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L'amadouvier et la médecine
Outre son rôle dans la production du feu, l'amadouvier est utilisé depuis longtemps en médecine. Il est évoqué pour la première fois par HippocrateHippocrate au Vème siècle avant Jésus-Christ. Celui-ci propose de placer des morceaux d'amadou incandescentsincandescents sur la peau du patient près de l'organe ou de la partie du corps à soigner. Au VIIème siècle, le médecin byzantin Paul d'Égine évoque, dans un ouvrage intitulé L'Épitomê, son utilisation pour "cautériser la région de l'estomacestomac". Cette pratique, nommée moxibustion, consiste à brûler le patient sur des points précis à l'aide de petits cylindres de matière combustible qui se consument lentement sur la peau, de manière à y déterminer une escarre.
Au XIXème siècle, l'amadou fut employé sous forme de bande ou de compresse pour conserver la chaleur, en particulier pour les personnes atteintes de douleursdouleurs rhumatismales. On utilisait également des plaques d'amadou pour prévenir les ulcérations de certaines parties du corps dans le cas d'immobilisations de longue durée. Certains médecins ont même proposé son applicationapplication pour soigner des brûlures. Cependant, c'est en tant qu'hémostatique que l'amadouvier fut le plus utilisé. Ainsi, en 1750, Sylvain Brossard, chirurgien à La Châtre-en-Berry, propose un nouveau moyen permettant d'arrêter les hémorragies des artèresartères. Ce pansement était réalisé à partir d'une "excroissance fongueuse" qui n'était autre que la chair de l'amadouvier : l'amadou. C'est Sauveur-François Morand (1697-1773), chirurgien en chef des Invalides, qui fut le rapporteur de la commission chargée de vérifier l'efficacité de cette découverte. Il décrivit dans un mémoire consacré aux "moyens d'arrêter le sang des artères sans le secours de la ligature" comment l'utilisation de l'amadou permit de réussir plusieurs amputationsamputations et "opérations de l'anévrismeanévrisme". Brossard fut même récompensé en mai 1751 par Louis XV. Dans le cadre de cette utilisation, l'amadouvier était nommé "agaric des chirurgiens" ou plus simplement "agaric".
Pansement en amadou conservé au Musée de la Pharmacie de Montpellier (cliché : B. Roussel).
Les médecins du début du XIXème siècle sont partagés quant à la réelle efficacité de l'amadou et ses détracteurs finissent rapidement par l'emporter. Bien que toujours présent dans les officines, son emploi se limite alors au traitement des hémorragies légères.
Amadou dans le Catalogue Pharmaceutique de la Pharmacie centrale de France pour l'année 1877 conservé au Musée de la Pharmacie de Montpellier (cliché : B. Roussel).
Pharmacie portative de 1863 contenant un pansement en amadou conservée au Musée de la Pharmacie de Montpellier - (cliché : B. Roussel).
De nombreux traités de pharmacie et de médecine de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle évoquent l'utilisation hémostatique de l'amadou. L'amadouvier est signalé dans toutes les éditions du Codex des Pharmacies de 1818 à 1908, il faut attendre 1937 pour qu'il en disparaisse définitivement
Bocal contenant de l'amadou conservé au droguier de la Faculté de Pharmacie de Montpellier (cliché : B. Roussel).
L'usage de l'amadou comme hémostatique est également présent dans la tradition populaire provençale ainsi que dans la pharmacopée traditionnelle hongroise. Dans les années 1950, des pansements en amadou étaient encore utilisés dans certaines parties de l'Allemagne pour les petites coupures.
On peut signaler d'autres usages médicaux de l'amadouvier. Il a été employé en Europe pour traiter les règles douloureuses et les problèmes urinaires et en Hongrie, pour lutter contre le mal de tête et la transpirationtranspiration excessive. L'amadouvier était également employé par fumigation contre les hémorroïdeshémorroïdes. Dans la médecine traditionnellemédecine traditionnelle indienne, il était connu pour ses propriétés diurétiquesdiurétiques, laxatives et toniques. En Chine, on l'utilisait pour le traitement des crises de foiefoie et de certains cancerscancers.
En Europe, les dentistes employaient de l'amadou comme absorbant pour assécher les dents. On l'utilisait également dans le traitement des cors au piedcors au pied. Cet usage est notamment signalé en Catalogne. Les pédicures ont parfois également employé de l'amadou pour lutter contre les ongles incarnésongles incarnés.