Bien que l’extinction de masse ayant conduit à la disparition des dinosaures à la fin du Crétacé est la plus connue, la crise ayant eu lieu à la fin du Permien, il y a 252 millions d’années, est de loin la plus catastrophique. L’étude du lien entre les changements environnementaux et cette première grande extinction de masse pourrait nous éclairer sur l’impact de l’actuel réchauffement climatique sur la biodiversité.
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La crise marquant la fin du Permien et le début de la période triasique représente certainement la plus grande extinction de masse de l'histoire de la vie sur Terre. Il y a 252 millions d'années, 81 % des espèces vivant dans les océans ont disparu ainsi que 75 % des espèces vivant à terre. Cette crise qui a failli éradiquer toute forme de vie a été causée par un événement volcanique majeur : le développement des Trapps de Sibérie.
L'éruption de cette gigantesque province volcanique a recouvert des millions de kilomètres carrés de lavelave, mais ce n'est pas tout. Outre la libération de grandes quantités de gaz (dioxyde de carbonedioxyde de carbone et dioxyde de soufresoufre) emprisonnés dans le magmamagma, l'intrusion de liquideliquide magmatique dans un sol sédimentaire majoritairement composé de roches évaporitiquesroches évaporitiques (anhydrite et gypsegypse) a conduit au relargagerelargage de tonnes de gaz à effet de serregaz à effet de serre dans l'atmosphèreatmosphère, provoquant un changement climatique global.
Les effets cumulés des changements environnementaux
Les gaz issus de ce contact métamorphique auraient également eu un effet désastreux sur la couche d’ozone. Les effets cumulés, notamment la diminution du taux d'oxygène dans les océans, ont été dramatiques pour la vie animale et végétale. Bien que cette crise ait été largement étudiée, les liens entre une éruption volcaniqueéruption volcanique à terre et la disparition de la vie dans les océans restent controversés. Il ne s'agit certainement pas d'un lien de cause à effet immédiat, mais plutôt d'une accumulation de changements environnementaux ayant mené à un seuil critique.
Le passage de ce seuil aurait alors entraîné l'extinction rapide de la plupart des espèces sur toute la surface du globe. Dans une étude parue récemment dans la revue Nature Geoscience, Martin Schobben (du Museum für Naturkunde, Berlin) et ses collègues de l'université de Geosciences d'Oslo (Norvège) ont remonté les traces de cette crise majeure pour en connaître les mécanismes. Ils ont notamment découvert que le phosphorephosphore a joué un rôle central dans l'enchaînement des événements durant cette période.
Modification de la chimie des océans : la spirale infernale
Avant le début de l’extinction, le volcanismevolcanisme intense dans les Trapps de Sibérie a entraîné une augmentation de la quantité de phosphore dans les océans. Cette augmentation s'est accompagnée d'une accélération de la production primaire marine (il s'agit de la vitessevitesse à laquelle la matièrematière organique est biosynthétisée par la biomassebiomasse) et d'une diminution du taux d'oxygène dans les environnements marins peu profonds.
Ce début d'anoxie des zones côtières aurait été contrebalancé dans un premier temps par le fait que le phosphore soit efficacement piégé dans les sédimentssédiments, freinant l'extension de la zone appauvrie en oxygène. Cependant, l'effondrementeffondrement du monde végétal terrestre, à la suite de l'éruption des TTrapps de Sibérie et au changement climatique en résultant, a modifié les apports en éléments chimiqueséléments chimiques ferfer et sulfate dans les océans. La composition chimique de l'eau de mer a ainsi doucement évolué vers un milieu euxinique, c'est-à-dire anoxiqueanoxique et sulfureux.
“L’eau des océans est ainsi devenue toxique pour la plupart des espèces animales marines”
Ce changement dramatique a engendré une remobilisation du phosphore dans l'eau de mer, marquant le début d'une spirale infernale. La diminution du taux d'oxygène s'est alors accélérée, favorisant l'accumulation dans l'eau d'un nouveau composé chimique mortel pour les êtres vivants : le sulfure d'hydrogènesulfure d'hydrogène. L'eau des océans est ainsi devenue toxique pour la plupart des espèces animales marines.
L'étude des sédiments corrobore cette hypothèse d'un océan sulfureux, notamment par la présence de grandes quantités de bactériesbactéries consommatrices de sulfure d'hydrogène à la fin du Permien. La région des océans la plus impactée par cette modification de la composition de l'eau de mer est la zone peu profonde du talus continentaltalus continental. C'est également cette région qui abrite le plus grand nombre d'espèces marines. Seuls les organismes capables de s’adapter graduellement à un environnement plus profond auraient ainsi pu survivre.
Une leçon à retenir
Ce n'est donc pas un événement brutal et unique qui a mené à une catastrophe globale, mais un enchaînement en cascade de petits changements sur le long terme. Cette étude montre qu'un réchauffement climatiqueréchauffement climatique extrême peut causer une catastrophe environnementale majeure par un jeu d'enchaînements incontrôlables. La crise de la fin du Permien marque un tournant majeur dans l'histoire de la vie sur Terre. Il faudra d'ailleurs plusieurs millions d'années pour que la biodiversité retrouve son niveau d’origine.