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Le domaine des chouettes harfangs sont ces vastes étendues ingrates et dénudées du Grand Nord. L'aire de répartitionaire de répartition de cet oiseauoiseau est parfaitement calquée sur celle de sa proie favorite : le lemming, un petit rongeurrongeur dont le rapacerapace raffole. Au Groenland, l'aire du lemming à collier (Dicrostonyx groenlandicus) est confinée à la frange côtière du nord-est séparant la calotte intérieure de la banquisebanquise de l'océan ArctiqueArctique.
Cette région est fortement disséquée par une succession de fjords où seules quelques grandes vallées offrent des habitats favorables aux communautés animales inféodées aux toundrastoundras. C'est là que des harfangs viennent s'y déployer dès qu'elles anticipent l'amorce d'une embellie de leur proie favorite.
La Vallée du Karupelv sur l'île de Traill est une des régions où l'harfang s'installe certaines années. Des membres du Groupe de recherche en écologieécologie arctique (Grea) y ont lancé en 1988 une recherche à long terme sur les cycles de lemmings et sur les interactions avec leurs prédateurs.
Privilégiant une approche intégrant les interactions au sein de la communauté animale, ces suivis des populations de lemmings ont d'abord bien illustré le caractère cyclique de ces mythiques campagnols. Leurs densités peuvent varier du simple au centuple en l'espace d'une année, comme en attestent les comptages systématiques de leurs nids d'hiverhiver ainsi que les piégeages.
Une offre aussi contrastée en proies, que la fonte des neiges printanière révèle au grand jour, est évidemment un véritable défi pour les prédateurs qui tirent leur subsistance d'une telle ressource. Renard polaireRenard polaire, herminehermine, labbe et harfang, chacun y va de sa propre stratégie.
Hermine, renard, labbe : les autres prédateurs du lemming
Celle des chouettes consiste à jouer aux abonnés absents dès que les densités de lemmings demeurent inférieures à un certain seuil. Pour ce site du Groenland, celui-ci se situe autour de deux lemmings à l'hectare, un niveau qui, dans les faits, n'a été dépassé qu'à huit reprises sur les 26 ans de la présente étude.
Autrement dit, c'est donc à peine une année sur trois que ces chouettes sont au rendez-vous. Leur installation en fin d'hiver coïncide alors avec l'émergenceémergence de véritables colonies de lemmings issues de portées successives. Car, aussi surprenant que cela puisse paraître pour un environnement si extrême, c'est bel et bien en période hivernale que le potentiel reproducteur de ces rongeurs, dotés d'une prolificité exceptionnelle, s'exprime de la manière la plus transcendante.
Tel est le cas lorsqu'au terme de deux ou trois années de creux, les rangs des redoutables hermines se sont à ce point éclaircis qu'elles ne sont plus en mesure d'enrayer une recrudescence démographique des lemmings. Celle-ci va marquer le pas quand, au moment de la fonte, vers début juin, les lemmings sont forcés de quitter leurs quartiers d'hiver pour élire domicile dans des terriers d'été. Cet exercice de tous les dangers les expose à tous les prédateurs venant se disputer l'exploitation de cette manne. Labbes, renards et harfangs écument alors chacun à sa manière les territoires pour assurer leur propre reproduction.