La cristallographie est la science des cristaux, au sens large, elle étudie la formation, la croissance, la forme extérieure, la structure interne, et les propriétés physiques de la matière cristallisée. Le mot « cristal » est d'origine grecque, et provient de kruos (froid) et stellesoai (solidifier). La minéralogie étudie la description des espèces constituant les roches naturelles et comme la plupart des minéraux sont cristallins, les deux se recoupent souvent !

Cristaux de smithsonite rose. Provenance : Tsumeb, Namibie. © Vassil, <em>Wikimedia commons</em>, DP
Cristaux de smithsonite rose. Provenance : Tsumeb, Namibie. © Vassil, Wikimedia commons, DP

Une différence cependant, il y a beaucoup de cristaux synthétiques qui n'entrent pas dans la minéralogie mais dans la chimie et la physique ! Après avoir fait partie de la minéralogie, dont elle était une introduction, la cristallographie est devenue, depuis la fin du XIXe siècle, une science indépendante apte à pouvoir mener l'étude de la morphologie, de la texture et de la structure des cristaux :

  • la morphologie est la description complète de la forme extérieure (macroscopique) d'un monocristal au moyen de la mesure des angles des facettes (dièdres) ;
  • la texture est la description de la forme, des dimensions et de l'orientation mutuelle des monocristaux dans un matériau polycristallin tel qu'un métal ou une poudre, un sol, une céramique, etc. ; 
  • la structure est la description complète de l'empilement des individus (atomes, ions, ou molécules) constituant le cristal lui-même (phase homogène).
Cristal de calcite rose de Tsumeb.
Cristal de calcite rose de Tsumeb.

L'état cristallin, un des états caractéristiques de la matière

La science moderne définit l'état cristallin comme l'un des états caractéristiques de la matière. Celui où elle apparaît avec un maximum d'ordre. De cet ordre, découlent des propriétés physiques particulières. La toute première loi de la cristallographie est celle de la constance des angles entre les faces des cristaux (c'est-à-dire des angles dièdres) ; elle a été découverte et énoncée par Stenon (XVIIe siècle). Vers la même époque, on avait déjà observé le phénomène de double réfraction dans le Spath d'Islande (calcite transparente) et Huygens a établi les bases de l'optique cristalline, en émettant l'hypothèse que les propriétés optiques des cristaux pouvaient s'expliquer par les règles de leur arrangement interne. La deuxième loi fondamentale de la cristallographie, dite des caractéristiques entières a été découverte au XVIIIe siècle par l'abbé Haüy, à la suite de l'observation de cristaux de calcite se morcelant toujours suivant des directions planes déterminées identiques, ou clivages, en donnant des surfaces brillantes.

R.-J. Haüy.
R.-J. Haüy.

C'est ensuite Miller, au XIXe siècle qui, appliquant à la cristallographie les méthodes de la géométrie analytique, créa un système de notations rationnelles, les indices de Miller pour désigner l'orientation des faces. Cette notation est toujours largement utilisée, car elle est simple et performante. Enfin, on doit à Wulff, au début de ce siècle, d'avoir mis au service de la cristallographie un outil géométrique remarquable, la projection stéréographique, et de l'avoir rendu commode à utiliser grâce au canevas de Wulff. Celui-ci permet de faciliter grandement les études morphologiques et simplifie les calculs préliminaires sur les réseaux. La projection stéréographique est utilisée aussi dans d'autres sciences : géographie, pétrographie, astronomie et étude des angles de pente des affleurements miniers et des veines de gisements.

La majorité des phases solides de substances pures sont cristallines

L'état cristallin est l'état solide normal des corps purs le plus stable. Pratiquement toutes les substances inorganiques naturelles sont cristallines ainsi que briques, béton, céramiques, réfractaires... mais aussi certaines substances organiques dans certaines conditions en tous les cas : protéines, vitamines, ADN, etc.

Il est caractérisé par un ordre tridimensionnel, périodique, constitué d'un ensemble d'atomes, organisés suivant un ordre défini, par la répétition périodique d'atomes ou de groupements d'atomes suivant trois directions de l'espace. Ce groupe d'atomes est appelé le motif du cristal. Quant aux extrémités des vecteurs définissant les translations dans l'espace, elles constituent un ensemble de points : les nœuds du réseau. L'observation de ceci n'a été rendue possible que depuis une cinquantaine d'années grâce à la diffraction des rayons X. Ajoutons quand même pour terminer qu'un cristal comporte pratiquement toujours quelques impuretés au moins !

La calcite fait partie des minéraux de la classe des carbonates, comportant deux groupes, dont voici un résumé.

Groupe de la calcite et de l'aragonite

Ce sont des minéraux correspondant à la formule XCO3 où X représente un élément métallique bivalent : Ca, Mg, Zn, Mn, Fe2+, Co, Sr, Ba, Pb. Ils forment deux séries isomorphes : celle de la calcite cristallisant dans le système rhomboédrique et celle de l'aragonite cristallisant dans le système orthorhombique. Pour les autres carbonates, le cation détermine la structure du minéral. Celle-ci est rhomboédrique et isomorphe de la calcite quand ils contiennent des cations de petite taille (Fe2, Mg, Zn, Co), et orthorhombique et isomorphe de l'aragonite quand ils contiennent des cations de grande dimension (Sr, Ba, Pb). La dimension de l'ion calcium satisfait simultanément les conditions des deux structures et permet d'expliquer le dimorphisme de CaCO3.

Série de la calcite

Calcite CK.
Calcite CK.
  • Dolomite : carbonate de calcium et de magnésium CaMg(CO3)2 rhomboédrique
  • Magnésite : carbonate de magnésium MgCO3 rhomboédrique
  • Rhodochrosite : carbonate de manganèse MnCO3 rhomboédrique
  • Sidérite : carbonate de fer FeCO3 rhomboédrique
  • Smithsonite : carbonate de zinc ZnCO3 rhomboédrique

Série de l'aragonite

  • Aragonite : carbonate de calcium CaCO3 orthorhombique, D = 2.95
Aragonite de Challans (85).
Aragonite de Challans (85).
  • Cérusite : carbonate de plomb PbCO3 orthorhombique
  • Strontianite : carbonate de strontium SrCO3 orthorhombique
  • Withérite : carbonate de baryum BaCO3 orthorhombique

Groupe des carbonates basiques, le deuxième groupe de carbonates comprend trois minéraux hors sujet pour nous ici : azurite, malachite et phosgénite. Nous ne prendrons en compte ici que la calcite, la dolomite, la magnésite et l'aragonite qui sont directement liées au « calcaire ».

Rhomboèdre et développement.
Rhomboèdre et développement.

La calcite cristallise dans le système rhomboédrique

Elle a un clivage parfait selon (10.1) caractéristique des rhomboèdres. Elle peut présenter jusqu'à 700 formes de cristaux différents toujours dans le même système et aussi un certain nombre de macles, association intime de deux ou plusieurs cristaux selon des plans précis.

Rhomboèdre élémentaire de la calcite.
Rhomboèdre élémentaire de la calcite.

Si lors de la croissance des cristaux maclés, plusieurs formes cristallines sont présentes, la morphologie de la calcite peut devenir très complexe et leur détection est parfois difficile même pour les experts. Il peut aussi y avoir avec la calcite des cristallisations par croissance parallèle de cristaux, sous des formes cristallines différentes mais qui ne sont pas des macles et on peut observer, par exemple, des cristaux rhomboédriques en présence de cristaux aciculaires.

Différentes macles de calcite.
Différentes macles de calcite.

La calcite se présente aussi souvent sous forme de masses dont les cristaux sont granulaires et microscopiques, par exemple les stalactites. Les eaux courantes calcaires sont à l'origine d'une très grande quantité de dépôts différents : tufs, travertins, onyx, stalactites et stalagmites, concrétions oolithiques écailles, structures fibreuses, etc. suivant que les dépôts s'effectuent en eau douce dans un paysage karstique, ou en eau salée dans les dépôts marins ou encore dans des geysers. La calcite présente un nombre impressionnant de couleurs dues à des impuretés et aussi d'inclusions dont nous ne pouvons pas, non plus, faire un inventaire exhaustif mais citons par exemple : du cuivre, la goethite, l'hématite, le quartz, la natrolite, la malachite... Certains de ces minéraux sont associés à la calcite comme phases séparées.

Calcite de couleur.
Calcite de couleur.

L'aragonite, la forme orthorhombique du carbonate de calcium 

Elle doit son nom à la localité espagnole de Molina de Aragon, d'où proviennent les cristaux les plus typiques, elle cristallise dans le système orthorhombique dont voici le développement.

Système orthorhombique et développement.
Système orthorhombique et développement.

L'aragonite constitue le squelette calcaire de beaucoup d'organismes marins vivants et se décline en de nombreuses variétés, aux noms spécifiques selon leurs formes ou la présence d'autres éléments chimiques. L'aragonite cristallise en individus habituellement fins et allongés, réunis en touffes ou en groupes rayonnants.

Aragonite blanche en amas.
Aragonite blanche en amas.

On la trouve également en gros cristaux maclés en forme de prismes hexagonaux trapus, constitués par l'union de trois spécimens, ces macles sont facilement reconnaissables. Parfois, l'aragonite se présente aussi sous forme globulaire ou sous forme de stalactite, en masse compacte fibreuse ou en incrustation. Incolore et transparente, ou colorée et translucide avec un éclat vitreux, l'aragonite est moyennement dure, lourde, fragile, et dotée d'un clivage prismatique difficile.

Aragonite en ME.
Aragonite en ME.

Elle cristallise bien dans les eaux riches en chlorure de sodium, de basse température, donc elle est formée à proximité de la superficie terrestre (grottes, zones d'oxydation de gisements minéraux, sources chaudes). Elle est aussi un matériau métamorphique typique du métamorphisme haute pression, basse température : le faciès des schistes bleus. Dans beaucoup d'organismes, le test primitif, formé d'aragonite, se transforme ensuite en calcite. Les perles et la nacre (voir page sur l'utilisation du calcaire) sont constituées de lamelles d'aragonite mélangées à des matières organiques.

Moins commune que la calcite, l'aragonite est un minéral qui se trouve surtout en dépôts dans les marnes du Trias salifère pyrénéen, comme à Bastennes (Landes) ou à Molina de Aragon (Espagne). Cependant, les plus beaux cristaux proviennent des formations lagunaires de Sicile. L'aragonite, surtout en association avec la limonite, forme des échantillons spectaculaires dans les anciennes mines de fer de Styrie (Autriche), et dans les gisements métallifères des Pyrénées par exemple. Elle est fréquente dans certains gîtes de plomb d'Iran, en particulier dans les zones d'oxydation. Une variété d'aragonite plombifère connue sous le nom de tamowitzite est présente dans les mines de Tsumeb (Namibie).

La dolomite : une espèce commune dans les roches sédimentaires

Elle constitue principalement un produit diagénétique des calcaires. Elle est aussi connue dans les marbres et des roches évaporitiques. Le nom de ce carbonate fait honneur à Déodat de Dolomieu (1750-1801), l'ingénieur français qui décrivit ses caractéristiques. Elle est utilisée en construction et dans les réfractaires. Elle est blanche ou incolore en cristaux purs. Il y a une seule forme maclée connue. Elle se présente aussi sous forme d'agrégats plus ou moins fins.

Bloc de dolomite.
Bloc de dolomite.

La plupart des dolomites se forment à partir de calcite et d'aragonite, dans les sédiments, sous l'action de liquides circulants, plus ou moins riches en magnésium (sources marines ou hydrothermales), lors des processus de diagenèse. La recristallisation métamorphique donnera un marbre.

La magnésite, carbonate de magnésium provenant d'altération de roches ignées et métamorphiques riches en magnésium, apparaît sous la forme d'amas blanchâtres plus ou moins granulaires. Quelquefois, elle provient de roches sédimentaires par précipitation directe ou en remplacement d'un autre minéral. Il est très rare d'avoir des cristaux individualisés de magnésite.

Magnésite : de première importance dans la fabrication des réfractaires, elle intervient aussi dans la fabrication du caoutchouc et du papier.
Magnésite : de première importance dans la fabrication des réfractaires, elle intervient aussi dans la fabrication du caoutchouc et du papier.