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    Les fourmisfourmis les plus anciennes sont âgées d'environ 120 millions d'années. Les descendants de ces formes ancestrales sont toujours présents. Ce sont des chasseurs redoutables qui capturent de menus insectesinsectes au cours de chasses solitaires. Selon les espècesespèces, les stratégies de chasse sont différentes. Les rôles sont répartis et la coopération est de mise.

    La stratégie des fourmis. © Kozorog - Fotolia

    La stratégie des fourmis. © Kozorog - Fotolia
    Une fourmi prédatrice. <em>Odontomachus bauri</em> s’apprête à refermer des mandibules-piège sur une larve de grillon. © A. Wild

    Une fourmi prédatrice. Odontomachus bauri s’apprête à refermer des mandibules-piège sur une larve de grillon. © A. Wild

    Il n'y a aucune coopération ni pendant la chasse, ni pendant le transport des proies lors du retour au nid. Certaines espèces sont très spécifiques dans leur choix, ciblant par exemple uniquement des mille-pattes. D'autres, au contraire, sont très éclectiques et capturent tout ce qui passe à portée de leurs mandibulesmandibules. Ces dernières sont souvent très longues, formant de redoutables pinces.

    Les Odontomachus, fourmis tropicales redoutables chasseuses

    Les Odontomachus sont des espèces tropicales de grande taille. Ses longues mandibules portent sur la face intérieure de longues soies tactiles. En chasse, l'ouvrière maintient ses mâchoires ouvertes à 180° si bien que les soies tactiles sont dirigées vers l'avant.

    Lorsqu'elles heurtent une proie, elles déclanchent la fermeture des mandibules un peu à la manière des mâchoires d'un piège à loup. La fermeture réflexe se fait à une vitesse extraordinaire puisqu'elle ne demande que 0,13 milliseconde. La vitesse du mouvement mandibulaire est supérieure à celle effectuée par une balle de fusil ! La proie ne peut échapper. Elle est écrasée ou transpercée par les dents acérées. Si elle bouge encore, elle est achevée d'un coup d'aiguillon.

    Les Odontomachus sont des chasseurs solitaires dont le nid ne possède que quelques dizaines ou centaines d'individus.

    Les stratégies des fourmis nomades

    Les fourmis nomades, appelées aussi légionnaires, d'Amérique ou d'Afrique ont adopté une autre stratégie. Leurs sociétés sont gigantesques. Les Eciton d'Amérique forment des sociétés comptant des centaines de milliers d'individus alors que celles des Dorylus d'Afrique (les fourmis magnans) peuvent atteindre 20 millions d'ouvrières. Et pourtant ces sociétés ne possèdent qu'une seule reine dont la féconditéfécondité est bien sûr conséquente. Pendant la période de ponte la reine des Eciton pond deux œufs par minute soit 100.000 à 300.000 par cycle. Sa longévité étant d'environ 10 ans, c'est 6 millions d'œufs qui seront pondus par cette stakhanoviste de la reproduction.

     Fourmis magnans. © Axel Rouvin / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)

     Fourmis magnans. © Axel Rouvin / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)

    Les fourmis nomades doivent leur nom au fait qu'elles ne possèdent pas de nids fixes et structurés. Le soir, elles se rassemblent dans un creux de terrain pour former un bivouac ovoïde souvent plus gros qu'un ballon de football. Cette masse vivante, formée par l'enchevêtrement des ouvrières, abrite la reine et le couvaincouvain en son milieu. La vie des fourmis nomades est marquée par l'alternance de deux cycles se succédant avec la régularité d'une horloge. Pendant la phase sédentaire qui dure 20 ± 1 jours, l'abdomenabdomen de la reine enfle de façon spectaculaire sous la pression des ovairesovaires. Vers la fin de la période, la reine commence sa ponte frénétique. En même temps, les coconscocons issus de la phase précédente achèvent leur maturation. Pendant la phase sédentaire, il n'y a donc pas de larveslarves dans la société. Cela limite l'appétit de la troupe. Une quinzaine de raids de chasse sont suffisants pour rassasier les ouvrières. Les proies existent en quantité suffisante autour du bivouac qui se reforme tous les soirs à la même place.

    Les événements qui interviennent à la fin de la phase sédentaire vont modifier l'activité de la société. Les œufs éclosent par dizaines de milliers, constituant autant de nouvelles bouches à nourrir. En même temps, les cocons éclosent libérant une nouvelle main-d'œuvre abondante. Les proies ne sont plus en nombre suffisant. La société doit explorer chaque jour une nouvelle aire de chasse. C'est le début de la phase nomade qui dure exactement 16 à 17 jours. Elle est marquée par un déplacement quotidien. Chaque jour la société déménage en entraînant la reine et en emportant le couvain pour installer un nouveau bivouac à 100 ou 300 mètres du précédant. C'est au cours de la phase nomade que les larves grossissent et leur croissance finie, tissent leur cocon. Cet événement marque la fin de la phase nomade et le début d'une nouvelle phase sédentaire.

    Les raids de chasse, quotidiens en phase nomade et presque quotidiens en phase sédentaire, sont impressionnants.

    Départ d’un raid de chasse de la fourmi légionnaire africaine <em>Dorylus nigricans</em> (la fourmi magnan). La colonne se déplace à la recherche de proies. Elle est protégée par un soldat, mandibules menaçantes. © W.H. Gotwald Jr

    Départ d’un raid de chasse de la fourmi légionnaire africaine Dorylus nigricans (la fourmi magnan). La colonne se déplace à la recherche de proies. Elle est protégée par un soldat, mandibules menaçantes. © W.H. Gotwald Jr

    C'est un véritable fleuve de fourmis, large d'une vingtaine de centimètres, qui coule dans la forêt tropicale s'éloignant du bivouac à la vitesse de 20 mètres à l'heure. Les fourmis de tête laissent échapper de la phéromonephéromone de piste qui guide les chasseuses de l'arrière. Ces dernières passeront bientôt devant avant d'être elles-mêmes remplacées par de nouvelles venues. L'ensemble forme une sorte d'autoroute à quatre voies : les deux voies centrales sont réservées aux fourmis revenant vers leur nid chargées des proies capturées. Les ouvrières des voies extérieures se hâtent vers le terrain de chasse. Pendant la phase sédentaire, le terrain de chasse est limité, puisque centré autour du bivouac. Les fourmis se doivent d'éviter de ratisser deux fois le même terrain. Chaque raid est alors décalé d'environ 120° vers la droite ou vers la gauche par rapport au raid de la veille. Ceci évite de chasser sur un terrain visité précédemment et même sur un terrain contigu que les proies effrayées auraient pu fuir.

    Les rôles répartis au cours de la chasse

    La division du travail repose sur de fortes différences morphologiques. Les médias restent dans le bivouac et s'occupent des larves. Les médias sont les généralistes affectées à la chasse. Les proies sont transportées essentiellement par des ouvrières spécialisées, munies de longues pattes qui leur permettent d'enjamber les obstacles.

     Retour d’une colonne de chasse de la fourmi légionnaire africaine <em>Dorylus nigricans</em>. Les proies sont transportées par des ouvrières aux pattes très longues ce qui facilite leur déplacement. © W.H. Gotwald Jr

     Retour d’une colonne de chasse de la fourmi légionnaire africaine Dorylus nigricans. Les proies sont transportées par des ouvrières aux pattes très longues ce qui facilite leur déplacement. © W.H. Gotwald Jr

    D'autres ouvrières, plus petites, jouent les cantonniers : selon leur taille, elles s'aplatissent dans les trous de la piste, la nivelant pour favoriser le passage des porteuses. Puis elles se redressent et foncent vers l'avant pour boucher les trous à venir. Les soldats, aux mandibules impressionnantes, se positionnent sur les flancs de la colonne, mâchoires ouvertes et antennes frémissantes. Gare à qui voudrait perturber le raid.

    À raison de 25.000 à 200.000 individus impliqués dans la chasse, c'est le sauve-qui-peut dans la litièrelitière de la forêt. Le couvain de fourmis d'espèces étrangères est le premier à faire les frais de cette force destructrice. Suivent les blattes, sauterellessauterelles, coléoptèrescoléoptères, araignéesaraignées, scorpions... bref tout ce qui ne peut se sauver à temps. Même de petits lézards, de jeunes serpents somnolents, des oisillons, sont capturés. En brousse, les poules ou les lapins encagés sont mis à mort, dépecés et ramenés au nid. Le rapatriement des proies fait l'objet d'une coopération exemplaire. Les petites prises sont transportées individuellement. Les plus grosses font l'objet d'un transport collectif ou sont découpées sur place pour être mieux manipulées. Chaque jour, ce sont 30.000 proies représentant des litres de chair fraîche qui font ainsi retour vers le bivouac pour rassasier ouvrières et larves.