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Déclin au 20e siècle
Le ralentissement des grands chantiers de constructionconstruction parisiens, l'arrivée en force de nouveaux matériaux industriels et de nouveaux éléments de confort (chauffage centralchauffage central notamment), les deux conflits mondiaux, la nécessaire mécanisation de l'extraction - pour des roches qui ne s'y prêtent pas forcément - et de la fabrication sont autant de facteurs qui expliquent le déclin de la marbrerie jurassienne.
Plus encore, le 25 mars 1957 est signé le traité de Rome, prévoyant l'ouverture des frontières et la disparition des barrières douanières. Ainsi s'écroule la protection assurée depuis le début du 19e siècle aux marbreries françaises : jusqu'alors, les droits de douanes taxant l'importation des marbresmarbres étrangers s'élevaient à 5 % sur les blocs bruts et à 30 % sur les tranches et les matières ouvrées. Les industriels français avaient donc tout avantage à importer des blocs et à les scier sur place pour obtenir des tranches. Désormais, ils doivent faire face à la concurrence de pays mieux organisés, l'Italie notamment. Ce traité entérine, au niveau national, la disparition de nombreuses scieries de marbre.
Parc aux tranches de la marbrerie Yelmini Artaud (autrefois Carron), Saint-Amour -
Photo : Inv. Y. Sancey - © Inventaire général, ADAGP, 1997
Dans la région doloise, la société de Tinseau puis Violet fait faillite avant 1900 et la société Ragoucy (devenue Société anonyme des Carrières et Usines de Belvoye et Corgoloin) disparaît en 1923. Quelques exploitations artisanales subsistent alors dont la dernière, à Damparis, ferme en 1935. Depuis, les carrières sont exploitées pour la fabrication du concassé destiné aux routes.
Ses deux fils étant morts à la fin de la Première Guerre mondiale, Nicolas Gauthier vend en 1920 l'usine de Molinges à la société lyonnaise des Marbres, Pierres et Granits. Absorbée en 1972 par le groupe Rocamat, l'entreprise en subit la politique. La brocatelle prenant de la valeur, la carrière est surexploitée si bien que le marché, submergé, ne peut absorber sa production et que la marbrerie ferme en 1984 (elle a été rasée depuis). Toujours propriété communale, la carrière continue d'être exploitée par Rocamat de façon épisodique, mais seulement à ciel ouvert.
Vue d'ensemble de la marbrerie de Molinges en 1990 - Photo : Inv. L. Poupard - © Inventaire général, ADAGP, 1990
Dès le premier quart du 20e siècle, la raréfaction des commandes de cheminéescheminées et de monuments commémoratifs et funéraires signe la fin de l'âge d'or des marbreries de Saint-Amour.
Trois établissements seulement subsistent dans les années 1920-1930 : Carron au moulin Rentreux, Célard au moulin Febvre et Yelmini Artaud, descendant de Mourlot, à Balanod. Tous essaient de s'adapter aux changements. Carron s'oriente vers le sciage à façon pour des marbreries lyonnaises mais ferme dans les années 1970. Il est racheté par la S.A. Yelmini Artaud en 1993, un an avant Célard qui avait poursuivit ses chantiers de restauration et produisait des éléments pour le bâtiment. Employant quelques 55 personnes en 1974, Célard avait misé sur la qualité pour résister, particulièrement sur des productions spéciales à haute valeur ajoutée - telles le mobilier à incrustation -, mais végétait depuis 1979, faute d'un successeur issu du métier.
Vue d'ensemble en 1994 de la marbrerie Yelmini Artaud (autrefois Célard), Saint-Amour - Photo : Inv. Y. Sancey - © Inventaire général, ADAGP, 1994
La S.A. Yelmini Artaud avait elle aussi choisi le créneau des éléments pour le bâtiment, avec carrelagescarrelages, escaliersescaliers, devantures de magasins et façades d'immeubles, sans toutefois négliger décoration et aménagement intérieur (salles de bain ou halls par exemple).
Rosace ornant le dallage du bureau de la marbrerie Yelmini Artaud (autrefois Célard), Saint-Amour : rayons en Balanod rosé (Jura) et Beige fine (Portugal), reste en Boisjourdan (Mayenne) - Photo : Inv. Y. Sancey - © Inventaire général, ADAGP, 1997
Dernière marbrerie de la région de Saint-Amour et seule marbrerie industrielle du Jura, elle a préservé un savoir faire certain qui lui permet de ne plus compter les réalisations de prestige qui, sorties de ses ateliers, ont traversé mers et océans, à destination des émirats arabes notamment. Elle s'est distinguée en 1995 et 1996 par les revêtements muraux et de sol du paquebot Splendor of the Seas, et, par exemple, participe actuellement aux grands chantiers de construction de Berlin. Travaillant des marbres de toute origine, dont ceux de Chine, elle cherche cependant à promouvoir les marbres français, mettant en œuvre celui de Balanod même et, surtout, le Bleu de Savoie de sa carrière de Villette.