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Que les fourmisfourmis pratiquent la chasse, la cueillette, qu'elles pratiquent ou non une symbiose mutualiste, elles sont dans l'obligation de trouver et ramener de la nourriture. Un travail évidemment harassant, coûteux en énergie et dangereux. Il existe une manière de contourner l'obstacle. C'est de faire accomplir ces tâches par autrui. Cette pratique est bien connue de l'espèceespèce humaine : c'est l'esclavagisme.
Formica fusca fourmi noire. © Mathias Krumbholz - CC BY-SA 3.0
Polyergus rufescens Latr, fourmi esclavagiste. © Thomasz Kucza / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)
L'esclavagisme a été pratiqué dans l'Antiquité égyptienne ou gréco-romaine et plus tard par le monde arabe et occidental. Réapparaissant de-ci de-là au gré des soubresauts historiques, cette pratique est condamnée par la morale. Les fourmis n'ont point la notion du bien et du mal. Elles sont animées par un seul but imposé par l'évolution : reproduire et disséminer les gènesgènes dont elles sont porteuses. Dès lors, l'esclavagisme est un trait de vie parmi d'autres.
La fourmi amazone, fourmi esclavagiste
Il a été adopté par des espèces qui au cours de l'évolution ont perdu la capacité à élever leurs larveslarves et à rechercher leur nourriture. La fourmi amazoneamazone Polyergus rufescens, partout présente sous nos climatsclimats, constitue un bon exemple. Tout commence quand les ouvrières de la fourmi amazone sortent en masse de leur nid et se dirigent vers une cible repérée au préalable par des ouvrières « éclaireuses ». La cible est habituellement constituée par les placides ouvrières d'une espèce du groupe Formica fusca. La colonne des amazones entreprend un raid de pillage. Parvenues aux environs du nid cible, quelques amazones en dégagent l'entrée permettant au gros de la troupe de s'engouffrer sous terre. Les pilleuses ressortent quelques minutes plus tard en portant serré entre leurs mandibulesmandibules un coconcocon de Formica. Le charroi est facilité par la forme des mandibules de l'esclavagiste : elles sont effilées et courbées à la manière d'un sabre ottoman.
L’ouvrière de cette fourmi esclavagiste possède des mandibules qui sont des armes redoutables mais sont aussi capables de transporter délicatement les cocons de l’espèce pillée. © A. Wild
Si elles sont adaptées au transport d'un objet cylindrique, le cocon, elles sont aussi des armes remarquables. Elles percent avec facilité la tête des ouvrières fusca qui voudraient s'opposer à leur intrusion. D'ailleurs les fusca se débandent très vite car les amazones disposent aussi d'une arme chimique : elles émettent une phéromonephéromone mandibulaire qui a un double effet. D'une part elle panique les fusca qui refluent en désordre, d'autre part, elle stimule l'ardeur au combat des amazones.
Les cocons de fusca ramenés au nid ne tardent pas à éclore, libérant de jeunes ouvrières fusca. Nées dans un milieu inconnu, ces ouvrières se familiariseront avec leur nouvel environnement. Elles vont donc dérouler leur programme comportemental normalement en soignant d'abord les larves et la reine des amazones comme si c'étaient des larves et une reine de leur propre espèce. Plus tard, elles sortiront du nid pour chercher et ramener de la nourriture.
La fourmilière des amazones est donc mixte ; la reine de Polyergus trône au milieu d'une cour formée d'ouvrières esclavagistes d'une couleur rouge-orange et d'ouvrières esclaves gris cendré.
Le nid mixte des fourmis esclavagistes (couleur rouge-orange) et esclaves (couleur grise). © A. Wild
Tout pourrait aller pour le mieux, si les ouvrières esclaves n'avaient pas une durée de vie limitée. Comme il n'y a pas de reine Formica fusca dans le nid de l'esclavagiste, le renouvellement des ouvrières esclaves n'est pas assuré. Lorsque le nombre d'ouvrières esclaves baisse dangereusement, les amazones effectuent un nouveau raid de pillage en évitant de se focaliser sur le même nid-cible. Elles sont ainsi assurées de trouver de nouvelles esclaves.