au sommaire
Le port de Saint-Valery doit son origine à la fondation d’une abbaye par le moine Walrik. La ville avait, au VIIè siècle, une activité maritime et portuaire réputée. On y trouvait des navires et de nombreux pêcheurs, et le quai de la Ferté n'était occupé que par les maisons de ceux-ci. Elle garde son charme et le patrimoine historique le plus remarquable de la région.
St-Valéry-sur-Somme (Somme, France) Abri sur la jetée. © Philippe Rouzet, Flickr, CC by-nc 2.0
A - St Valery-sur-Somme
Il y reste encore le magasin de sel du XVIIème, bien mal en point mais classé, témoin de la prospérité de la ville qui importait de grandes quantités de sel de la Baie de Bourgneuf en Vendée pour le commerce avec les villes du nord. Ce dépôt ou magasin de sel est un monument rare, il n'en a existé que 5 exemplaires. Il fut construit en 1746 et pouvait contenir 20 000 tonnes de sel !
Le port est devenu célèbre après 1066, grâce à l'embarquement de Guillaume le Conquérant, parti s'emparer de la couronne d'Angleterre : on pouvait donc, à l'époque abriter toute une flotte de guerre dans le port.
Mora toujours très coloré
Le mora est un type de navire apparu au Xe siècle après J.C., (apparenté aux langskips scandinaves) lorsque les Normands reçurent le duché de Normandie. La constructionconstruction navale scandinave se marie alors avec les techniques franques. Ainsi, les moras avaient, comme les navires scandinaves :
- une proue de lionlion ou de dragon,
- le mât rabattable,
- les avirons fixes,
- une construction à clins,
- mais un plus haut bord et une largeur supérieure : ils étaient jugés plus stables mais moins rapides. Ils étaient parfaits pour embarquer une cavalerie. Leur taille oscillait entre 12 et 24 mètres et embarquaient de 20 à 30 rameurs.
En 1066, Guillaume le Conquérant fit construire plusieurs centaines de moras pour faire débarquer ses 15 000 guerriers sur les côtes anglaises. Cet épisode et les navires qu'il construisit nous sont fort bien connus grâce à la très longue tapisserie de Bayeux.
Flotte de Guillaume © Tapisserie de Bayeux
- Au XIIIème siècle, il commerçait avec d'autres ports européens, Angleterre, Flandre, Suède, Norvège et les villes de la Hanse.
- Au XVIème siècle son trafic maritime se développa encore, avec la pêchepêche de la morue et de la baleine. Il s'y faisait commerce de tout, des produits du pays aussi par le fleuve : serrurerie du Vimeu, jute, paille et chaises (la vallée est le pays des pailleuses), et bien sûr le beau calcairecalcaire de Soissons utilisé dans les constructions gothiques déjà...
Tout comme Le Crotoy, le port de Saint-Valéry restait cependant peu équipé et les bateaux se posaient sur la vase et les sablessables lors des marées descendantes.
B - La canalisation de la Somme.
Plus le temps s'écoulait, plus le problème de l'ensablement s'aggravait. On construisit donc un canal qui déviait la Somme et concentrait le trafic maritime et fluvial sur un seul port. Ce projet devait permettre le développement d'un port qui assurerait le commerce extérieur, Flandre et Hollande, mais aussi le commerce intérieur avec Amiens et Abbeville.
Zingg Baie de Somme
- De 1630 jusqu'au début du XVIIIème siècle, le Crotoy paraissait idéal mais il aurait impliqué la décadence de Saint Valéry ...
- Le 18 octobre 1778 le Conseil du Roi préféra le tracé du canal de la Somme rejoignant Saint Valéry. Les travaux débutèrent en 1785.
- Les travaux ont été suspendus une première fois à la Révolution, puis en 1814 et 1815 à cause de la chute de l'Empire...
- L'ouverture à la navigation eut lieu en 1827 par Charles X, le roi qui vit arriver la première girafegirafe à Paris.
- La construction du canal Abbeville - Saint Valéry renforça la concurrence
légendaire entre le Crotoy et Saint Valéry.
Lumière du Hourdel par Lauzero
Cette canalisationcanalisation a isolé les marais, en a favorisé l'assèchement et a aussi stoppé les divagations de la Somme. Elle a favorisé le colmatage des matériaux, donc l'exhaussement des terrains. Mais le canal a permis de conserver une activité marchande jusqu'à la fin du XIXème siècle. On considère cependant que depuis la fin du XIX, la surface des mollières a plus que doublé, ce qui présage d'un ensablement irréversible de la baie, qui, d'ailleurs, semble s'accélérer. Il ne semble pas possible de régler le problème à des coûts raisonnables. Voir à ce propos le paragraphe sur la plaine maritime picarde dans ce dossier.
Le trafic portuaire de St Valéry connut une très forte augmentation (plus de 110 000 tonnes en 1917 contre 1000 environ en 1914) pendant la Première Guerre Mondiale, les Britanniques ayant fait beaucoup de transformations dans la région d'Abbeville. La nombreuse main d'œuvre venue d'Inde et de Chine vivait dans des conditions déplorables et des épidémiesépidémies ont sévi qui ont laissé des traces dans le pays sous la forme du cimetière de Nolette avec ses 870 tombes de soldats qui n'ont jamais vu de combattants.
Cimetière de Nolette
- Vers 1950, Saint Valéry a développé le commerce du boisbois et du galet et 120 à 260 navires faisaient relâche à Saint Valery chaque année, jusqu'en 1991. Un autre problème est la pollution de la baie, avec ses interdictions de baignade dès 1970 même si bien des progrès ont été réalisés...
3 - La navigation fluviale
Certains extraits ci-dessous proviennent extraits du site Histoire et Patrimoine des Rivières et Canaux, au sein du Projet Babel. Merci à Charles Berg.
C'est un des plus vieux métiers du monde (comme l'autre, qu'il a souvent côtoyé) ! La batellerie est riche d'un vocabulaire ancien autant qu'étendu. Nos mots comme "démarrer", "train", "chantier" ou "pionnier", viennent des rivières et canaux.
Evitons donc de nommer "péniche" tout ce qui navigue en rivière ! Nomme-t-on "chalutier" tout ce qui navigue en mer ? Certains mots ou expressions sont sujets à caution, ne possédant pas le même sens d'une région à l'autre. Il arrive que l'orthographe ne soit pas fixée. Ce sont des caractères propres à tous les jargons d'origine ancienne.
Voies navigables en France
Nombre de grands personnages ont contribué à ce secteur de l'économie : Vauban, Riquet, Perronet, Gauthey, Cosnier et Becquey, Moraillon... Charles Saulce de Freycinet (1828-1923) : ministre des Travaux Publics sous la Troisième République est à l'origine de la loi du 5 août 1879 visant à étendre et unifier le réseau fluvial français, sur un gabarit plus grand, le gabarit Freycinet : 38,50 m sur 5,20 m, mouillage 2,20 m, tirant d'eau de 1,80 m, hauteur libre 3,50 m de manière à ce que la France puisse recevoir les grands bateaux flamands, notamment la "péniche flamande". Par assimilation, le nom de Freycinet est devenu un nom commun. C'est le bateau de canal le plus courant. Ce programme ne s'est cependant pas appliqué sur toutes les voies d'eau françaises.
Freycinet
1) Le bateau d'eau douce
Il naît sur une rivière et pour un usage bien précis et y est strictement adapté. Puis...il évolue et se transforme. L'ouverture des canaux de jonction entre différents bassins fluviaux, au XVIIe siècle, favorise les rencontres et entraîne des échanges technologiques qui se traduisent par des métissages entre les différents types de bateaux. Enfin, la substitution du métal au bois, la motorisation et l'évolution de la profession de batelierbatelier favorisent l'apparition de nouvelles formes.
2) La péniche
C'est un bateau marchand d'origine flamande, surtout pas un bateau de plaisance. La différence est la même entre un semi-remorque et un camping-car. De la même façon qu'on nomme baleine indifféremment le cachalotcachalot, le dauphin, ou le bélouga, le grand public a tendance à qualifier de péniche tout bateau fluvial, attention, donc...
Péniche © Musée Dechelette Roanne
La vraie péniche mesure 38,50 m sur 5,05 m et porteporte 250 tonnes en canal, et 350 tonnes en rivière profonde. Ce bateau, aussi appelé "spits" en Flandres, laisse supposer qu'il a été beaucoup plus pointu.
Péniche
C'est ce bateau qui a déterminé en France le gabarit Freycinet. À l'origine, la péniche est en bois et non motorisée. Elle semble avoir les mêmes ancêtres que nombre de bateaux flamands comme le tjalk, le aak et bien sûr la bélandre. À son tour elle va générer plusieurs bateaux par métissage :
- la flûte d'Ourcq,
- le guinot,
- le bateau nantais,
- le bateau picard... qui, lui, est le descendant de la besogne.
- Le bateau picard mesure ainsi 40 mètres de long, 7,70 de large et peut porter 560 tonnes. Ce gabarit lui permet d'emprunter les canaux Saint-Martin et Saint-Denis sur la Seine. Il disparaît au cours de la seconde moitié du XXe siècle pour laisser place à l'automoteur de rivière...
Bateau picard
Au cours du XIXe siècle, l'Oise et la Seine sont canalisées et les conditions de navigation changées qui permettent aux bateaux de porter un fret plus important. Il s'en suit l'abandon de la construction à clins au profit du franc-bord,
-- l'abandon de la levée avant et du tableau arrière au profit de pointes arrondies,
-- la verticalisation des bordés,
-- l'adoption de formes très proches de celles de la péniche flamande, mais avec des dimensions supérieures...
-- et l'abandon des canaux et des voies navigables qui ne sont pas aux normes nouvelles.