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    Les études climatologiques sur la vapeur d'eau

    Les études climatologiques sur la vapeur d'eau

    La température globale a augmenté d'environ 0,8 °C depuis un siècle. Détecte-t-on une augmentation correspondante de la concentration en vapeur d'eau ? Comment peut-on mesurer cette concentration ?

    L'une des méthodes employées pour mesurer la concentration de vapeur d'eau a été d'utiliser le satellite météorologique polaire Aqua. © Nasa

    L'une des méthodes employées pour mesurer la concentration de vapeur d'eau a été d'utiliser le satellite météorologique polaire Aqua. © Nasa

    Dans la basse troposphèretroposphère, l'accord est assez général : malgré l'augmentation de température, l'HR (humidité relative) varie très peu ce qui implique bien une augmentation de l'humidité absolue. De même les mesures satellitaires de la quantité totale de vapeur d'eau (la colonne d'eau) confortent assez bien ce résultat (Trenberth, 2005, Santer et. al., 2007) avec une augmentation d'environ 1,2 % par décennie mais en révélant de fortes disparités régionales.

    Vapeur d'eau : les mesures satellitaires

    L'effet de serreeffet de serre est d'autant plus important que le contrastecontraste entre la température d'émission et celle de la surface est grande [1]. La région clé est donc la haute troposphère des régions tropicales. Le problème est rendu difficile par le fait que les mesures de vapeur d'eau y sont notoirement imprécises. Non seulement, les radiosondages y sont rares mais les mesures elles mêmes sont rendues extrêmement difficiles par les très basses températures qui y règnent. C'est ainsi qu'à partir des réanalyses couvrant la période 1973-2007, Paltridge et. al. ont cru déceler une diminution de l'humidité absolue dans la troposphère libre alors que d'autres analyses des radiosondages conduisent à des résultats opposés (Mc Carthy et. al., 2009).

    Les mesures satellitaires n'ont pas ce problème et elles ont l'avantage d'une couverture spatiale homogène. Les sondeurs de température sont des instruments qui mesurent la dépendance spectrale de l'intensité du rayonnement émis dans l'infrarouge thermique. Celle-ci dépend de la température et de la quantité d'absorbant. Le sondeur Hirs a servi pendant plus de vingt ans sur les satellites météorologiques polaires de la NOAA. En combinant les signaux de deux des canaux de cet instrument, l'un sensible à la vapeur d'eau, l'autre non, on peut déduire une information concernant la vapeur d'eau et son évolution. D'après Soden et. al, (2005) qui appellent cela « la signature radiative de l'humidification de la haute troposphère », il y a bien augmentation de l'humidité absolue. Il faut quand même noter que pour obtenir cette tendance, il a été nécessaire d'utiliser les données de plusieurs instruments et que cela a donc nécessité des intercalibrations qui augmentent l'incertitude expérimentale.

    Mesure de la vapeur d'eau : les différentes approches 

    On peut également chercher directement la signature de la rétroactionrétroaction. Pour cela, on tire avantage d'un événement quelconque susceptible d'influencer la température globale et l'on cherche la réponse de la vapeur d'eau atmosphérique. L'éruption du Pinatubo en 1991 a provoqué un refroidissement d'environ 0,2 K un an après l'éruption. Forster et Collins en ont déduit une estimation de la rétroaction de la vapeur d'eau comprise entre 0,9 et 2,5 W/m2/K (équivalent à une diminution du flux IR sortant).

    Figure 3. Moyenne de la différence entre les mois décembre, janvier et février de 2007 (DJF07) moins DJF08 pour (a) la quantité de vapeur d’eau (rapport de mélange) en % (q07 –q08)/q07), (b) l’humidité relative (en %, une diminution de 22 % à 20 % est marquée -2) et (c) la température en K. Les régions positives sont en rouge, les négatives en bleu. © D’après A. E. Dessler, Z. Zhang and P. Yang, J Geophys. Res. VOL. 35, L20704, doi :10.1029/2008GL035333, 2008

    Figure 3. Moyenne de la différence entre les mois décembre, janvier et février de 2007 (DJF07) moins DJF08 pour (a) la quantité de vapeur d’eau (rapport de mélange) en % (q07 –q08)/q07), (b) l’humidité relative (en %, une diminution de 22 % à 20 % est marquée -2) et (c) la température en K. Les régions positives sont en rouge, les négatives en bleu. © D’après A. E. Dessler, Z. Zhang and P. Yang, J Geophys. Res. VOL. 35, L20704, doi :10.1029/2008GL035333, 2008

    Dessler et. al. ont utilisé les mesures de l'instrument AIRS sur le satellite météorologiquesatellite météorologique polaire AquaAqua. Il s'agit d'un interféromètre dont la haute résolutionrésolution spectrale permet d'obtenir une résolution verticale très améliorée et permet également la mesure du profil vertical de vapeur d'eau. Cet instrument n'est opérationnel que depuis 2002 mais cette période a été marquée par d'importants événements El NiñoEl Niño en 2003 et La NiñaLa Niña en 2008. Ils provoquent des tendances inverses sur la température globale. Entre ces deux années, la différence atteint jusqu'à 0,6 K. La comparaison des périodes décembre-janvier-février de ces deux années montre une augmentation de l'humidité absolue à l'exception des branches descendantes des cellules de Hadleycellules de Hadley, l'augmentation est particulièrement marquée dans la haute troposphère tropicale. L'HR, elle, diminue de 1 à 2 % dans la basse atmosphèreatmosphère. Leur estimation de la rétroaction vapeur d'eau est de 2W/m2 (entre 0,9 à 2,7 W/m2/K).

    Il y a une différence notable entre les deux approches : dans l'approche de Dessler, la cause de la variation de température est un déplacement des massesmasses d'eau dans le Pacifique équatorial, dans le cas du Pinatubo, c'est une diminution de l'énergieénergie solaire absorbée (à cause de la réflexion de la lumièrelumière sur les aérosolsaérosols stratosphériques). Puisque El Niño et La Niña se traduisent par une modification complète de l'activité convectiveactivité convective, il n'est pas étonnant que le transport moyen de vapeur d'eau soit affecté. Or un réchauffement ou un refroidissement généralisé suite à un forçage radiatifforçage radiatif ne se traduit pas nécessairement par une redistribution similaire de l'activité convective. Il y a donc une erreur méthodologique dans l'approche de Dessler : ce qu'ils ont montré concerne strictement El Niño et La Niña, ce n'est pas une mesure de rétroaction. En revanche, dans le cas du Pinatubo, il est bien question de rétroaction.

    [1] On mesure l'effet de serre par la différence entre le flux de rayonnement émis par la surface et celui qui sort en haut de l'atmosphère.