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Alors que la fonte des glaciersglaciers s'est accélérée, il peut sembler surprenant que l'expansion thermique des océans ait marqué une pause aussi sensible entre 2003 et 2008. En tirer la conclusion que le réchauffement planétaire lui-même s'essouffle serait une erreur, bien que nous ne soyons pas encore en mesure d'en expliquer clairement la cause.
Badwater est une dépression située en Californie, dans la vallée de la Mort, au sud-ouest des États-Unis. Badwater est le point le plus bas en Amérique du Nord avec une altitude de 85,5 mètres sous le niveau moyen de la mer.
© Joe Parks, Wikimedia commons, CC BY 2.0
L'obsession du réchauffement global ne doit pas occulter la variabilité climatique « naturelle » aux échelles temporelles pluriannuelles et décennales comme on l'a vu pour la mesure altimétrique et les composantes stériques et eaux continentales, ni les variations spatiales qui leur sont vraisemblablement liées. Ne considérer que des valeurs globales moyennes peut faire oublier que l'élévation du niveau de l'océan et les variations de son contenu thermique ne se font pas de manière homogène. Loin de là. Si les mesures altimétriques faites depuis 1992 (Topex/PoseidonTopex/Poseidon) montrent que le niveau de la mer s'est élevé en moyenne de 3,3 mm/an, elles montrent aussi que cette valeur varie d'une région à l'autre.
Des variations hétérogènes selon les régions
Ainsi entre 1992 et 2010 on observe une augmentation de l'ordre de 10 mm/an dans l'ouest du Pacifique tropical mais une baisse à peu près équivalente du côté des Aléoutiennes, et sur les côtes américaines du Pacifique.
Dans l'Atlantique on note aussi un contrastecontraste marqué entre la mer du Labrador d'une part et juste au sud dans la région du Gulf Stream d'autre part. Il y a pour la même période une grande similitude avec les variations de l'expansion thermique (déduite des mesures in situ) qui est donc manifestement le signal dominant. Or sur une période plus longue (1955-2003) on observe une situation très différente quasiment inverse dans ces deux régions : là où l'expansion thermique était maximale dans le Pacifique intertropical ouest on observe maintenant une diminution significative ; de même dans l'Atlantique nord la situation s'inverse-t-elle entre la région du Gulf StreamGulf Stream et celle de la mer du Labrador.
Exemple de la NAO et du Gulf Stream
Cela traduit incontestablement le poids très fort des variabilités pluriannuelles qui comme on l'a déjà évoqué avec El NiñoEl Niño/Niña de 1997 et 1998, ont un impact sur les variations moyennes du niveau de la mer. Par exemple : la « NAO » (North Atlantic OscillationNorth Atlantic Oscillation) et le Gulf Stream. La NAO est une oscillation que l'on caractérise par la différence de pression atmosphériquepression atmosphérique entre l'anticycloneanticyclone des Açores et les basses pressions d'Islande. Plus cette différence est élevée (anomalieanomalie positive de l'indice NAO) et plus le régime des ventsvents d'ouest est fort aux latitudeslatitudes tempérées assurant à l'Europe de l'ouest des hivershivers doux et humides et réciproquement. Si la NAO variait d'année en année de manière aléatoire tout cela n'aurait pas beaucoup d'importance : l'océan n'aurait guère le temps d'enregistrer de manière durable les perturbations d'une année que l'année suivante viendrait effacer. Il ne s'agirait que d'un bruit de fond sans conséquence à moyen et long terme.
Mais il n'en est pas ainsi, et c'est bien pourquoi on parle d'oscillation : les anomalies ont une certaine durée comme on le voit sur la figure de l'évolution de l'indice de NAO depuis le millieu du XIXe siècle.
Les périodes d'anomalie positive ou négative de la NAO ont une certaine pérennité de plusieurs années qui ont un impact sur le climatclimat : par exemple, à la forte négativité de l'indice NAO dans les années 1960-1970 correspond un minimum à la fois de la température de l'atmosphèreatmosphère et du contenu thermique de l'océan.
Le transport du Gulf Stream déduit de la différence d'énergie potentielle entre les Bermudes (point haut) et la mer du Labrador (point bas) est corrélé, avec un retard de quelques mois, aux variations de la NAO : à indice élevé correspond une intensification du Gulf Stream et réciproquement. Il en est évidemment de même des transports de chaleur océanique et donc du contenu thermique océanique de l'Atlantique nord... D'où l'impact probable sur la répartition du contenu thermique océanique et le signal altimétrique. Autre exemple dans le Pacifique : une oscillation analogue PDO (Pacific Decadal Oscillation) témoigne des variations des conditions thermiques océaniques du Pacifique nord sur des périodes de vingt à trente ans dont la signature ressemble beaucoup à l'alternance observée dans le signal altimétrique entre l'est et l'ouest du Pacifique (voir les deux premiers graphiques de la page).
Ces oscillations, d'El Niño à la NAO, à la PDO et d'autres encore se chevauchent et interagissent. Elles induisent des fluctuations de la distribution géographique du contenu thermique de l'océan, des fluctuations climatiques (précipitationsprécipitations, évaporation, ruissellement), des modifications de la circulation océanique qui toutes ont leur signature dans le signal altimétrique et sa répartition géographique sans que l'on puisse encore démêler complètement l'écheveau.
À cela, pour être complet, il faut ajouter pour l'avenir plus lointain l'impact des transferts de masse, notamment la diminution des calottes polairescalottes polaires voire, par exemple, la disparition de la calotte ouest de l'AntarctiqueAntarctique particulièrement menacée parce que s'étendant en mer, sur le champ de pesanteur et donc sur le géoïdegéoïde, surface équipotentielle du champ de gravitégravité qui coïncide avec le niveau moyen de la surface de l'océan au repos. À nouvelle répartition des masses, la déformation du géoïde et donc de la surface de l'océan qui indépendamment des variations climatiques s'élèvera ici, baissera ailleurs, au gré des variations du géoïde.