au sommaire
Les aérosols : un autre forçage anthropique
Grâce aux mesures systématiques effectuées depuis la surface (réseau Aeronet) et surtout grâce aux observations de satellites (instruments Meris, Modis, Polder, etc.) on dispose maintenant d'une climatologieclimatologie de la répartition des aérosolsaérosols.
Figure 2. Moyenne sur cinq ans de l’épaisseur optique d’aérosols à 550 nm mesurée par l’instrument Modis pour quatre mois sélectionnés : janvier, avril , juillet et octobre. Les valeurs négatives correspondent à des zones où l’épaisseur optique est si faible qu’elle ne peut être distinguée de zéro. Les zones noires correspondent à des zones où la surface très réfléchissante rend la méthode de détection inapplicable. © J of Geophys Research
Les modèles climatiques
Ces données satellites peuvent être utilisées pour valider et améliorer les modèles climatiquesmodèles climatiques dans la mesure où les aérosols sont de bons traceurs de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique moyenne. Certains des modèles qui ont participé aux simulations du climatclimat du XXIe siècle disposaient de module de transport des aérosols mais les sources étaient imposées. Le couplage de la chimie de l'atmosphèreatmosphère avec la partie dynamique des modèles se généralise.
Dans le cas des aérosols d'origine anthropique, il permet de ne plus spécifier les émissions d'aérosols mais de préciser les émissions de leurs précurseurs à partir des consommations de combustibles fossilesfossiles. Parmi ceux-ci, le charboncharbon est à la fois le plus abondant et le plus gros émetteur de CO2 et de polluants divers comme le SO2 qui s'oxyde et forme des aérosols. Un article récent (Shindell et Faluvegi, 2009) tire avantage de cela pour explorer l'impact du recours massif au charbon. Les forçages qui sont maintenant précisés dans ce modèle, ce sont les consommations des divers combustibles fossiles dans les grandes régions consommatrices. Le modèle gère les transformations chimiques et le transport des gaz et des aérosols qui en résultent.
Figure 3. L’aube à Shangaï. © DR
L'influence des aérosols
La durée de vie des aérosols est courte, de l'ordre de une à deux semaines, ils ne se répartissent donc pas d'une façon plus ou moins homogène comme le font les GES, au contraire ils restent proches des régions sources. L'étude est centrée sur le cas des centrales thermiques. Dans ce cas la combustioncombustion est suffisamment complète pour que la part de suiesuie soit très faible et les aérosols ne sont donc pas absorbants. Localement leur effet est donc de réfléchir la lumièrelumière du soleilsoleil (effet direct) et d'augmenter l'albédoalbédo des nuagesnuages (effet indirect).
La circulation de l'atmosphère et de l'océan tend à homogénéiser la réponse du système climatique mais très incomplètement, en conséquence les projections font apparaître d'importantes disparités dans les réponses régionales. On sait qu'en Europe et en Amérique du Nord les politiques de lutte contre la pollution, en particulier contre les pluies acidesacides, ont fortement impacté les émissions de SO2 et donc d'aérosols. Les auteurs envisagent le cas où de telles politiques seraient plus ou moins rapidement mises en place ailleurs et principalement en Chine et en Inde. Actuellement ces politiques antipollution sont presque inexistantes (voir figure 3) mais les conséquences sur les populations locales sont importantes et ces pays, à leur tour, prendront des mesures pour limiter les émissions les plus toxiques sur l'environnement et la population.
Si l'on réduit les émissions, alors cela diminue les quantités d'aérosols émis et puisque ceux-ci ont une durée de vie courte l'effet de cette réduction sur le forçage est immédiat. En conséquence Shindell trouve que si les mesures de lutte contre la pollution ne sont prises que tardivement le recours massif au charbon entraîne d'abord une limitation du réchauffement globalréchauffement global et même un refroidissement au voisinage des régions sources, ensuite les GESGES s'accumulant alors que les aérosols varient au rythme des émissions, leur influence l'emporte de toute manière. Si les mesures de la pollution sont prises très rapidement l'effet retardateur des aérosols est évidemment moindre et la tendance au réchauffement s'affirme plus rapidement partout.
Quantitativement les projections sont sans doute discutables ne serait-ce que parce que les scénarios d'émission le sont eux-mêmes mais, qualitativement, elles sont très logiques et on peut s'attendre à une évolution des températures très différente suivant les régions considérées.
L'évolution du climat du XXe siècle
Un autre résultat très intéressant de ce travail concerne l'évolution du climat du XXe siècle. Shindell et Faluvegi, montrent en effet que si l'on tient compte précisément des types de combustibles utilisés (préférentiellement le charbon au XIXe et au début du XXe siècle) et des politiques de lutte contre la pollution, on explique fort bien l'allure générale de l'évolution de la température au XXe siècle et en particulier le plateau des années 1940 - 1970 suivi par la forte remontée des années 1990. Cela fait longtemps qu'on soupçonne les aérosols mais c'est la première fois que cela est montré quantitativement à partir de l'inventaire des émissions. Une des conséquences de ce travail c'est aussi que le relatif ralentissement du réchauffement récent a probablement déjà une part de son explication dans l'industrialisation rapide de la Chine et de l'Inde et le recours massif au charbon.
La question du forçage des aérosols est loin d'être résolue et il n'est pas question ici de considérer que les émissions d'aérosols anthropiques sont LA raison seule et unique de ce plateau. Il est fort possible et même sans doute probable que les causes en soient multiples. La question n'est pas là. Ce que ce travail illustre ainsi, c'est l'importance considérable des émissions d'aérosols et de leurs précurseurs.