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L'agricultureagriculture mondiale a toujours été fortement handicapée par les « mauvaises » herbes, nommées « adventicesadventices » par les professionnels. En effet, toutes les plantes non désirées ne sont pas mauvaises, certaines sont même franchement utiles. Et d'ailleurs qui sommes-nous pour décréter qu'une plante est intrinsèquement mauvaise, et sur quels critères ? En fait, une mauvaise herbe est souvent une plante dont on n'a pas encore trouvé les vertus !
Contrôler les mauvaises herbes, et si possible les éradiquer, est l'obsession des paysans depuis des millénaires. Objectif difficile à atteindre car ce sont des plantes particulièrement résistantes, qui ont su s'accommoder aux maladies, sécheresses, canicules, inondations, gelsgels, attaques des animaux, etc., mais aussi se déplacer avec le ventvent, les animaux, les Hommes, les transports mécaniques. Et même s'adapter aux évolutions des espècesévolutions des espèces cultivées par « mimétismemimétisme vavilovien ».
En fait, ces plantes sauvages semblent mieux adaptées aux milieux que les plantes cultivées. De nombreuses stratégies ont donc été mises en place au cours des âges.
On a tenté de les brûler avec les chaumes après la moisson
Cette pratique ancestrale est maintenant interdite en Europe à cause de ses nombreux inconvénients : perte de carbone et d'azote utiles à la fertilité des sols, pollution, émission de particules finesparticules fines et de gaz à effet de serre, dangers d'incendies, etc. Notons cependant qu'elle continue à être utilisée ailleurs pour les céréalescéréales, et, fort malheureusement, de façon systémique et massive pour défricher les forêts dans nombre de pays tropicaux, à commencer par l’Amazonie et l'Afrique tropicale.
La méthode la plus utilisée a consisté à les enfouir via le labour
Enfouir les adventices est une méthode qui a largement fait ses preuves, à tel point que les agriculteurs ont longtemps été appelés « laboureurs ». Cette pratique a explosé avec l'apparition du tracteur et du pétrole bon marché après la Seconde Guerre mondiale.
En effet, si on se risque à semer dans un sol dans lequel poussent déjà des adventices viables, ces dernières entreront fortement en compétition avec la culture naissante. Il est quand même plus simple de les détruire avant, même si cela nécessite énormément de travail, humain, puis animal et maintenant mécanique. Au XVe siècle, on pratiquait couramment le labourlabour en France si l'on en juge par « Les Très riches heures du Duc de Berry ».
Aujourd'hui, il y a plus d'un million de tracteurs en France, avec des puissances qui se comptent le plus souvent en centaines de chevaux.
Mais cette activité pose de plus en plus de problèmes. Y compris pour l'élimination des adventices, car la majorité ne meurent pas en une année, et sont donc remontées à la surface, fraîches et disposes, par le labour de l'année suivante (agaçant, quand on a consommé 15 à 40 litres de fuelfuel par hectare pour remuer la terre et acheté un gros tracteur hors de prix).
De plus, ces labours de plus en plus profonds font remonter les cailloux, détruisent les vers de terre, les filaments des champignonschampignons et les bactériesbactéries. Ils tassent la terre, provoquent de l'érosion et de la battance (les gouttes de pluie forment une couche imperméable sur le sol) et diminuent la portance des sols (les engins s'enlisent dans les champs).
Ils exposent les reliquats d'engrais azotés aux vents de l'automneautomne et les transforment en pentoxyde d'azote, au pouvoir réchauffant de la planète 298 fois plus important que le gaz carboniquegaz carbonique. « Last but not least », les champs labourés n'utilisent l'énergieénergie solaire que six mois par an. Le reste du temps, pas de photosynthèse. On sait mieux maintenant à quel point le labour est néfaste pour la planète et on s'efforce de le limiter au maximum, voire de le supprimer.
L’apparition des herbicides chimiques a été vécue comme une bénédiction
On pouvait enfin empoisonner les adventices, à faible coût. La profession s'est massivement engouffrée dans cette voie. Surtout au début, lorsque ces végétaux n'avaient pas encore développé de résistancesrésistances, ce qui n'est plus le cas (bromebrome, raygrass, coquelicot, matricaire, folle-avoineavoine, chénopode, etc. posent de plus en plus de problèmes).
Il faut bien se rendre compte que la notion de 100 % n'existe pas en biologie : lorsqu'on épand un herbicide, on est content quand on a éliminé 98 % des adventices. Mais les 2 % restants ont réussi à survivre et ont toute la place pour se reproduire. Au bout de plusieurs générations, on a contribué à sélectionner soigneusement des variétés résistantes à l'herbicide, et, en général, il faut alors changer de moléculemolécule ou de méthode.
Notons que, contrairement à une opinion largement répandue dans la population, il n'y a pas que les agriculteurs conventionnels qui utilisent des produits chimiques. Les agriculteurs en bio utilisent certes beaucoup moins d'herbicides (car ils n'ont droit qu'à 10 des produits naturels réputés biodégradablesbiodégradables), mais ils usent, et parfois abusent, de produits fongicidesfongicides et insecticidesinsecticides. En fait, le glyphosateglyphosate n'est que le deuxième produit chimique le plus employé en France en 2022 avec ses 6 000 tonnes. Il est largement dépassé par le soufresoufre, qui a été utilisé, en particulier par les bios, à plus de 11 000 tonnes (plus les 500 tonnes de sulfate de cuivrecuivre, un produit qui n'a strictement rien de naturel). On peut également mentionner deux insecticides très prisés par les bios : l'huile de vaseline (2 300 tonnes) et l'huile de colza (1 700 tonnes).
L'arrivée du glyphosate en France à la fin des années 1970 a donc été accueillie avec un véritable soulagement : comme il est total, foliaire et systémique et qu'il se dégrade relativement rapidement dans les sols (pas en milieu aquatique), il rend possible un semis dans les heures ou les jours suivant son applicationapplication.
Il a permis de remplacer beaucoup de produits plus dangereux, moins efficaces et nettement plus onéreux, dont la plupart ont été interdits depuis. On a même été jusqu'à créer des OGM spécialement adaptés pour y résister, et qui permettent donc son épandageépandage pendant la culture, et non pas seulement avant la culture. En particulier le célèbre sojasoja « Roundup ready », qui représente actuellement 84 % de la récolte mondiale.
L'utilisation de glyphosate a été une des raisons majeures de l'augmentation considérable de la productivité qui a été observée en France entre les années 1960 et les années 1990, avec un triplement des rendements de bléblé (qui sont passés de 25 à 75 quintaux à l'hectare).
Le choix difficile entre labour et glyphosate
Notons que le glyphosate reste parfois indispensable chez les agriculteurs qui ont décidé d'arrêter le labour, ceux de l'agriculture dite de « conservation des sols », qui cultivent leurs sols 365 jours par an, améliorant ainsi considérablement leur captation du carbone atmosphérique ainsi que la fertilité et la biodiversitébiodiversité naturelles des terres ainsi cultivées. Parfois, malgré leurs efforts, ils se font déborder par les adventices, et ont alors besoin d'un désherbage chimique.
Si les détracteurs du glyphosate argumentent qu'il détruit la faunefaune du sol, ce n'est rien à côté du labour. On se rend peu à peu compte que c'est le labour, et non pas les produits chimiques, qui constitue la principale atteinte de l'Homme à la nature. Il détruit beaucoup plus de vers de terre, collemboles, tardigradestardigrades, nématodesnématodes ou autres diptères que les désherbantsdésherbants ! Il tasse les sols, empêche l'eau de pluie d'y pénétrer et provoque du coup des inondationsinondations. Et en plus, il réchauffe indirectement la planète ! Voir en particulier l’article sur les relations entre labour et réchauffement climatique.
Le soutien au non-labour est d'ailleurs une des raisons explicitement avancées par le ministère de l'Agriculture pour repousser la date d'interdiction du glyphosate. Les autres étant qu'on ne peut pas prendre de mesures plus contraignantes dans un seul pays d'Europe sous peine de forte distorsion de concurrence. Sans compter l'absence de solutions dans un certain nombre de productions et la difficulté de mettre en œuvre des interdictions partielles.
Un cruel dilemme
On est là devant un cruel dilemme, vaut-il mieux réchauffer la planète, réduire la biodiversité et la fertilité des sols, subir inondations puis sécheressessécheresses, et en fin de compte être obligé d'épandre beaucoup d'engrais en labourant, ou bien refroidir la planète, soutenir la biodiversité, cultiver ses propres engrais, gérer au mieux l’eau de pluie, mais risquer de polluer parfois les sols et les nappes phréatiquesnappes phréatiques en utilisant des herbicides chimiques ?
Mais peu à peu, les défenseurs de l'environnement et de la santé sont progressivement devenus nombreux, motivés et... bruyants, et ils ont préféré choisir de se battre sur le terrain de la chimiechimie que celui du labour. Il faut reconnaître qu'ils sont maintenant proches de gagner leur combat, malgré la récente décision européenne.