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Parmi les aptitudes humaines universelles, on compte le langage articulé et la musique. On pense d'ailleurs que l'émergence de ces deux pratiques est plus ou moins liée. Elles partagent souvent la particularité d'une harmonie entre les sons, ce qui donne au langage sa musicalité. La langue turque constitue un bon exemple.
En effet, pour conjuguer des verbes ou mettre des noms au pluriel, on leur ajoute des suffixes. Mais ceux-ci doivent prendre en compte le son de la voyelle qui précède. Il en existe des dures et des douces, et la règle stipule qu'une douce ne peut être suivie d'une dure, et inversement. La relation qui unit ces sons, appelée dépendance, nous est donc perceptible puisque nous prenons soin de produire quelque chose d'harmonieux. Mais depuis quand disposons-nous de cette capacité ?
Andrea Ravignani, accompagné de collaborateurs de l'université de Vienne (Autriche), a voulu remonter un peu dans le temps en s'intéressant aux prédispositionsprédispositions des singes-écureuilssinges-écureuils (Saimiri sciureusSaimiri sciureus) à ces dépendances acoustiques. Et ces petits primates américains, qui ont divergé de la lignée humaine il y a 36 millions d'années, se révèlent sensibles à la musicalité du langage, comme on peut le lire dans Biology Letters.
Les singes-écureuils (Saimiri sciureus) sont de petits primates d'Amérique centrale et du Sud sensibles à la musicalité du langage. © M. Böckle, université de Vienne
La musicalité intrinsèque aux singes
Pour le bien de cette expérience, les scientifiques ont créé des sons dans le registre acoustique de ces singes, en se basant sur les fréquences audibles et en imitant les cris avec lesquels ils communiquent. Mais ils ont structuré les phrasés d'une façon bien précise, qui ressemble un peu au langage humain. Dans un premier temps, les cobayes ont été soumis à ces sons, qui se présentaient par l'émissionémission d'une basse fréquence (B), entrecoupée d'une ou plusieurs sonorités de hautes fréquences (H), avant qu'une nouvelle basse fréquence ne ponctue la phrase. Les singes entendaient donc des séquences sous ces formes là : BHB, BHHB, BHHHB.
Après une certaine habituation, les chercheurs sont passés à la deuxième phase du test. Cette fois, ils diffusaient aléatoirement l'une des séquences précédentes, et alternaient avec des séquences nouvelles, de type HB, HHB ou BHHH. C'est uniquement dans ces cas de figure que les singes ont manifesté un certain étonnement. En effet, la théorie de la violation des attentes prédit qu'on manifeste plus d'intérêt à quelque chose de nouveau ou d'étrange. De la même façon qu'un collègue qui viendrait au travail en pyjama nous laisserait pantois. En se montrant plus intrigués par ces nouvelles sonorités, et en généralisant même cette capacité par d'autres tests, nos cousins simiens prouvent donc qu'ils sont sensibles à l'harmonie entre les sons, et donc à la musicalité d'un langage oral.
Si des études semblables avaient auparavant été réalisées, celle-ci présente la particularité de faire appel à des sonorités adaptées à la biologie des singes, tandis qu'habituellement, on leur faisait écouter des sons humains, qui ne correspondent pas forcément à leur champ acoustique. Par cette recherche, les auteurs sous-entendent donc que l'un des prérequis pour notre langage et notre musique est en nos ancêtres primates depuis plus de 35 millions d'années. Il en a fallu du temps avant qu'ils ne prennent leur forme actuelle...