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La nature est bien faite mais elle présente parfois quelques bizarreries. À l'exemple d'une nouvelle espèce animale découverte dans les eaux vietnamiennes, dans l'un des canaux connectés au fleuve du Mékong. Il s'agit d'un simple petit poisson d'eau douce d'environ 2 cm de long qui vit à proximité de la surface, au sein de débris végétaux dérivant au gré des courants. Selon Koichi Shibukawa de la Nagao Natural Environment Foundation (NEF) à Tokyo, qui vient de le décrire dans la revue Zootaxa, ce poisson appartiendrait à une famille caractérisée par un comportement reproducteur pour le moins particulier.
Les phallostethidés sont en effet capables de procréer sans même aligner leurs corps côte à côte. Des femelles ont déjà été capturées avec leur voie génitale, les oviductes, pleine de laitancelaitance alors que seule la tête des mâles était entrée en contact avec elles, tandis que leurs corps étaient positionnés selon un angle de 45°. Comment l'expliquer ? C'est simple, les phallostethidés mâles possèdent leurs gonadesgonades (les glandes sexuellesglandes sexuelles) au niveau de la tête, sous la bouche !
Ce Phallostethus cuulong mâle a subi deux colorations en vue de rendre les structures osseuses rouges et les éléments cartilagineux bleus. L'os dentelé en bas de l'image, le cténactinium, serait utilisé pour immobiliser la femelle pendant l'accouplement. Il serait aidé par des mouvements du toxactinium, l'os long situé sous la mâchoire inférieure, en haut et à gauche de la photographie. © Shibukawa et al. 2012, Zootaxa
Phallostethus cuulong : une pince pour attraper sa partenaire sexuelle
Phallostethus cuulong, l'espèce découverte par Koichi Shibukawa, présente également les mêmes adaptations morphologiques que les 21 autres espèces de poissons dits priapum. L'organe reproducteur mâle, le fameux priapum (Priape étant le dieu grec de la fertilité), se compose évidemment des testiculestesticules mais aussi de deux appendices issus de la transformation, au cours de l'évolution, des nageoires pelviennes et pectorales : le ctenactinium et le toxactinium. Le premier, une structure mobilemobile se repliant sous l'arrière du crâne, n'est pas très rassurant en apparence puisqu'il est partiellement dentelé. Le second correspond, quant à lui, à une simple tige pointant vers l'avant et reposant sous toute la longueur de la mâchoire inférieure.
Aucun acte reproducteur de Phallostethus cuulong n'a été observé. Cependant, nous savons, grâce aux autres espèces du même groupe, comment fonctionne cette machinerie. Les deux structures anatomiques servent à enserrer la tête de la femelle, dont la papille génitale est elle aussi positionnée fort en avant sur le corps, tandis que le transfert de sperme se fait via un pore situé sur l'un des os connectés au ctenactinium. Pour faciliter les opérations, les appendices mâles ne sont pas centrés et alignés dans l'axe du corps. Ils sont orientés vers la droite chez Phallostethus cuulong. Les individus masculins doivent donc toujours se placer du même côté que leur partenaire durant la reproduction.
Personne n'est en mesure, à l'heure actuelle, d'expliquer cette adaptation morphologique, notamment pour justifier les avantages qu'elle apporte. Dernier petit détail, le priapum ne sert pas qu'à la reproduction puisqu'il abrite également l'anusanus un peu en arrière du pore génital, toujours sous la tête.