au sommaire
Les grands singes s'aventurent peu dans des eaux profondes, là où ils n'ont pas pied, par peur de ne pas repérer d'éventuels prédateurs. Cependant, cette constatation ne signifie pas pour autant qu'ils ne savent pas nager, même s'ils ont adopté depuis des millénaires un mode de vie arboricole. D'ailleurs, des observations de primates se jetant littéralement à l'eau ont déjà été rapportées, mais il est vrai qu'elles restent anecdotiques.
Dorénavant, nous en savons un peu plus sur la nage chez les grands singes, grâce à l'étude que viennent de publier, dans l'American Journal of Physical Anthropology, Renato et Nicole Bender de l'université de Witwatersrand (Afrique du Sud). Il faut avouer qu'ils ont été aidés par Cooper et Suryia, un chimpanzé et un orang-outan qui adorent se mouiller, faire des mouvementsmouvements de natation et, de temps à autre, mettre la tête sous l'eau.
Durant les expériences, les deux primates ont été observés et filmés séparément tandis qu'ils évoluaient en piscine sur des distances de deux à six mètres. Séparément... car Cooper vit dans le Missouri (États-Unis) et Suryia en Caroline du Sud (États-Unis). Instinctivement, les deux singes ont adopté un mode de nage que nous connaissons bien : la brasse, ou du moins l'un de ses dérivés !
Les chimpanzés seraient nos plus proches cousins hominidés. Nous partageons en effet 98,7 % de notre ADN et de nombreux comportements comme le rire, la médiation sociale, la crise de milieu de vie et le mode de nage (la brasse). © AfrikaForce, Flickr, cc by 2.0
La nage des grands singes, une conséquence de leur mode de vie
Cooper et Suryia se sont déplacés dans l'eau en exécutant des mouvements latéraux parallèles à la surface, avec leurs quatre membres, comme lorsque nous pratiquons la brasse. Cependant, le chimpanzé a utilisé ses appendices locomoteurs postérieurs simultanément durant ses déplacements (les bras se déplaçant pour leur part en alternance), tandis que l'orang-outan a réalisé des mouvements de nage alternés (côté gauche, puis côté droit). Quoi qu'il en soit, les deux primates ont clairement montré leur aptitude à lutter contre la flottabilitéflottabilité négative de leur corps... puisqu'ils ne se sont pas noyés.
Une autre différence est rapidement apparue aux yeuxyeux des chercheurs : Suryia est bien plus à l'aise sous la surface de l'eau que Cooper. La preuve, l'orang-outan a ouvert les yeux durant ses apnées et s'est déplacé à l'aide de repères visuels. Le chimpanzé s'est quant à lui immergé les yeux fermés, et a évolué à tâtons, en utilisant ses mains pour percevoir son environnement.
Pourtant, les autres primates nagent en réalisant des mouvements verticaux avec leurs membres, donc sous leur corps, comme un grand nombre de mammifères quadrupèdes. Comment alors expliquer la « brasse » des grands singes, surtout en sachant que ces animaux ont évolué en ayant peu de contacts avec les milieux aquatiques ? Selon la théorie avancée, ce détail a justement son importance. En adoptant un mode de vie arboricolearboricole, ils ont en partie perdu leurs réflexes instinctifs (nager comme un chien), tout en développant une grande mobilité au niveau des épaules, ce qui les a autorisés à faire des mouvements latéraux. Nous avons maintenant une preuve indéniable que les grands singes savent nager !