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Un mode de vie et une philosophie de la nature

Un mode de vie et une philosophie de la nature

Le film, LE DERNIER TRAPPEUR aborde des thèmes simples et universels qui parleront à ceux qui aiment la nature et à ceux qui veulent mieux la connaître...

Les "vrais" trappeurs, les David Crockett, les Jeremiah Johnson de notre enfance n'existent plus. Devant la diminution du prix des fourrures, les trappeurs d'aujourd'hui se sont mis à employer des techniques modernes de déplacement et de chasse, de façon à pouvoir trapper sur de plus grands territoires.

Pour prélever plus de peaux, ces "nouveaux trappeurs" se sont mis à occuper les territoires laissés libres par tous ceux qui ont regagné les villes et de l'argent plus facile. Désormais, ils utilisent l'avion, la motoneige, le téléphone portable et des moyens électroniques de communication avec des services de météo et de détection des grands mouvements des troupeaux de caribous ou de bœufs musqués...

© Eric Travers / Gamma

© Eric Travers / Gamma

Ils sont devenus des trappeurs modernes à l'image de nos paysans qui, depuis leur tracteur climatisé et automatisé, programment sur leur ordinateur de bord, la profondeur de labour ou la dose de maïs à semer.

Pourtant, il reste quelques uns de ces irréductibles trappeurs qui conservent encore les rudiments d'une ancienne philosophie de l'adaptation de l'homme à la nature. Un de ces trappeurs s'appelle Norman Winther. Il trappe depuis toujours et n'a pas besoin de toutes ces choses que la société pourrait lui offrir. Il est un des derniers représentants d'un certain art de vivre en harmonie avec la nature.

Norman, sa femme Nebaska, et leurs chiens se nourrissent du produit de la chasse et de la pêche. Son traîneau, ses raquettes, sa cabane, son canoë, il les fabrique lui-même avec le bois et l'écorce qu'il prélève dans la forêt. Nebaska tanne le cuir à l'ancienne, comme le faisaient autrefois les Indiens Sekanis avec le tanin contenu dans la cervelle de l'animal, puis en fumant la peau. La trappe des lynx, castors, martres, loups et wolvérines leur fournit le reste.

© Eric Travers / Gamma

© Eric Travers / Gamma

Une fois par an, au printemps, Norman effectue le voyage jusqu'à Whitehorse ou Dawson, les deux principales villes du Yukon, pour y échanger les peaux contre le peu de choses dont il a besoin.

Il y a quelques années de cela Norman avait acheté une motoneige qui ne lui causa que des mésaventures. Alors il s'est résigné et a repris les chiens, ses chiens qu'il aime tant et qui le lui rendent bien. Eux, au moins, ne tombent pas en panne ! Ils sont silencieux et se rendent disponibles au moindre signe de vie attentifs à la majestueuse grandeur des paysages qu'ils traversent. C'est pour tout cela que Norman trappe. Le Grand Nord est en lui et Nebaska le porte en elle, dans son sang car la taïga est la mère de son peuple... Elle ne comprend pas ses frères qui ne savent plus lire les traces d'un lynx dans la neige. Elle ne comprend plus non plus son peuple qui va se brûler les ailes auprès du mirage doré des grandes villes, de l'alcool et de la drogue.

© Eric Travers / Gamma

© Eric Travers / Gamma

Norman et Nebaska savent qu'un paysage n'existe que par les relations qu'il a avec ses animaux, ses plantes, ses rivières, ses vents et même ses couleurs. Leur sagesse provient de cette relation profonde et particulière qu'ils entretiennent avec la nature. Lorsque Norman suit la piste d'un animal, il l'étudie longuement, dans l'intention de comprendre quelle est la propre perception que l'animal a de son environnement : ce que les Indiens appelle "l'umwelt" d'un animal sauvage.

Nebaska dit que "la plupart des hommes blancs sont incapables de comprendre cela car ils n'analysent pas l'espace en fonction de la perception que chaque animal peut avoir. Ils appréhendent un environnement unique, celui de l'être humain ».

Comprendre cela, ressentir cette respiration particulière de la terre, c'est comprendre pourquoi Norman est le dernier trappeur à tourner le dos à la vie moderne qu'il compare à une pente sur laquelle on glisse les yeux fermés. Norman est une sorte de philosophe persuadé que la notion de partage et d'échange avec la nature est essentielle à l'équilibre de ce drôle d'animal qui se trouve au sommet de la chaîne alimentaire : l'homme.

© Eric Travers / Gamma

© Eric Travers / Gamma

C'est pour cela, que Norman a accepté l'idée de faire ce film, pour témoigner, pour laisser derrière lui une trace qui ne soit pas aussi éphémère que toutes celles qu'il a si souvent laissées dans la neige.