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Formés il y a 15 millions d’années, 10 kilomètres sous terre, remontés à 4000 mètres d’altitude par le soulèvement alpin, le cristal de roche et la fluorine rose se trouvent aujourd’hui dans des fissures, appelées « fours », dans les grandes parois du massif du Mont-Blanc. Ces minéraux sont des marqueurs et des témoins géologiques forts. Leur quête est à la fois une expérience esthétique, scientifique et aventureuse, puisqu’elles requièrent l’expertise des techniques de l’alpinisme de haute difficulté. Une activité aux confins de la science, de la nature et de l’aventure dans l’ADN de Futura.
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Biographie
Je suis né à Argentière, dans les hauts de la vallée de Chamonix. Le vieux village est blotti contre son église, entre les couloirs d'avalancheavalanche au nord et les morainesmoraines du glacierglacier et la rivière au sud. Ces moraines et ces forêts ont été mes terrains d'aventure depuis ma plus tendre enfance. J'ai fait mes premières armes de montagnard au pied de l'aiguille Verte, dans cet environnement d'exception. Ici plus qu'ailleurs, la montagne est vénérée et respectée. Pas une famille qui n'ait perdu là-haut un être cher, ici un père, là un fils, un cousin ou un ami... Ces séparationsséparations sont toujours vécues avec dignité et fatalisme. On sait que ceux qui disparaissent là-haut partent heureux dans leur passion... Car c'est de passion qu'il s'agit. Pour ceux qui deviendront guides, comme pour ceux qui resteront de fervents amateurs, la montagne sera toujours bien plus qu'une profession ou un sport : un chemin de vie. Né dans une famille frappée, de génération en génération, par la folle envie d'appartenir à cet universunivers de neige, de glace, de roches vertigineuses et d'abîmes insondables, j'ai suivi ce que mon cœur me commandait. À 15 ans, je suis tombé passionné ment amoureux de ce monde au-dessus du monde. C'était parti pour la grande aventure.
J'aime les éléments, le ventvent, la neige, l'orageorage et la tempêtetempête. J'aime toucher et me fondre dans les rochers des hautes montagnes. J'aime quand la nature reprend le dessus, que je m'immerge en elle pour sentir cette « parenté retrouvée »dont parlait si bien Gaston Rébuffat. Tout cela m'attirait et m'attire toujours là-haut. Mais il y avait quelque chose de plus : les cristaux. Des diamantsdiamants cachés à fleur de paroi. La nature avait su les créer si beaux, surprenants et magiques qu'il fallait aller les découvrir, les cueillir pour leur donner une existence et ne pas les laisser disparaître dans l'inéluctable processus d'érosion des montagnes.
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métier
L'histoire d'un cristal
1. La croissance des cristaux du massif du Mont-Blanc commence il y a quinze à vingt-cinq millions d’années lors de la formation de la chaîne alpine. Imaginez un « four » extraordinaire, à 12 ou 15 kilomètres sous terre, où les températures sont de l’ordre de 400 °C et les pressions environ 4.000 fois plus élevées qu’à la surface de la Terre.
2. Pour que toutes les conditions nécessaires à la formation des cristaux soient réunies, il faut d’abord la présence d’une roche hydratée (le granite), puis que des fissures, qui deviennent ensuite des fentes, se créent dans la roche. Dans les Alpes, cela s’est produit sous l’effet des grandes tensions dues à la collision entre les plaques tectoniques européenne et africaine : la roche se fracture, des fissures verticales et horizontales s’ouvrent. Les solutions composées d’eau, de gaz et d’éléments de roches environnantes restent captives dans les fissures horizontales où les cristaux pourront pousser. Tous ces éléments – dont la silice, matière première de tous les cristaux de quartz – sont dissous sous l’effet des pressions énormes et des températures élevées.
Aigue-marine typique provenant de la mythique mine de Chumar Bakar. © Thierry Berguerand, tous droits réservés
3. Pendant des millions d’années, la chaîne alpine s’élève au rythme de quelques millimètres par an. Les roches enfouies amorcent une lente remontée vers la surface. Progressivement, la température et la pression baissent dans les fentes où les solutions aqueuses sont piégées (ces fentes seront les futures veines de quartz). L’eau ne peut plus garder autant de silice dissoute : par exemple, la solubilité de la silice, sous une pression de 4.000 atmosphères, est de 5,5 g/l à 500 °C et n’est plus que de 1,2 g/l à 300 °C… et presque nulle sous une température et une pression ambiantes. Ainsi, à mesure que les cavités pleines de solution sous pression remontent vers la surface, les molécules de silices ont « chassé » de l’eau et s’agglutinent les unes aux autres en partant des germes de cristaux situés sur les parois de la cavité.
4. Les massifs granitiques renferment d’innombrables fours à cristaux. Ceux qui voient le jour sont d’autant mieux préservés de la collecte qu’ils sont peu accessibles, dans des parois verticales. Du tétraèdre au quartz à six faces.
5. La croissance des cristaux, extrêmement lente, suit des lois très précises. Leur forme finale dépend de la géométrie de la molécule de base. Pour le quartz, la molécule élémentaire est l’oxyde de silicium (SiO4). Sa structure est un tétraèdre : pyramide à quatre faces dont les sommets sont occupés par des atomes d’oxygène et le centre un atome de silicium. L’empilement de ces tétraèdres selon les lois de la cristallisation donne naissance au cristal à six faces du quartz.
6. Ce processus étalé sur des millions d’années et des kilomètres verticaux est aujourd’hui reproduit, de manière accélérée (grâce à des solutions aqueuses particulières), dans des fours spéciaux où sont créés les quartz utilisés notamment en horlogerie. Le principe est simple : dissolvez 5,5 kilos de silice dans 1 m 3 d’eau (soit 5,5 g/l) compressé à 4 000 atmosphères et porté à une température de 500 °C. Refroidissez-le le plus progressivement possible : dans l’idéal, vous obtiendrez un cristal de 5,5 kilos, soit 10 cm de large pour 30 de hauteur.