au sommaire
Miroir, est-ce bien moi ? © Shirin K. A. Winiger / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)
Il n'y a pas si longtemps que les scientifiques s'amusent à mettre toutes sortes d'animaux devant des miroirsmiroirs pour voir ce qu'ils en font. Il reste encore beaucoup d'espèces à soumettre à ce test et il semble que personne ne l'avait encore fait subir aux cochons. C'est maintenant chose faite grâce à trois chercheurs britanniques de l'Université de Cambridge. Spécialisés en éthologie, la science du comportement animal, Donald Broom, Hilana Senaa et Kiera Moynihanest travaillent au Centre for Animal Welfare and Anthrozoology, ce que l'on pourrait traduire par Centre du bien-être animal et d'anthrozoologie. Peu usité, ce dernier terme désigne l'étude des relations entre l'homme et l'animal.
Deux par deux, huit individus de l'espèce Sus scrofaSus scrofa sont restés cinq heures dans un enclos où se trouvait un miroir. Les premières réactions n'étaient pas encourageantes. Les porcs se sont énervés contre leurs images, qu'ils prenaient pour des congénères malpolis, et ont cassé plusieurs miroirs à force de les charger brutalement. Mais un zoologistezoologiste sait être patient et, manifestement, un cochon sait changer d'avis.
Au bout de quelques heures, les porcs ont compris et n'interprétaient plus les images comme d'autres individus de chair et d'os. Pour en savoir plus, Broom et son équipe ont installé un bol empli d'une nourriture appétissante visible dans le miroir mais caché derrière une barrière. Parce que les cochons ont un excellent odoratodorat, les chercheurs ont installé un ventilateur qui brouillait les effluves. Sept porcs sur huit ont résolu le problème en une moyenne de 23 secondes, filant droit vers le bol réel. Le huitième, lui, est allé voir derrière le miroir.
Une liste d'animaux qui s'allonge
L'équipe a vérifié que les animaux n'avaient pas de préférences particulières pour l'emplacement où se trouvait le bol (ils auraient alors en effet pu y venir pour d'autres raisons) et qu'ils réussissaient le même test quand le bol était placé ailleurs dans l'enclos.
Selon les chercheurs, ce comportement implique que les animaux reconnaissent leur image comme étant bien la leur. Ils doivent interpréter correctement les mouvementsmouvements qu'ils ont vus dans le miroir. Bref, expliquent-ils, ce test démontre « un certain degré de conscience de soi ».
L'équipe a poursuivi l'expérience par ce test, classique lui aussi, consistant à marquer les cochons d'une tache sur le corps. S'il interpète correctement son image dans le miroir, l'animal tentera de retirer cette marque par ce qu'on appelle un comportement auto-dirigé (dirigé sur soi). Dans l'expérience rapportée dans la revue Animal Behavior, les porcs ne se souciaient guère de cette imperfection de leur pelage. Les chercheurs ne concluent pas, se contentant de supposer que, peut-être, les cochons ont l'habitude de voir des marques sur les corps de tous leurs congénères.
Selon eux, le test est réussi et le cochon doit rejoindre la liste des animaux capables de se reconnaître dans un miroir. On y trouve un certain nombre de primates, l'éléphant, le dauphin, l'orque, le Gris du Gabon (un perroquet) et la pie. Chez l'homme, cette prouesse correspond à ce que l'on appelle le stade du miroir, qui survient vers 18 mois.
Donald Broom, qui n'oublie pas le nom du laboratoire dans lequel il travaille, explique que la connaissance de ce genre de comportement sera utile pour améliorer les conditions de vie des animaux d'élevage.