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Un requin-marteau naît sans père : une première !
La naissance remonte à 2001. Dans l'un des grands aquariums du zoo Henry Doorly (Omaha, Nebraska), la naissance d'un requin-marteau Sphyrna tiburo a jeté un émoi qui s'est répandu jusque dans la communauté scientifique car, dans ce bassin, ne se trouvaient que trois femelles.
Une explication simple était envisageable : les requins femelles disposent d'une spermathèque où elles peuvent stocker les spermatozoïdesspermatozoïdes d'un mâle, qui serviront plus tard. Mais ces femelles n'avaient rencontré de mâle de leur espèce que trois ans auparavant, dans un autre aquarium. Or, la duréedurée de conservation maximum des spermatozoïdes n'excède pas cinq mois chez Sphyrna tiburo, selon les observations.
Entre-temps, ces femelles ont croisé des mâles, mais d'une autre espèce. Toutefois, ce genre de fécondationsfécondations entre espèces, exceptionnels chez les requins, laissent des traces sur la femelle, dont étaient exemptes les trois candidates mères.
Il ne restait alors qu'une explication : la parthénogenèse. Ce mode de reproduction asexuée, qui permet à une femelle seule de générer sa descendance, se rencontre chez de nombreuses espèces animales. Beaucoup d'insectes le pratiquent avec régularité (abeilles, fourmis...) et certaines espèces de vertébrés (des poissonspoissons, des amphibiensamphibiens, des reptilesreptiles et des oiseaux) s'en servent aussi à l'occasion. Mais jamais, de mémoire de biologiste, on n'avait observé de parthénogenèse chez les requins, tout comme chez les mammifèresmammifères, d'ailleurs.
Chez le requin-marteau tiburo, ou petit requin-marteau (il mesure environ un mètre à l’âge adulte), les femelles savent à l’occasion se passer de mâles. L’une d’elles, lasse d’être laissée sans compagnon dans son aquarium, l’a brillamment démontré. Crédit : Omaha’s Henry Doorly
Naissance sous XX
Pour en avoir le cœur net, il fallait analyser l'ADNADN du petit requin-marteau, ce qui est rapidement devenu possible car le malheureux petit sélacien a été tué très jeune par un autre poisson de l'aquarium. Une équipe américano-britannique s'est attelée à la tâche et vient de rendre ses conclusions dans la publication scientifique Biology Letters.
Le résultat semble sans appel : l'une des femelles du bassin est bien la mère du bébé inattendu. Il n'y a aucune trace de chromosomechromosome paternel et, précision à destination de nos lecteurs biologistes, il s'agit d'une parthénogenèse de type automictique (qui comprend une méioseméiose).
Hasard du calendrier, le même genre de parthénogenèse vient d'être repéré chez le dragon de Komodo, un grand varan d'Indonésie. Ces exceptions soulèvent beaucoup de questions sur l'intérêt évolutif de ce procédé, qui permettrait au moins aux femelles assurer la reproduction sans mâles quand elles ne parviennent pas à en trouver.
Pourquoi aucun cas n'est connu chez les mammifères ? Chez les poissons cartilagineux (autrement dit les chondrichtyenschondrichtyens, c'est-à-dire les requins, les raies et les chimèreschimères), ce mode de reproduction n'est-il apparu que chez les placentaires, comme Sphyrna tiburo ? La parthénogenèse est toujours difficile à observer quand elle est ainsi occasionnelle et il faudra encore d'autres surprises, venant sans doute d'animaux en captivité, pour augmenter notre connaissance du sujet.