Pour quantifier l'effet de serre d'un gaz, il faut connaître la manière dont il absorbe le rayonnement électromagnétique et donc ses caractéristiques spectrales mais il faut aussi connaître la façon dont lui-même émet du rayonnement. Les corps émettent comme ils absorbent, le coefficient d'absorption est donc égal au coefficient d'émission. Ce dernier coefficient pondère le potentiel d'émission qu'on appelle la fonction source et qui dépend de l'état thermodynamique du gaz.

Niveau confirmé

Équilibre thermodynamique strict

Pour un gaz à l'équilibre thermodynamique, la température est la même en tout point et reste constante. Le rayonnement est alors isotrope (ses propriétés ne changent pas quelle que soit sa direction). Puisque la température est constante en tout point, il n'y a pas de conduction de chaleur ni de convection et les échanges radiatifs sont équilibrés.

Suivant la température et leur agitation, les molécules sont plus ou moins excitées. Statistiquement les différents niveaux d'énergie possibles sont peuplés suivant la loi statistique de Boltzmann. À l'équilibre thermodynamique, et puisque la température est constante, le peuplement des niveaux d'énergie, c'est-à-dire la répartition des molécules dans les différents états, reste inchangé, ce qui implique que les échanges radiatifs sont équilibrés transition par transition. C'est un état très restrictif : c'est celui de la matière dans une enceinte fermée.

L'atmosphère terrestre est composée de différents gaz aux états thermodynamiques différents. © <em>Nasa Earth Observatory</em>, Flickr, CC by 2.0

L'atmosphère terrestre est composée de différents gaz aux états thermodynamiques différents. © Nasa Earth Observatory, Flickr, CC by 2.0

Équilibre thermodynamique local (ETL)

Dans le cas de l'atmosphère, la température n'est évidemment pas constante, il y a donc aussi des échanges de chaleur, essentiellement par turbulence et par convection. Cependant, aux longueurs d'ondes du rayonnement infrarouge, la durée de vie naturelle est de l'ordre du millième ou du centième de seconde alors qu'aux pressions de l'ordre de 100 hPa qui règnent dans la stratosphère, le temps moyen entre deux collisions est de l'ordre de 10-7 s, moins encore dans la troposphère où la pression est plus élevée. En conséquence, l'énergie d'un photon absorbé est presque toujours assimilée par le milieu par l'intermédiaire des collisions ce qui en augmente l'agitation moyenne et donc la température.

La loi de Boltzmann

La température est encore définie localement par l'énergie cinétique des molécules (T = Ec/3k où Ec est l'énergie cinétique et k la constante de Boltzmann). En conséquence, ce sont les collisions qui gouvernent le peuplement des niveaux d'énergie qui sont donc distribués suivant la loi de Boltzmann.

En conséquence :

  • dans le cas de l'équilibre thermodynamique strict, le champ de rayonnement est celui du corps noir et suit donc la loi de Planck et les molécules émettent suivant cette même loi. Dans le cas de l'ETL, le champ de rayonnement diffère de celui du corps noir (c'est-à-dire, le rayonnement n'est pas uniforme) mais les molécules émettent suivant la loi de Planck ;
  • il en résulte que dans le cas de l'ETL, il peut y avoir gain ou perte d'énergie radiative. La seule condition est que les collisions soient suffisamment rapides pour transférer en énergie cinétique la perte ou le gain net d'énergie radiative.

Comme vu précédemment, l'atmosphère est globalement en déficit radiatif d'environ 104 W/m2. Chaque couche de l'atmosphère émet donc, en général, plus d'énergie radiative qu'elle n'en absorbe. Cela signifie donc qu'il y a davantage de transitions de l'état 2 vers l'état 1 par émission de photons que de l'état 1 vers l'état 2 par absorption de photons. L'état excité est donc repeuplé par les collisions. Sous cet angle, la turbulence et la convection sont les mécanismes qui permettent ce repeuplement en remplaçant des molécules ralenties et donc refroidies par des molécules plus rapides.

L'instrument MIPAS du satellite ENVISAT permet de mesurer la composition chimique de la haute atmosphère et contribue à rendre compte de l'état d'équilibre thermodynamique des gaz. © Yves Fouquart - Reproduction interdite - Tous droits réservés

L'instrument MIPAS du satellite ENVISAT permet de mesurer la composition chimique de la haute atmosphère et contribue à rendre compte de l'état d'équilibre thermodynamique des gaz. © Yves Fouquart - Reproduction interdite - Tous droits réservés

MIPAS, AIRS, CLaMS : les instruments de mesure

La visée au limbe au travers des plus hautes couches de l'atmosphère permet de mettre en évidence des écarts à l'ETL (équilibre thermodynamique local) dans les spectres d'absorption des gaz. L'instrument MIPAS à bord d'EUMETSAT effectue ainsi des mesures de la composition chimique de la haute atmosphère jusqu'à 70 km d'altitude. L'instrument AIRS, représenté sur cette figure effectue, lui, des mesures au nadir. CLaMS signifie Chemical Lagrangian Model of the Stratosphere et est un produit dérivé des observations de ces deux instruments par l'IEK7 (Institute of Energy and Climate Research-Stratosphere).

Pour mettre en défaut l'ETL, il faut s'intéresser à l'absorption ou à l'émission par les plus hautes couches de l'atmosphère (en pratique dans la mésosphère, au dessus de 50 km pour certaines transitions de certains gaz et généralement bien plus). On observe l'effet des écarts à l'ETL lorsqu'on examine les spectres d'absorption mesurés depuis satellite lors d'observation au limbe, c'est à dire tangentiellement à l'atmosphère ce qui permet d'en sonder les couches les plus externes, en particulier avec MIPAS sur Envisat.

En pratique, dans le calcul des échanges radiatifs, l'ETL permet d'utiliser comme fonction source d'émission, la fonction de Planck. C'est cette méthode qui est utilisée dans les sondages de température depuis satellite comme dans les calculs relatifs à l'effet de serre.