au sommaire
Pendant des années, faute de mieux, une bonne partie des campesinos des Yungas ont fait du café sous l'ombrage majestueux des arbresarbres tropicaux. Comme ailleurs, le café est une culture d'exportation. Jusqu'à maintenant, on n'en buvait pas, on se contentait de le faire pousser et de le vendre à l'intermédiaire de passage, le rescatiri, un personnage qu'on n'aimait guère. « Ils fixaient leur propre prix et trichaient sur les quantités, se souvient Elias Mamani Flores, producteur à la coopérative Antofagasta. Ils avaient décrété qu'un quintal faisait 120 livres. » Un quintal, c'est en fait cent livres, soit 45,36 kgkg, ce qui correspond à peu près au poids d'un sac. Selon les périodes et le bon vouloir des intermédiaires, ce sac était payé en-dessous de trente euros. Peu importe la qualité : pour ces acheteurs peu regardants, un grain en valait un autre, pourvu qu'il se trouve des exportateurs pour acheter, à un aussi bas prix, un café amer et sans saveur.
Grains de café bio. © pixel2013, Pixabay, DP
Le prix de la qualité
Aujourd'hui, Elias fait le tri. Installé sur le pas de la porteporte de sa nouvelle maison, il met de côté les cerisescerises vertes ou sèches pour ne retenir que celles qui luisent d'un beau rouge rubis. Une fois le grain extrait, la pulpe va nourrir des bataillons de lombrics dont les excréments fertiliseront la prochaine récolte.
Elias Mamani Flores, le père de Rosa, possède maintenant une maison en dur. Grâce aux revenus du commerce équitable, les producteurs améliorent leur habitat. Avec les études des enfants, c’est là qu’ils investissement le plus fréquemment.
© Max Haavelar - Bruno Fert - Tous droits réservés
Ces méthodes, il les a développées grâce à l'appui du projet Forcafe, un projet de développement mené par les ONG Agronomes et vétérinairesvétérinaires sans frontières et Acra. Articulé aux débouchés du commerce équitablecommerce équitable, il permet à Elias de fournir un excellent produit, payé à un prix juste : 106 € le quintal, plus 4 € de prime à l'agriculture biologiqueagriculture biologique. « Maintenant, que nous savons que le marché est stable, nous pouvons nous permettre de faire des efforts sur la qualité », explique Elias. Ainsi, les suppléments de prix s'empilent : prix minimum garanti, transformation plus avancée grâce aux investissements devenus possibles, accès aux marchés de qualité. Comme la qualité paie, c'est un cercle vertueux qui s'engage pour lui.
Le retour des jeunes
C'est cela qui a mené les enfants d'Elias à s'intéresser à nouveau au café. Rosa, 29 ans, vient d'acheter six hectares de friches près des terres de son père. Dans trois ans, les petits caféiers qu'elle vient d'y planter devraient lui donner de quoi vivre correctement.
Interview à écouter
Rosa revient de La Paz où elle était montée à 18 ans pour faire des études qu'elle ne termina jamais. Dans une chocolaterie puis chez un tailleur, elle avait connu douze heures par jour des emplois peu qualifiés. Quand elle évoque cette période, les larmeslarmes lui montent aux yeuxyeux : « Il n'y avait pas beaucoup de travail à La Paz, et quand j'en avais, j'étais exploitée et sous-payée. J'étais aussi victime de discriminations parce que je suis une femme et fille de paysans qui parle mal l'espagnol.»
L'an dernier, ayant réalisé que son père pouvait vendre entre 50 et 90 sacs, qu'il pouvait investir pour l'avenir, elle s'est dit : « S'il peut le faire, pourquoi moi qui suis jeune ne pourrais-je pas le faire ? » Aujourd'hui, elle travaille en partie pour aider son père en retour de l'aide financière de celui-ci, tout en achevant le défrichage de ses propres terres. Quand elle sera en capacité de produire vingt sacs en une récolte, elle pourra à son tour adhérer à la coopérative et vendre sur les marchés du commerce équitable. « Mon rêve, c'est de devenir une petite entrepreneuse », confie-t-elle.