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Cette vision messianique des nouvelles technologies n'est pas vraiment nouvelle pour la Californie. On l'a déjà vue à l'œuvre dans les années 70 dans le domaine de la libéralisation des mœurs, qui avait conduit à la naissance d'une nouvelle société américaine, plus libérale sur les plans économique et politique. Et qui avait franchi l'Atlantique.
La Silicon Valley investit lourdement dans les green IT. © Zffoto, Fotolia
Pour autant, c'est la première fois que la technologie sert de véhicule à une ambition si radicale. Les green IT se sont imposées dans la Silicon Valley grâce à l'influence de certains grands responsables politiques californiens, mais également dans la bouche des principaux acteurs de l'économie.
On peut dire que le mouvement a été véritablement lancé fin 2007, lorsque le tout nouveau prix Nobel de la Paix, Al Gore, fut l'invité vedette d'une conférence consacrée aux conséquences possibles du changement climatiquechangement climatique. Devant la crème non seulement des spécialistes de l'innovation, mais également des grands décideurs politiques et économiques de la Silicon ValleySilicon Valley, l'ancien vice-président de Bill Clinton a dévoilé la manière dont il entendait poursuivre son action pour un développement durabledéveloppement durable. Une tâche, à ses yeuxyeux, bien plus captivante qu'une nouvelle course à la Maison Blanche.
De fait, Al Gore est désormais un investisseur, associé de l'une des plus prestigieuses firmes de capital-risque dans la Silicon Valley, Kleiner Perkins Caufield & Byers (KPCB). Depuis un quart de siècle, celle-ci fait la pluie et le beau temps dans le financement de l'innovation technologique américaine. Après avoir financé les grands de l'informatique dans les années 80, puis ceux de l'InternetInternet (dont GoogleGoogle), au milieu des années 90 et 2000, ce pilier du capital-risque a pris la tête du combat pour l'avènement des technologiques propres : un tiers de ses engagements financiers y sont désormais consacrés. Tout un symbole.
En personnifiant son engagement résolu à travers le recrutement d'Al Gore, KPCB confirme que le combat des technologies propres ne se mène pas uniquement sur le terrain des investissements financiers, aussi lourds soient-ils (la Silicon Valley investit autant dans ce domaine que toute l'Europe réunie). Mais aussi dans la sphère politique. En effet, le vice-président a conservé une influence considérable au Sénat - dont il fut membre pendant de nombreuses années - et a l'oreille du président des Etats-Unis. Autant dire qu'il sera très influent sur l'agenda politique américain dans ce domaine.
Son action se conjugue avec celle du gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, dont l'activisme en matière d'énergies renouvelablesénergies renouvelables constitue le principal de ses succès politiques à ce jour. C'est lui qui, en plus de multiples mesures favorables au développement de l'hydrogène, aux économies d'énergie, au financement de l'innovation, a aussi fait voter les lois les plus contraignantes de toute l'Union, concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre. Par exemple, l'obligation faite aux producteurs d'énergie du « golden state » de fabriquer à terme de l'électricité d'origine « propre » est en train d'être copiée par une majorité d'Etats américains.
Mais le soutien politique le plus décisif de la Silicon Valley vient désormais du nouveau président, Barack Obama. Un homme avec lequel la région entretient des liens privilégiés. Bien avant qu'il ne se lance dans la course présidentielle, dès 2005, celui-ci était venu tester ses idées dans la Silicon Valley. S'exprimant tour à tour devant des patrons de grandes entreprises et devant le milieu académique, il avait rencontré de nombreux patrons de start-upstart-up et beaucoup d'investisseurs. La plupart furent subjugués par son enthousiasme et son charisme. Au point de ne pas le considérer en homme politique comme les autres. « La Silicon Valley l'a perçu comme un investissement dans une très prometteuse start-up », assure le P-DG de Wilson Sonsini Goodrich & Rosati, la plus puissante firme d'avocatsavocats d'affaires de la Silicon Valley, qui compte parmi ses clients HPHP et AppleApple, mais aussi des centaines de start-up technologiques.
Dès que le sénateur démocrate a annoncé sa candidature officielle à la Maison Blanche, des réseaux se sont constitués pour l'aider. Sur le plan financier d'abord. Des investisseurs expérimentés ont non seulement récolté d'importants fonds mais aussi mobilisé leurs propres réseaux pour que des milliers de patrons high tech se familiarisent avec le nouveau candidat. C'est aussi à ce moment-là, début 2007, que le cofondateur de FacebookFacebook, Chris Hugues, 24 ans, a quitté la Silicon Valley pour rejoindre l'équipe de campagne, à Chicago. C'est lui qui mit en place la stratégie de réseaux sociauxréseaux sociaux en ligne de la campagne Obama. Celle-ci a permis de récolter plus de 600 millions de dollars de dons, la plupart d'origine modeste, décisifs pour distancer financièrement tous les rivaux dans la course à l'investiture.
Mais le soutien de la Silicon Valley au futur président ne s'est pas limité à cette dimension financière. Les élites locales ont patiemment aidé Barack Obama à se forger une conviction sur l'action à mener en faveur des énergies renouvelables, puis à construire le programme qu'il a proposé pendant sa campagne. Un programme qui prévoit notamment 150 milliards de dollars d'investissements publics sur 10 ans et la création de 5 millions d'emplois « verts ». Ainsi que l'instauration de bourses où s'échangeraient des droits à polluer, dont le rendement financerait également les clean tech. Un programme aujourd'hui à l'œuvre, qui a relancé l'appétit des investisseurs locaux pour financer les start-up en technologies propres les plus prometteuses. Des dizaines d'entre elles ont été financées en 2008. La moitié de tous les investissements en capital-risque clean tech aux Etats-Unis vient de la Californie.
« Les technologies propres correspondent à ce qui fait la force de la Silicon Valley : d'importants programmes de recherche académique, des talents scientifiques adaptés, une main d'œuvre compétente et bien formée », explique Vinod Khosla, considéré comme l'investisseur le plus influent dans ce domaine.
Pragmatique, la Silicon Valley s'appuie en priorité sur ses points forts, qui lui permettent d'industrialiser très rapidement une invention. C'est pourquoi elle s'est focalisée notamment sur l'énergie solaire. Le mode de production des panneaux solaires est basé, aujourd'hui, sur le silicium et donc les semi-conducteurssemi-conducteurs, dont la Silicon Valley, avec IntelIntel et AMD comme chefs de file, est la capitale mondiale. Le savoir-faire industriel local et les ressources humaines disponibles ont ainsi permis à SunPower de racheter récemment une usine de semi-conducteurs et de la convertir à la production de panneaux solaires. Avec moins de 700 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2007, ses nouvelles capacités de production pour industrialiser sa technologie valorisent l'entreprise à plus de 5,5 milliards de dollars à la Bourse américaine.
Google Plex, le siège de Google, à Mountain view (entre Palo Alto et Sunnyvale © Toby (Tang) Yu / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)
Même les champions high tech de la région ont pris le train en marche. Google a couvert son siège social de Mountain View, au coeur de la Silicon Valley, de panneaux solaires et a lancé un programme permettant à ses salariés d'équiper leurs maisons à des conditions avantageuses. Signe que le mouvement devient sociétal, les entreprises ne sont plus les seules à économiser l'énergie et à favoriser les transports non polluants. La Silicon Valley pullule désormais d'installateurs d'énergies alternatives ou de solutions isolantes destinées au particulier. Même le pionnier du concept de voiturevoiture partagée à San Francisco, City Car Share, a constitué une flotte de voitures hybridesvoitures hybrides dont les adeptes mettent d'abord en avant le souci de réduire le nombre de voitures en circulation...