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Quels sont les enjeux aujourd'hui ?
L'enjeu principal est et restera un changement profond dans le modèle de développement industrialisé. Qu'on le veuille ou non, nos pays industrialisés sont aujourd'hui un modèle pour la planète entière. Ceci ne doit rien au hasard : trois siècles de colonisation et aujourd'hui une force de frappe médiatique sans précédent s'emploient à en convaincre les personnes dans le monde entier, jusqu'au village le plus éloigné. On ne peut pas nier d'un côté ce qu'on affirme de l'autre. Ce dont nous manquons, c'est avant tout de cohérence.
Pour éviter une situation qui menace de devenir dramatique, les pays industrialisés ont la responsabilité de réorienter profondément leurs politiques publiques. Nous devons cesser de croire qu'on trouvera toujours une solution technique aux problèmes environnementaux. Chaque pari de ce genre est une mise en demeure supplémentaire envers les jeunes générations actuelles qui n'auront pas le loisir de seulement espérer trouver ces solutions : pour éviter les catastrophes, elles devront en disposer.
Nous devons cesser de courir après un PNB qui représente chaque jour davantage le progrès dans la dégradation de la planète et la croissance des inégalités (cf. Fig 2). L'intérêt général doit pouvoir à nouveau triompher des égoïsmes corporatistes, et les entreprises innovantes l'emporter sur les mastodontes immobilistes campés sur des activités sans avenir. La croissance des industries de l'environnement en soi n'inverse pas les tendances, au contraire. Elle témoigne aussi d'une croissance dans les dépenses que les citoyens doivent consacrer pour avoir droit à ce dont leurs grand-parents disposaient gratuitement ou à faible coût : un climatclimat stable, des sols non pollués, des produits agricoles sains et complets etc.... F. Bastiat, qui n'était pourtant pas un socialiste ni un écologiste, l'avait déjà noté (15) : l'abondance naturelle constitue une concurrence désastreuse pour les affaires. Si on peut détruire cette abondance, alors les citoyens seront obligés d'acheter ce qu'ils avaient autrefois gratuitement.
Le PNB monte, mais le niveau de vie réel monte de moins en moins, voire commence à descendre ...
Figure 2 : l'indicateur de bien-être réel
Source : Redefining Progress, (16) 1998.
Les négociations sur l'environnement en général, et sur le changement climatiquechangement climatique en particulier, sont des négociations sur le développement, sous contrainte environnementale. Il s'agit de savoir qui va bénéficier des technologies, des flux financiers, de l'accès aux ressources naturelles etc.
Or le développement, si par là on entend le mode de vie actuel des pays industrialisés, n'est pas partageable, pour des raisons physiques et écologiques. Il n'y aura pas de fuséefusée pour emmener la population terrestre sur une planète de secours, quand celle-ci sera devenue inhabitable. Les promesses faites par l'OCDE ou le G8, en termes de réduction de la pauvreté etc (17). sont des promesses qui ne pourront pas être tenues en l'état actuel de ce qu'on entend par "développement". On ne pourra pas négocier avec la nature comme on négocie une hausse de salaire avec ses employés.
De Stockholm à Johannesburg, la situation s'est plutôt dégradée. L'enthousiasme a fait place aux visages inquiets et aux traits tirés. Certains affirment que Jo'burg sera plus proche de "Rio -10" que de "Rio +10", tant les avancées sur le papier ont été promptes à se transformer en reculs dans les faits. L'évolution des conférences elle-même est significative. Stockholm était au sujet de l'environnement humain, Rio avait lié environnement et développement, et Johannesburg porteporte sur le développement durabledéveloppement durable. Il est inévitable que l'on arrive à une conférence sur le développement lui-même. Espérons qu'il restera encore un peu d'environnement à ce moment-là.!
Et pourtant un monde durable est possible, sans réduire la qualité de vie, ou si peu. Il faudrait pour cela envisager le monde d'une manière un peu plus réaliste, et un peu plus juste. La justice est la source et la solutions des conflits, Héraclite le disait déjà.
Johannesburg est une étape cruciale sur un chemin qui, à terme, doit aboutir à une nouvelle conception du développement, qui soit partageable au niveau mondial. Sans cela, il n'y aura que conflits. La mondialisation unifie le monde, certes, mais une union peut être violente ou pacifique.
Nous n'avons de toute façon pas le choix : ce dont il s'agit, c'est le monde dans lequel nous vivrons demain. Et nous souhaitons qu'il soit non seulement habitable, mais encore en paix. Rien de tel n'est possible sans combattre activement les tendances actuelles.