Les îles de l'archipel de Mingan constituent une réserve naturelle. « Encore ? » me direz-vous. Eh bien oui, et celle-ci est tout à fait étonnante avec ces sculptures de pierre dues à l'érosion. Ce qui nous vaudra un petit aperçu géologique bien sûr, mais pas seulement, puisque ces îles ont aussi une flore toute particulière.

Monolithes à Mingan. Le parc compte une quarantaine d'îles et îlots calcaires et près de 1.000 îlots granitiques. © Michel Villeneuve, cc by 2.0

Monolithes à Mingan. Le parc compte une quarantaine d'îles et îlots calcaires et près de 1.000 îlots granitiques. © Michel Villeneuve, cc by 2.0

Nous avons continué notre périple au Canada par Sept-Îles, où se trouve un centre d'interprétation de la culture montagnaise. Puis nous passons la rivière Manitou, et nous arrivons à Mingan, où nous avons loué pour quelques jours un petit bungalow, histoire de soigner mes piqûres de mouches noires qui commençaient à s'infecter. Elles se trouvaient, en effet, tout autour de la cheville à hauteur des souliers de montagne, et j'avais de plus en plus de peine à marcher, le frottement devenant insupportable sur une cheville qui avait doublé de volume !

Piqûres de mouches noires, qui peuvent devenir invalidantes si la zone piquée augmente de volume. © Christian Koenig

Piqûres de mouches noires, qui peuvent devenir invalidantes si la zone piquée augmente de volume. © Christian Koenig

De notre petit bungalow bien situé, on pouvait voir les phoques et les baleines se promener dans la passe, on pouvait admirer les aigles pêcheurs de tout près, ou nos voisins faire du pédalo. Quelques jours de repos bienvenus.

Cette fois, c'est le nord, pour de vrai : taïga, bouleaux blancs, lichen de caribou, épinettes noires un peu rabougries, quelques mélèzes et un ou deux petits cerisiers dans les coins abrités.

Lande à cailloutis et estran sur l'île Quarry, parc national de l’Archipel-de-Mingan, au Québec. © Cephas, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

Lande à cailloutis et estran sur l'île Quarry, parc national de l’Archipel-de-Mingan, au Québec. © Cephas, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

Réserve du parc national de l'Archipel-de-Mingan

Au-delà du 50e parallèle, près de la côte nord du Saint-Laurent, se trouvent une trentaine d'îles calcaires ainsi que plus de 1.000 îles et îlots granitiques disposés en chapelet. On nomme « archipel de Mingan » ce territoire devenu réserve de parc national en 1984. Dans ce joyau, on découvre de spectaculaires monuments naturels, travail de la mer et du temps. Ici, la vie abonde : des plantes, dont certaines sont très rares, des oiseaux marins en colonie, des phoques, des dauphins et des baleines. L'archipel de Mingan : un trésor à découvrir, des richesses à préserver...

Petite Île au Marteau

Malgré sa superficie de 110 km2, la réserve de la Petite Île au Marteau montre une très grande diversité d'habitats : tourbières, marais salés, forêts boréales, lande, et littoral expliquent la grande quantité d'espèces végétales différentes qui y ont trouvé refuge :

En comparaison, malgré son territoire de 225.000 km2, la Côte-Nord ne compte que 380 espèces de plantes vasculaires. De plus, la flore y est hautement résistante et spécialisée. En tout, 103 espèces de plantes vasculaires se sont vu accorder le statut de plantes « rares ».

La lande, par exemple, abrite 30 espèces de plantes vasculaires des domaines arctique et alpin, dont quelques orchidées, cypripèdes (Cypripedium), le calypso bulbeux (Calypso bulbosa var. americana), le céraiste alpine (Cerastium alpinum), la dryade à feuilles entières (Dryas integrifolia) et la primevère laurentienne (Primula laurentiana).

<em>Primula laurentiana</em>, aussi appelée primevère laurentienne. © DP

Primula laurentiana, aussi appelée primevère laurentienne. © DP

Nous y avons fait une excursion botanique passionnante, accompagnée naturellement, et voici quelques plantes observées en juillet :

  • le thé du Labrador (Rhododendron groenlandicum, anciennement Ledum groenlandicum), sous-arbrisseau de la famille des éricacées ;
Du thé du Labrador (<em>Ledem groenlandicum</em>), photographié en Belgique. © Wouter Hagens, GNU 1.2

Du thé du Labrador (Ledem groenlandicum), photographié en Belgique. © Wouter Hagens, GNU 1.2
  • l'Airelle vigne du mont Ida, avec des fruits rouges brillants, à ne pas confondre avec l'arctostaphyle ou raisin d'ours, dont les baies sont rouges, claires et mates ;
  • le zigadène glauque, toxique mais très beau (Zigadenus elegans ssp. glaucus) ;
<em>Zigadenus elegans</em>, ou zigadène glauque. © Scott, cc by sa 2.0

Zigadenus elegans, ou zigadène glauque. © Scott, cc by sa 2.0
  • le genévrier rampant ;
  • le groseillier à maquereaux, à ras le sel de la mer, je ne les savais pas si résistants ;
  • la mertensie maritime ;
  • la gesse maritime ;
  • le caquillier édentulé (Cakile edentula), une brassicacée ;
  • la camarine noire (Empetrum nigrum), sous-arbrisseau persistant, de la famille des empétracées.
<em>Empetrum nigrum</em>, aussi appelée camarine noire. © Opioła Jerzy, GNU 1.2

Empetrum nigrum, aussi appelée camarine noire. © Opioła Jerzy, GNU 1.2

Les travaux des frères Marie-Victorin et Rolland-Germain, deux moines qui ont herborisé ici dans les années 1920, ont contribué à faire connaître les îles et leur flore si particulière regroupée dans un livre : Flore de l'Anticosti-Minganie. Ils ont, entre autres, découvert le chardon de Mingan (Cirsium minganense), l'une des espèces endémiques les plus remarquables du golfe du Saint-Laurent.

Géologie des îles

Le bouclier canadien de la Côte-Nord a traversé le temps grâce à sa roche très dure. D'importantes rivières sillonnaient et érodaient déjà le bouclier en transportant des particules jusqu'à la mer. Ces sédiments, combinés aux restes d'organismes marins, formèrent, au fond de l'eau, ce qui allait devenir des strates de calcaire. Ce calcaire gris, âgé de plus de 450 millions d'années, contient pas mal de fossiles, surtout des gastéropodes, traces de son passé maritime.

Monolithes sur l'île Quarry. © Cephas, cc by sa 3.0

Monolithes sur l'île Quarry. © Cephas, cc by sa 3.0

Pendant la dernière grande glaciation, il y a 20.000 ans, l'archipel de Mingan est recouvert de 2,5 kilomètres de glace. Il en résulte un affaissement sous le poids de cette glace. Puis le réchauffement s'installe, avec deux conséquences : l'augmentation du niveau des océans et le relèvement lent et progressif du continent. En effet, il y a 10.000 ans, environ 85 m d'eau recouvraient l'archipel. Après 2.800 ans de remontée, les îles émergent, et le lent processus d'érosion commence. Les îles continuent de monter, le continent se redresse, l'œuvre se poursuit encore maintenant. Ces blocs de roche friable subissent toujours l'attaque des agents d'érosion qui sculptent les monolithes.

Chaque île a sa falaise au nord et son platier au sud, parce que ces îles ont été basculées. On voit bien ces structures sur l'île Quarry et sur Niapiskau.