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Le Pacifique abrite des milliers d'îles reculées pouvant se targuer d'avoir été les derniers lieux sur Terre colonisés par l'Homme. La conquête de cet océan a débuté voilà 3.500 ans lorsque des migrants ont quitté les îles Tonga et Samoa en direction de l'Est. Elle s'est progressivement poursuivie jusqu'à la colonisation d'Hawaï, de la Nouvelle-Zélande et de l'île de Pâques voilà seulement 700 à 900 ans, au grand dam de la biodiversité. Certains experts estiment que cette conquête aurait causé la pire extinction d'espèces de l'Holocène.
Les oiseaux terrestres non passereaux auraient ainsi vu disparaître 800 à 2.000 de leurs espèces entre l'arrivée des premiers Hommes et celle des premiers Européens. Ce chiffre est conséquent, mais surtout imprécis, car de nombreuses lacunes existent dans les enregistrements fossiles disponibles. C'est pourquoi Richard Duncan de l'université de Canberra (Australie) a décidé de recourir à une approche bayésienne dans un contexte de capture-recapture (bayesian mark-recapture approach) pour affiner les résultats.
En compagnie d'Alison Boyer et de Tim Blackburn, il a donc étudié dans un premier temps les fossiles trouvés sur 41 îles, comme Hawaï ou les Fidji. Les données ont dans un deuxième temps été intégrées dans un modèle qui s'est chargé de compléter les lacunes présentes dans les enregistrements fossilesfossiles de plus de 300 îles. Il a dès lors pu fournir une estimation sur le nombre d'espèces d’oiseaux non passereaux qui n'ont pas survécu à l'arrivée de l'Homme. Le résultat vient d'être publié dans les Pnas : 983. En d'autres mots, deux tiers des populations d'oiseaux concernées auraient péri. Quelques nuances doivent cependant être apportées.
Voies de migration suivies par les Hommes ayant conquis les îles du Pacifique. Les âges donnés sont issus d'une autre publication, ce qui explique les petites différences observées par rapport aux données présentées dans l'article. © David Hall, Wikimedia Commons, cc by 3.0
Une grande île pour mieux survivre
Les causes de ces disparitions ont très clairement été identifiées, et engendrent encore d'importants dégâts de nos jours, par exemple en Amazonie. Elles sont au nombre de trois : la chasse excessive (celle qui ne permet pas aux populations de récupérer assez vite), la déforestationdéforestation (qui engendre une destruction d'habitat) et l'introduction d'espèces invasives (qui peuvent entrer en compétition avec les organismes autochtones). Leurs effets ont parfois fortement varié d'une île ou d'une espèce à l'autre.
Ainsi, les grandes îles ont affiché des taux d’extinction plus faibles que les petites. L'explication est relativement simple. Les îles plus étendues abritent des populations d'oiseaux conséquentes qu'il est plus difficile de faire disparaître. Les pluies semblent également avoir joué un rôle important. D'une manière générale, les îles soumises à de fortes précipitationsprécipitations ont moins fait l'objet de déforestation, ce qui a accru les chances de survie des oiseaux.
En se penchant sur les caractéristiques des volatiles, il est clairement apparu qu'ils avaient plus de chances de survivre s'ils volaient et s'ils étaient présents sur plusieurs îles. Les oiseaux cloués au sol avaient ainsi 33 fois plus de chances de disparaître que ceux pouvant s'envoler. De même, n'être présent que sur une seule île, donc être une espèce endémiqueendémique, augmentait les risques de disparition d'un facteur 24. Le chiffre de 1.000 espèces mises à mal par l'arrivée de l'Homme paraît déjà important. Il n'inclut pourtant pas les passereaux et les oiseaux marins, qui ont eux aussi été affectés par l'arrivée des migrants.