Chez les oiseaux, la date de reproduction est un déterminant majeur du succès reproducteur, et donc de la survie de l'espèce. Aujourd'hui, la capacité des espèces d'oiseaux à s'adapter et à évoluer en réponse aux changements rapides des conditions climatiques est un sujet d'inquiétude pour la communauté scientifique ornithologue, et même dans une plus large mesure pour le grand public.

Jeune mésange charbonnière mangeant une graine. © Alexas Fotos, Pixabay, DP

Jeune mésange charbonnière mangeant une graine. © Alexas Fotos, Pixabay, DP
Adulte quittant le nid avec un ver © Armin Kübelbeck GNU Free Documentation License, Version 1.2

Adulte quittant le nid avec un ver © Armin Kübelbeck GNU Free Documentation License, Version 1.2

Plusieurs études récentes ont montré que les populations d'oiseaux peuvent répondre aux changements climatiques récents en modifiant leurs dates de reproduction. Les exemples les plus fréquemment illustrés sont l'avancée de la date de ponte, ou bien l'avancée des comportements de migration.

Une possible adaptation de la période de ponte des mésanges

Le défi que les mésanges doivent relever est de pondre leurs nichées au moment le plus opportun pour que la période de nourrissage de leurs poussins coïncide avec la période d'abondance de leur nourriture principale, les chenilles.

Or lorsque les mésanges pondent leur premier œuf (par exemple fin mars, début avril), il leur faut "décider" de cette date de ponte pour qu'une fois la ponte terminée (elles pondent un œuf par jour), et la période de couvaison passée (elles couvent leurs œufs durant 14 jours), elles puissent nourrir leurs petits au nid durant le pic d'abondance des chenilles dans leur forêt.

La phénologie des chenilles étant "calée" sur la phénologie des arbres, qui elle-même est fortement déterminée par la température extérieure, les printemps chauds verront les chênes débourrer très tôt et une abondance de chenilles également précoce. Les mésanges qui n'auront pas fait le "choix" de pondre très tôt ne pourront alors pas nourrir leurs oisillons, puisque la fenêtre de temps durant laquelle les chenilles sont disponibles sera passée.

Bouquet de cystes © Anne Charmantier

Bouquet de cystes © Anne Charmantier

L'étude sur l'adaptation des mésanges doit se faire sur plusieurs années

Un de nos objectifs de recherche est de comprendre si (et comment) les mésanges peuvent s'adapter au réchauffement rapide des printemps. Cependant, il n'est pas aisé de tester si des changements de comportements en réponse aux changements de l'environnement proviennent d'une plasticité phénotypique ou bien sont la conséquence d'une micro-évolution à déterminisme génétique : chaque individu peut-il ajuster son comportement d'une année sur l'autre en fonction des changements dans son environnement, ou bien l'adaptation se fait-elle par un processus de sélection naturelle ?

Pour répondre à ces questions, il faut suivre des individus dans leur reproduction durant plusieurs années, et c'est ce que nous faisons en étudiant les mésanges bleues en Corse et près de Montpellier.

C'est aussi ce que font de nombreuses autres équipes de recherche en Europe, et notamment celle de Ben Sheldon à l'université d'Oxford, ou les mésanges charbonnières font l'objet d'un suivi individuel depuis 1947.