Quel est le point commun entre un orang-outang et un beatboxer ? Ils ont tous deux la capacité d'émettre deux sons de façon simultanée. Dans le monde animal, la biphonation est un phénomène rare. Des chercheurs viennent de l'observer chez les grands singes et la capacité de produire deux types de sons (avec ou sans voix) est probablement à rapprocher avec les origines de ce qui est devenu le langage humain.


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    Les orangs-outans ont tant de points communs avec les humains que leur nom signifie littéralement « l'homme de la forêt » en malais. L'un d'entre eux concerne leur habilité à produire simultanément plusieurs sons, à l'instar des oiseaux chanteurs, mais aussi de certains de musiciens. Des chercheurs de l'université britannique de Warwick ont fait cette découverte après avoir suivi deux groupes d'orangs-outans sur les îles de Bornéo et de Sumatra pendant 3 800 heures. Ils ont constaté que ces grands singes d'Asie produisent parfois plusieurs sons en même temps. 

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    Ainsi, les grands mâles orangs-outans de Bornéo ont été vus en train de produire des sons appelés chomps, qui sont des bruits forts de mastication, en combinaison avec des grumbles, des grognements bas. Ces deux types de vocalisations sont produits simultanément dans des situations de combat pour intimider l'adversaire et affirmer sa dominance, comme l'expliquent les biologistes dans leur étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue PNAS Nexus.  

    Cette découverte interroge sur les origines du langage humain primitif qui devait ressembler probablement plus à du beatbox avant que ne se structurent, au cours de l'évolution, les sons avec voix et ceux sans voix qui donneront plus tard la combinaison voyelle-consonne. © Uryadnikov Sergey, Adobe Stock
    Cette découverte interroge sur les origines du langage humain primitif qui devait ressembler probablement plus à du beatbox avant que ne se structurent, au cours de l'évolution, les sons avec voix et ceux sans voix qui donneront plus tard la combinaison voyelle-consonne. © Uryadnikov Sergey, Adobe Stock

    Des vocalises qui forment un langage complexe

    De leur côté, les femelles orangs-outans de Sumatra ont été observées en train de faire des kiss squeaks, des bruits de bisou créés en inspirant, en même temps que des rolling calls, des appels roulants longs et bas. Elles produisaient ces deux sons simultanément pour alerter leurs congénères de la présence d'un possible prédateur.

    Cette découverte met en lumièrelumière la complexité du langage des orangs-outans. En effet, la biphonation, c'est-à-dire la capacité à produire deux sons concomitamment, est un phénomène acoustique rarement observé dans le règne animal. Les chevaux, les wapitis et les oiseaux chanteurs ont cette faculté, tout comme... les beatboxers. « Les humains utilisent les lèvres, la langue et la mâchoire pour produire les sons non-voisés des consonnes, tandis qu'ils activent les plis vocaux du larynxlarynx avec l'airair expiré pour produire les sons ouverts et voisés des voyelles », a expliqué Dr Adriano Lameira, professeur agrégéprofesseur agrégé de psychologie à l'université de Warwick et auteur principal de l'étude, dans un communiqué.

    Des capacités vocales sous-estimées

    Les chercheurs estiment que les capacités de contrôle et de coordination vocale des grands singes ont été sous-estimées, contrairement à celles des oiseaux. Si le chant de ces derniers ressemble à certains égards au langage humain, l'anatomieanatomie des oiseaux diffère grandement de la nôtre. Difficile donc d'établir des liens directs entre le chant des oiseaux et l'évolution du langage humain. 

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    Le fait que les orangs-outans soient capables de produire deux sons simultanément suggère que cette capacité vocale fait partie du répertoire des grands singes, et donc de nos ancêtres communs. « Maintenant que nous connaissons l'existence de cette capacité vocale dans le répertoire des grands singes, nous ne pouvons ignorer les liens évolutifs », souligne le Dr Adriano Lameira.