Alors que les pesticides sont de plus en plus pointés du doigt, le biocontrôle offre des moyens originaux de se débarrasser des insectes et autres herbes envahissantes qui ravagent les cultures. Des initiatives encore modestes, mais qui sont promises à un bel avenir !

Chaque année, plus de quatre millions de tonnes de pesticides, herbicides et fongicides sont utilisées dans le monde, dont 71.900 tonnes en France. Ces produits sont, non seulement nuisibles pour l'environnement, mais ils se retrouvent aussi dans les fruits et légumes que nous mangeons et sont toxiques pour les agriculteurs. De plus en plus de cultivateurs cherchent donc des solutions alternatives dans le biocontrôle. Et ça tombe bien : start-ups et instituts de recherche pullulent d'idées parfois très originales pour repousser les nuisibles avec des solutions 100 % écologiques.

Le robot désherbant pour remplacer le glyphosate

Le meilleur moyen de se débarrasser des mauvaise herbes, c'est encore de les arracher. Ce travail peut naturellement être effectué par un tracteur, mais ce dernier pèse plusieurs tonnes et tasse le sol. Or, un sol plus dur est difficile à travailler, contient moins de microorganismes et absorbe moins l'eau. Avec son robot autonome Oz, la start-up Naïo Technologies désherbe les rangs de carottes, de salades et d'oignons sans causer de dégâts. Une centaine de robots ont déjà été mis en service. Une autre start-up suisse, Ecorobotix, a mis au point un robot pulvérisateur qui promet d'éliminer 90 % de désherbant chimique en déposant des micro-doses juste au pied des plantes.
 

Oz, le petit robot de Naïo Technologies, facilite le travail des agricultures en désherbant les cultures maraîchères. © Naïo Technologies

Des mini-guêpes contre les insectes ravageurs

À l'Entomopolis de Sophia Antipolis, dans un bâtiment ultra-confiné, sont élevés des insectes « auxiliaires » chargés de lutter contre les ravageurs. L'un des meilleurs candidats est le trichogramme, une micro-guêpe qui pond ses œufs dans les larves des pyrales, un petit papillon qui dévore les champs de maïs. Quelque 150.000 hectares de maïs sont déjà traités en France grâce à ces mini-guêpes, avec une efficacité identique aux produits chimiques. Les chercheurs planchent aujourd'hui sur un autre trichogramme venu du Kazakhstan, le Mastrus ridens, pour lutter contre le carpocapse des pommes qui attaque les vergers et nécessite de nombreux traitements pesticides.

Le trichogramme pond ses œufs dans les larves de la pyrale, une chenille qui infeste les champs de maïs. © Victor Fursov
Le trichogramme pond ses œufs dans les larves de la pyrale, une chenille qui infeste les champs de maïs. © Victor Fursov

Le paintball aux phéromones

Contrairement aux apparences, ces scientifiques de l'INRA ne sont pas là pour s'amuser avec leur pistolet à billes, mais combattent la chenille processionnaire du pin, dont les soies urticantes provoquent d'importantes démangeaisons. Elle est toxique pour les animaux domestiques et le bétail. Devant l'urgence, Jean-Claude Martin, de l'unité Entomologie et Forêt Méditerranéenne de l'INRA, s'est allié à la start-up M2i Life Sciences pour mettre au point des phéromones, qui jouent un rôle de leurre sexuel auprès des chenilles pour les détourner des femelles. Encapsulées en billes microdégradables, elles sont tirées sur les arbres entre 7 et 10 mètres de hauteur durant la saison de production. Un autre moyen de lutte est le drone qui pulvérise une bactérie bioinsecticide : « Entre 88 et 98 % d'efficacité avec trois fois moins de produit par rapport à un traitement conventionnel », se félicite le chercheur.

Ce pistolet tire des billes de phéromones qui perturbent la reproduction de la chenille processionnaire du pin. © M2i
Ce pistolet tire des billes de phéromones qui perturbent la reproduction de la chenille processionnaire du pin. © M2i

Une microalgue fongicide

Récoltée au large des côtes bretonnes et brevetée en 2016, la microalgue découverte par la start-up française ImmunRise pourrait sauver nos vignes de l'esca, une maladie cryptogamique provoquant la nécrose du bois, et du mildiou, un champignon parasite qui nécessite 5 à 10 traitements chimiques par an. Cultivée dans des petites piscines, elle est transformée en poudre après évaporation pour être épandue dans les vignes. Selon des essais menés à l'INRA de Bordeaux, cette poudre brune montre une efficacité de 100 % sur le mildiou, 50 % sur le botrytis (une moisissure aussi appelée « pourriture grise ») et sur quatre des sept champignons responsables de l'esca. En 2018, des tests ont été menés dans une dizaine de domaines viticoles du Bordelais et de Charente ainsi que dans des champs de laitue.
 

La microalgue développée par ImmunRise pourrait aider à réduire la quantité de produits phytosanitaires dans les vignes. © CNRS

La paille de chanvre qui étouffe les mauvaises herbes

Dans l'Yonne, la start-up Géochanvre F se réjouit déjà de l'interdiction du glyphosate. Fondée par Frédéric Rouge, un ingénieur agronome de 54 ans, elle produit des géotextiles en lin et en chanvre qui empêchent la pousse des mauvaises herbes, protègent le sol du gel et l'enrichissent en humus en se dégradant. Idéal pour protéger les productions maraîchères, les fraises ou les vignes, aujourd'hui arrosées d'herbicides et couvertes de plastique. Les fibres du paillage sont liées par hydroliage, un procédé breveté qui n'emploie que de l'eau sous pression, sans produit chimique liant, ni colle. Plus besoin d'enlever le plastique : le paillage en chanvre biodégradable évite le développement des maladies. La start-up vise plus de 1.000 hectares de surface couverte avec son paillage.
 

Le paillage au chanvre, entièrement biodégradable, évite le développement des mauvaises herbes. © Géochanvre F

Des poulets qui dévorent les criquets

Que faire quand une nuée de criquets s'abat sur un champ de coton ? Plutôt que de les bombarder de pesticides, les autorités chinoises ont trouvé une solution originale : les poulets. En 2018, 2.200 volailles ont ainsi été distribuées aux agriculteurs locaux pour faire face à une invasion de criquets due à un hiver particulièrement doux. Un poulet est ainsi capable de dévorer 600 criquets par jour. Une solution toutefois partielle : malgré leur voracité, les poulets ne peuvent protéger que 1 % des cultures, selon les autorités. En France aussi, un riziculteur camarguais a importé cette technique du Japon et utilise des canards pour remuer la terre et dévorer les mauvaises herbes. Seul hic, il faut remplacer les canards fréquemment car ils piétinent le riz quand ils deviennent trop gros.

Contre les essaims de criquets qui déciment les champs de coton, le poulet chinois ! ©FAO/C
Contre les essaims de criquets qui déciment les champs de coton, le poulet chinois ! ©FAO/C

Des fleurs auxiliaires dans les cultures

De nombreuses plantes produisent naturellement des agents chimiques pour se protéger des parasites. L'idée est d'utiliser ces propriétés pesticides en les utilisant comme flore auxiliaire, soit pour repousser les insectes ravageurs, soit pour les attirer en bordure de parcelle et les dissuader de s'attaquer aux cultures. Les tagètes (œillets d'Inde) contiennent par exemple de l'alpha-terthienyl, une substance létale pour les nématodes, ces vers ronds qui s'attaquent aux carottes, navets ou pommes de terre. Les Allium cepa (oignon) émettent des composés soufrés volatils qui inhibent la ponte de certains lépidoptères et l'ail est toxique pour les larves de doryphores. Le souci éloigne, quant à lui, les mouches blanches (aleurodes) qui envahissent les serres et  détruisent les citronniers.

L'œillet d'Inde (<i>Tagetes patula</i> et <i>Tagetes minuta</i>) est la plante nématicide la plus connue. © Pixnio
L'œillet d'Inde (Tagetes patula et Tagetes minuta) est la plante nématicide la plus connue. © Pixnio