Ce « vaste réservoir de la nature » qu'est la mer, comme l'a dit Jules Verne, n'est pas toujours tranquille. On peut aussi voir la mer « danser » comme dans la chanson de Charles Trenet. Marées et vagues mènent cette danse.

 Des raisons encore mal comprises, induisent certaines années un anticyclone anormalement faible, qui modifie le mouvement des eaux froides en surface du Pacifique équatorial, provoquant son réchauffement et un appauvrissement de plusieurs mois en nutriment ("El Nino") avec de fortes modifications écologiques induites. © NOAA

 Des raisons encore mal comprises, induisent certaines années un anticyclone anormalement faible, qui modifie le mouvement des eaux froides en surface du Pacifique équatorial, provoquant son réchauffement et un appauvrissement de plusieurs mois en nutriment ("El Nino") avec de fortes modifications écologiques induites. © NOAA

Au rythme des marées

En 12 heures, la Lune parcourt environ la moitié de son ellipse autour de la Terre, avec une trajectoire un peu différente chaque jour.

Considérons un premier instant où la Lune se trouve au zénith sur la rive d'un océan. Elle attire et soulève l'eau au voisinage de cette côte, en provoquant un abaissement du niveau sur l'autre rive, par conservation de la masse. Quelques heures plus tard, le soulèvement se produit sur cette autre rive où la Lune est maintenant apparue et, réciproquement, le niveau baisse là où il était le plus élevé au premier instant. On comprend alors qu'à l'échelle des océans, soit une dizaine de milliers de kilomètres, une oscillation puisse s'installer, déplaçant des masses colossales et engendrant des vitesses assez élevées, relativement faciles à évaluer.

Petite houle dont l’amplitude augmente en arrivant dans une région d’eau peu profonde, pour finir par déferler. © SIDS1, cc by nc 2.0
Petite houle dont l’amplitude augmente en arrivant dans une région d’eau peu profonde, pour finir par déferler. © SIDS1, cc by nc 2.0

Le balancement des marées apparaît donc comme la réponse des océans à l'excitation périodique qu'est la force d'attraction exercée sur leur masse liquide par la Lune et par les autres astres assez proches, comme le Soleil.

Mécanismes des marées (bleu clair) : maximales lorsque le Soleil (S), la Terre (T) et la Lune (L) sont alignés (position 1), et minimales lorsque l’axe Terre-Lune est orthogonal à l’axe Soleil-Terre (position 2). © Grenoble Sciences
Mécanismes des marées (bleu clair) : maximales lorsque le Soleil (S), la Terre (T) et la Lune (L) sont alignés (position 1), et minimales lorsque l’axe Terre-Lune est orthogonal à l’axe Soleil-Terre (position 2). © Grenoble Sciences

El Niño, l’enfant terrible

Dans la partie sud-est de l'océan Pacifique, le courant de Humboldt ramène vers les latitudes tropicales des eaux froides en provenance de l'Antarctique, le long des côtes chiliennes. Au contraire, sa partie sud-ouest, proche de l'Australie, est assez chaude. À des latitudes voisines du tropique du Capricorne, au-dessus de la surface du Pacifique, l'air de l'ouest est donc plus chaud que celui de l'est et une cellule convective, dénommée cellule de Walker (figure ci-après, en haut), est ainsi entretenue par convection naturelle.

Illustration de l’interaction entre la cellule de Walker et le phénomène El Niño. En haut, la cellule de Walker est active, elle accentue le courant d’est équatorial et pousse les eaux chaudes vers la côte ouest de l’océan Pacifique. En bas, la cellule de Walker s’est effondrée et divisée, les eaux chaudes accumulées à l’ouest de l’océan Pacifique refluent vers l’Amérique centrale à l’est. Les flèches fines montrent le déplacement de la thermocline. © D’après <em>TAO Project Office</em> (directeur : Michael J. McPhaden), PMEL, NOAA
Illustration de l’interaction entre la cellule de Walker et le phénomène El Niño. En haut, la cellule de Walker est active, elle accentue le courant d’est équatorial et pousse les eaux chaudes vers la côte ouest de l’océan Pacifique. En bas, la cellule de Walker s’est effondrée et divisée, les eaux chaudes accumulées à l’ouest de l’océan Pacifique refluent vers l’Amérique centrale à l’est. Les flèches fines montrent le déplacement de la thermocline. © D’après TAO Project Office (directeur : Michael J. McPhaden), PMEL, NOAA

En raison de mécanismes complexes qui font encore l'objet de discussions parmi les spécialistes, la cellule de Walker perd périodiquement de son intensité, au point de disparaître et de se configurer autrement. Le courant de surface dirigé vers l'ouest de l'océan Pacifique ne peut alors pas se maintenir, et l'équilibre hydrostatique antérieur est détruit. Les eaux chaudes accumulées à l'ouest refluent vers l'est, où elles modifient assez fortement la température en mer et perturbent les courants marins. C'est ce courant chaud, dirigé vers les côtes du Pérou et de l'Équateur, qui est désigné par l'expression « El Niño ». La thermocline s'élève à l'ouest et s'abaisse à l'est. Dans la haute atmosphère, la cellule de Walker ne peut pas conserver son organisation, mais se trouve remplacée par deux cellules de plus petite taille (figure précédente, en bas). Cette nouvelle organisation modifie de façon importante le régime habituel marqué par un vent d'altitude venant de l'ouest, régulier et asséché lorsqu'il arrive en Amérique du Sud. La double cellule est au contraire capable de détruire l'anticyclone de l'île de Pâques, assez habituel au milieu de l'océan Pacifique, de se recharger en humidité et d'apporter de fortes précipitations sur l'Amérique du Sud, avec des orages violents et des inondations catastrophiques La durée du phénomène El Niño est de l'ordre de 18 mois, mais avec une variabilité assez forte et difficile à prédire.