Comme Morganucodon illustré précédemment, peut-être considéré comme l'archétype des MammaliaEomaia scansoria (littéralement « la mère primordiale qui sait grimper ») est l'archétype des placentaires.

<em>Eomaia scansoria.</em> © S. Fernandez, CC By 2.5
Eomaia scansoria. © S. Fernandez, CC By 2.5

La formation du Crétacé de Yixian, près de Pékin, où Eomaia scansoria a été trouvé (125 millions d'années), était jusqu'ici plus connue pour ses dinosaures à plumes et tout un cortège d'autres vertébrés. Plusieurs autres mammifères y ont été signalés, mais tous plus primitifs qu'Eomaia. Aucun n'a atteint le stade placentaire, et leur mode de reproduction devait être analogue à celui de l'ornithorynque et autres monotrèmes qui pondent des œufs. Eomaia avait le même régime alimentaire, mais était vraisemblablement arboricole, et non exclusivement terrestre. 

<em>Eomaia scansoria</em>, au Musée américain d'histoire naturelle de New York. © Dinoguy2, CC by-sa 1.0
Eomaia scansoria, au Musée américain d'histoire naturelle de New York. © Dinoguy2, CC by-sa 1.0

Eomaia scansoria, un animal de 20 à 25 grammes

Le fossile Eomaia est très bien conservé, comme on le constate sur l'image ci-dessous : son squelette est visible sur les deux blocs de calcaire qui le révèlent, et la silhouette de son pelage s'y dessine. On peut ainsi constater que sous les poils allongés et rigides du manteau, il existait une sous-couche de soies plus fines. Le petit animal, tout juste 20 à 25 grammes, vivait dans les frondaisons de la végétation proche du lac où il a péri noyé. Ses longs doigts des mains et des pieds, couronnés de griffes aplaties, lui permettaient de saisir les branchages et de les escalader avec agilité. Des insectes et autres petits animaux constituaient son ordinaire. C'est le mode de remplacement de la denture et la morphologie du bassin qui ont permis d'envisager qu'il avait un mode de reproduction placentaire. Cependant, l'étroitesse du pelvis laisse penser que la période de gestation était brève, et suivie d'une plus longue période où le jeune, agrippé à l'abdomen de la mère, se nourrissait de son lait.

En haut à gauche, reconstitution d’<em>Eomaia scansori</em>, insectivore arboricole du Crétacé (125 millions d’années). En bas à gauche, les deux blocs séparés où apparaissent les silhouettes du fossile. À droite, le dessin du squelette et la silhouette du petit animal. © Illustrations extraites de Zhe-Xi Luo <em>et al.</em>, <em>Nature</em>, 2002
En haut à gauche, reconstitution d’Eomaia scansori, insectivore arboricole du Crétacé (125 millions d’années). En bas à gauche, les deux blocs séparés où apparaissent les silhouettes du fossile. À droite, le dessin du squelette et la silhouette du petit animal. © Illustrations extraites de Zhe-Xi Luo et al.Nature, 2002

Les auteurs de la découverte expliquent la diversité de la faune mammalienne du Crétacé de Chine par la variété des situations écologiques qu'on y dévoile : certains des animaux qu'on y rencontre vivaient dans des dunes, et donc dans un environnement beaucoup plus sec qu'Eomaia. L'un d'eux, un multituberculé, était le géant de son temps avec un crâne de près de 11 cm de long. Hormis Eomaia, aucun de ces mammifères n'a laissé de descendance.

Un aspect intéressant de cette découverte concerne l'ancienneté du rameau placentaire et les discussions et controverses qui ont parfois opposé paléontologues et molécularistes : la date de 125 millions d'années attribuée au fossile s'accorde avec les plus récents résultats de phylogénie moléculaire, et confirme les hypothèses des paléontologues.