proche d'une station balnéaire.
Pouvons-nous lutter contre la peur des requins ?
Améliorer l'éducation, la compréhension et les connaissances sur les requins permet de dissiper les mythes, la mauvaise presse et la perception générale des requins en redorant leur blason dans l'opinion publique comme les créatures fascinantes et essentielles qu'ils sont.
Les requins sont en réalité plus des victimes qu'un danger ! L’Homme est plus dangereux pour les requins que l'inverse. Entre 63 et 275 millions de requins sont tués chaque année par la pêchepêche industrielle, la pêche artisanale, la pêche sportive et le braconnage. Depuis 1970, on estime que 90 % des populations de requins des océans ont disparu.
Lutter contre la peur des requins, c'est lutter contre nos propres peurs d'êtres humains. Nos peurs animales (héréditaires), pour l'Homme moderne, la peur de se confronter au sauvage, la peur de ne plus être le dominant, la peur d'être vulnérable et la peur de mourirpeur de mourir...
L'ISAF a démontré qu'il y a plus de risques d'être tué par une chute d'une noix de coconoix de coco sur une plage que d'être mordu par un requin.
PsychosePsychose non fondée, la réputation de ces grands prédateurs est souillée de spéculations alimentées par un manque d'informations du public sur ce groupe de poissons. Les idées reçues et la mauvaise foi font bon ménage lorsqu'il est question d'entretenir les malentendus, et le chemin qui mène à la cohabitation cordiale est encore long.
Ce qu’il faut
retenir
- La présence des requins atteste de la bonne santé des écosystèmes.