Alors que les alertes lancées à propos du désastre écologique et humain que représente la fast fashion se multiplient, les consommateurs se tournent de plus en plus vers la « seconde main ». Ce concept au principe vertueux, parfois érigé en solution miracle, est même plébiscité par de nombreuses marques de prêt-à-porter… Mais savez-vous ce que deviennent les vêtements et chaussures qui sont injectés dans le cycle de la seconde main ?
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Les dons de vêtements et de chaussures sont-ils la réponse idéale face à notre consommation textile toujours plus en hausse d'année en année ? Pas si sûr... L'industrie vestimentaire, massivement dominée par la fast fashion, est bien entendu néfaste sur de nombreux plans (voir le paragraphe « La fast-fashion, comme Shein : beaucoup de pollution et des conditions déplorables pour les employés »), notamment écologique. Selon l’Ademe (Agence de la transition écologique), le secteur textile pourrait être responsable de plus d'un quart des émissionsémissions carbonecarbone en 2050, alors qu'il est actuellement le 3ème secteur consommateur d'eau.
Les microplastiques qui polluent les océans sont quant à eux en écrasante majorité constitués de fibres textiles synthétiques, pas étonnant si on considère que 80 % du textile dont se séparent les Européens finissent dans les ordures ménagères. « Néanmoins, est-il prioritaire d'augmenter la collecte si la filière [textile française] ne dispose pas pour l'instant de solutions industrielles de recyclage des textiles non-réutilisables ? », interroge le rapport d'activité 2021 de Refashion, l'éco-organisme de la filière des textiles, chaussures et linge de maison (TLC). En effet, le recyclage des vêtements et chaussures en est encore à ses balbutiements en Europe. Qu'advient-il donc des vêtements dont nous ne voulons plus ?
Un système engorgé
En 2022, selon les chiffres de Refashion, la filière TLC française a mis en marché plus de 3 milliards de produits, ce qui représente en moyenne plus de 12 kilos de textile et chaussures neufs achetés par an et par habitant. L'éco-organisme a pour objectif de mettre en place une économie circulaire du textile, notamment par le biais de soutiens financiers aux acteurs qui participent à la prise en charge des TLC usagés et par la gestion du dispositif. Pour cette même année, il comptabilise plus de 260 kilotonnes de textiles collectés, dont 188 kilotonnes ont été triées par des opérateurs conventionnés afin de les revaloriser.
Plus d'un quart de ce tonnage collecté n'a donc pas été trié par un opérateur conventionné, qui se doit de répondre à certaines exigences de traçabilité et de transparencetransparence. Selon le rapport de 2021, la majeure partie du différentiel entre collecte et tri était adressée à des opérateurs de tri (non-conventionnés) situés à l'étranger. Le reste était principalement envoyé en réemploi directement par les collecteurs sans avoir à passer par la phase de tri, et une petite portion finissait en déchets ultimes.
Une fois arrivés dans un des 67 centres de tri conventionnés en France ou en Europe, quelles sont les voies possibles pour nos vêtements ? En 2022, une faible portion (environ 10 %) trop abîmée a été soit utilisée en tant que combustible de récupération, soit éliminée. Une bonne partie (30,7 %) était destinée au recyclage. Certains de ces vêtements usés font d'ordinaire office de chiffons d'essuyage industriel, la plupart sont effilochés pour être réinjectés dans la filière TLC sous forme de matièresmatières recyclées, ou finissent en isolants, non-tissés et autres matières dans d'autres filières. Enfin, la majorité des volumesvolumes triés convenaient à la réutilisation, cette fameuse « seconde main », ou « friperie » selon le code utilisé dans les douanes...
Le point noir du dispositif : l’exportation
Selon Refashion, « en 2022, 59,5 % des volumes collectés et triés sont jugés aptes à la réutilisation ». Mais la suite est moins réjouissante. « Moins de 10 % de ces articles seront revendus en France [...]. Les 95 % restants sont exportés pour répondre à la demande des pays clients en Europe et dans le reste du monde. » De quoi assombrir le tableau. Si l'on prend en compte, en plus de la « friperie », les tonnages destinés au recyclage (codés « chiffons » par la douane) et ceux qui ne sont pas passés par le tri, c'est 80 % des tonnages collectés qui ont été exportés en 2021.
Le dispositif de réemploi-réutilisation et de recyclage en France est totalement dépendant de cet export, comme le souligne le rapport 2021 de Refashion : « La crise sanitairecrise sanitaire a démontré que, dès que les marchés à l'export ne fonctionnent plus, la collecte et le tri s'arrêtent mécaniquement ». C'est un phénomène qui empire d'années en années. Les quantités de déchets textiles exportés ont augmenté de presque 75 % entre 2010 et 2019, et, même si la filière TLC entend devenir plus durable et circulaire, les quantités d'articles à recycler exportés ont tout de même drastiquement augmenté entre 2019 et 2021.
Quant à savoir ce que deviennent les vêtements exportés, même ceux destinés à la réutilisation, il apparaît évident que les infrastructures dans les pays destinataires ne suffisent souvent pas à endiguer le flux, comme l'illustrent les décharges à ciel ouvert du Kenya ou celles du Ghana (voir la section « Le coût environnemental de la mode »). Selon les acteurs présents sur place, la qualité des vêtements reçus est en baisse, l'éco-organisme de la filière TLC notait également dans son rapport de 2021 « la mise en marché de produits à plus faible durabilitédurabilité ».
La prise en charge des TLC usagés de manière durable est encore loin d'être au point, et réduire drastiquement avant tout notre consommation de produits textiles paraît crucial. En attendant la mise en place d'une économie plus circulaire et de solutions plus efficaces, il semble qu'acheter en priorité des articles issus de la seconde main, revendre ce dont on ne veut plus directement entre particuliers, ou donner à des associations qui sont directement en contact avec les personnes dans le besoin soient des moyens de limiter son impact.