Dans le sud de la France, des troupeaux de chevaux et d'élevage bovin sont envahis par une espèce de tique reconnaissable par ses pattes rayées. Si elle ne présente aucun risque pour les animaux, sa piqûre peut transmettre des virus et des bactéries pathogènes pour l'Homme.


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    Dans le sud de la France, la tique, Hyalomma marginatum, prolifère dans les troupeaux de chevaux. Les spécialistes de cette espèce, comme Frédéric Stachurski, vétérinairevétérinaire acarologue au Cirad de Montpellier, traque l'acarien hématophage pour essayer de comprendre comment il est arrivé en France. Si elle ne présente pas de risque sanitaire pour les équidés et le bétail qu'elle pique, cette tique peut aussi s'accrocher sur les humains et transmettre des maladies.

    Carte de la présence de <em>Hyalomma marginatum</em> dans le sud de la France réalisée à partir des données de 2017. Aujourd'hui, cette tique est présente jusqu'en Ardèche et des individus ont été observés en Haute-Savoie et dans les Alpes-Maritimes. © Tiré du Bulletin épidémiologique santé animale - alimentation de mai 2018
    Carte de la présence de Hyalomma marginatum dans le sud de la France réalisée à partir des données de 2017. Aujourd'hui, cette tique est présente jusqu'en Ardèche et des individus ont été observés en Haute-Savoie et dans les Alpes-Maritimes. © Tiré du Bulletin épidémiologique santé animale - alimentation de mai 2018

    L'arrivée des tiques dans le Sud de la France

    La présence de Hyalomma marginatum est avérée sur le territoire français depuis 2015 où plusieurs adultes ont été observés sur des chevaux vivant dans des garrigues sèches. « Depuis, on en a trouvé 10.000 », indique Frédéric Stachurski. Si elle désormais bien installée dans le sud de l'Hexagone, le long de la Méditerranée et jusqu'en Ardèche, l'origine de cette population de tique reste encore inconnue. Elle est présente en Espagne ou au Maghreb, mais des comparaisons génétiquesgénétiques entre les individus espagnols et africains sont nécessaires pour identifier la région d'origine des tiques françaises.

    Frédéric Stachurski et ses collègues ont tout de même plusieurs hypothèses pour expliquer son arrivée : la première concerne les oiseaux migrateurs. Des tiques encore immatures, au stade larvaire ou nymphale, se fixent sur les passereaux qui traversent la Méditerranée depuis le Maroc ou la Tunisie. Les tiques au stade nymphale s'accrochent aussi aux lagomorphes (lapins et lièvres), des individus en provenance de l'Espagne ont été introduits en France.

    Des spécimens adultes ont pu être introduits par des chevaux et des taureaux de corrida depuis l'Espagne. Les sangliers sauvages, qui traversent la frontière franco-espagnole, peuvent aussi être à l'origine de l'importation de tiques adultes.

    La tique <em>Hyalomma marginatum</em> qui prolifère dans les élevages équins et bovins dans le sud de la France. © Frédéric Starchusky
    La tique Hyalomma marginatum qui prolifère dans les élevages équins et bovins dans le sud de la France. © Frédéric Starchusky

    Une tique porteuse d'agent pathogène pour l'humain

    Si cette tique ne rend pas malade les animaux qu'elle pique, elle n'hésitera pas à piquer un humain qui se trouve sur son passage et transmettra des maladies. « Si un randonneur s'arrête dans les 30 km aux alentours de Montpellier, il est pratiquement sûr de se faire piquer », informe Frédéric Stachurski.

    Cette tique est facilement identifiable par ses pattes tigrées de rouge et de jaune, et son rostrerostre long. Elle est aussi un peu plus grosse que les autres tiques de la famille des Ixodidae. Contrairement aux tiques que l'on retrouve dans l'est de la France, cette dernière marche sur le sol au lieu de se laisser tomber des arbresarbres.

    Si un randonneur s’arrête dans les 30 km aux alentours de Montpellier, il est pratiquement sûr de se faire piquer

    Sa piqûre est indolore mais elle peut alors injecter des pathogènespathogènes, notamment des bactériesbactéries de la famille des Rickettsia, responsables de la fièvrefièvre boutonneuse. Autour de la piqûre peuvent apparaître un œdèmeœdème et des boutons. Les trois symptômessymptômes clés de la fièvre boutonneuse sont la fièvre, l'exanthème et des « taches noires ». Une antibiothérapie permet de se remettre plus rapidement de cette infection relativement bénigne (2 % de mortalité) mais désagréable.

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    En Tunisie, Hyalloma marginatum est le vecteur d'une autre infection, cette fois-ci virale, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Elle est provoquée par un nairovirus et provoque des fièvres hémorragiques sévères qui ont un taux de létalité pouvant atteindre 40 %. « Aucun cas autochtone de fièvre hémorragique de Crimée-Congo n'a été identifié en France », explique Frédéric Stachurski.

    Des recherches d'anticorpsanticorps chez les animaux, qui ne développent aucun symptôme, ont permis de mettre en évidence le passage du virus dans certains élevages, notamment en Corse. Mais le virus n'a pas encore été isolé. Enfin, cette espèce de tique ne transmet pas les bactéries du genre Borrelia, agent étiologique de la maladie de Lyme ou borréliose. En Europe, c'est une autre espèce, Ixodes ricinus, qui est le vecteur de cette maladie.


    De nouvelles espèces de tiques et d'agents pathogènes découverts en France

    Article publié le 21 avril 2020 par la rédaction de Futura

    Envie de gambader dans les forêts, les jardins et les prairies... méfiez-vous des tiques ! Cet acarien hématophage, qui apprécie le printemps et que les scientifiques d'INRAE étudient, est le deuxième vecteur de maladies pour l'Homme, après le moustiquemoustique, et le premier chez l'animal. Ixodes ricinus est la tique la plus répandue en France mais de nouvelles espèces sont apparues. Apprenez à les reconnaître et participez à leur identification et leur surveillance.

    Si Ixodes ricinus est l'espèce de tique la plus abondante en France, elle cohabite avec d'autres espèces que l'on trouve aussi dans différentes régions du monde. Ces tiques sont aussi potentiellement porteuses d'agents pathogènes pour les animaux et les humains et il est important de les connaître et de les surveiller.

    La tique infectée n’est pas toujours vectrice d'agents pathogènes

    Connaître les espèces de tiques présentes en France est très important car ces tiques sont potentiellement porteuses de nouveaux agents pathogènes pour les animaux et les humains. Il n'est cependant pas aisé de prouver qu'une tique est vectrice d'un agent pathogène donné. En effet, il ne suffit pas de trouver un agent pathogène dans une tique pour en déduire que la tique est vectrice : il peut s'agir simplement d'une tique ayant réalisé son repas de sang sur un hôte infecté. Pour que la tique soit vectrice à son tour (transmission de la tique vers l'hôte), il faut encore qu'elle permette à l'agent pathogène de survivre et de traverser la paroi de son tube digestiftube digestif, puis de migrer vers ses glandes salivairesglandes salivaires pour être transmis lors de son repas de sang suivant. La mise en évidence des agents pathogènes dans les glandes salivaires d'une tique avant son repas de sang est donc un meilleur argument en faveur de sa compétence vectorielle. Établir cette preuve est un travail long et fastidieux, mais nécessaire pour évaluer les risques de transmission des maladies à tiques.

    Hyalomma marginatum : l'espèce de tique détectée en Camargue 

    Plusieurs campagnes de collectes de tiques organisées de 2007 à 2015 en Camargue ont permis de détecter la présence de Hyalomma marginatum, une espèce de tique commune en Afrique du Nord et Europe du Sud (Espagne, Portugal, Corse). Cette tique est reconnaissable à sa grande taille et à ses pattes rayées. Parmi les pathogènes que cette tique peut véhiculer, on s'intéresse particulièrement au virus de la fièvre hémorragique Crimée-Congo (CCHF), qui sévit en Afrique et en Asie, mais aussi en Europe (un cas humain de CCHF autochtone a été répertorié en Grèce en 2008 et deux cas en Espagne en septembre 2016, dont l'un est décédé). Cependant, il n'existe pour l'instant aucun argument en faveur d'une circulation du virus CCHF en France. Les chevaux sont des hôtes préférentiels pour cette tique, mais ils ne seraient a priori pas de bons transmetteurs pour le virus. Les chevaux infectés ne présentent pas de symptômes mais produisent de forts taux d'anticorps, ce qui fait d'eux des animaux sentinelles pour surveiller le virus. Un réseau (déjà actif pour la surveillance de maladies telles que le West Nile, la fièvre Qfièvre Q, les piroplasmoses ou l'anaplasmoseanaplasmose granulocytique équine) a été mis en place entre des vétérinaires et des éleveurs de chevaux en Camargue.

    Tique <em>Hyalomma marginatum, </em>une nouvelle espèce de tique repérée en Camargue. © INRAE
    Tique Hyalomma marginatum, une nouvelle espèce de tique repérée en Camargue. © INRAE

    Haemaphysalis concinna : une tique trouvée en abondance dans des parcs de cervidés

    Dans le parc de la Haute Touche (Indre), des chercheurs d'INRAE (Institut national de recherche pour l'agricultureagriculture, l'alimentation et l'environnement) en collaboration avec le Museum national d'histoire naturelle ont mis en évidence la présence d'Haemaphysalis concinna, une tique abondante en Chine. Dans ce parc, qui concentre une grande quantité de cervidés de plusieurs régions du monde, les animaux présentaient des signes de fatigue et d'amaigrissements. Des prélèvements de sang ont révélé la présence d'au moins huit agents pathogènes différents, jusqu'à quatre par animal. Parmi ces pathogènes, la bactérie Anaplasma capra, connue pour l'instant seulement en Asie, a été identifiée. Cette bactérie, transmissible à l'Homme, occasionne des symptômes fiévreux. La présence concomitante d'une tique et d'un pathogène, tous deux inhabituels en France, suggère naturellement un lien entre les deux, mais ce lien reste à prouver. De fait, les chercheurs ont démontré la présence de la bactérie Anaplasma capra dans les glandes salivaires de tiques Haemaphysalis concinna prélevées sur la végétation dans le parc, un argument fort pour supposer que la tique est bien le vecteur d'Anaplasma capra. Par la suite, les chercheurs ont trouvé cette bactérie dans un autre parc de daimsdaims et étendent leurs investigations.

    La présente de <em>Haemaphysalis concinna</em>, une tique abondante en Chine, a été signalée en France dans le Parc de la Haute Touche (Indre). © MNHN
    La présente de Haemaphysalis concinna, une tique abondante en Chine, a été signalée en France dans le Parc de la Haute Touche (Indre). © MNHN

    Des tiques responsables de pathologies sur l'Homme et sur l'animal

    La tique Demacentor (marginatus et reticulatus) est elle aussi bien présente en France. Beaucoup moins étudiée qu'Ixodes ricinus, elle transmet pourtant plusieurs agents pathogènes responsables de maladies d'importance en santé animale (anaplasmose des ruminants, piroplasmose du chien et du cheval) et humaine (encéphaliteencéphalite à tiques, Tibola).

    Des sciences participatives avec PiroGoTick et l'application Signalement Tique

    Pour mieux connaître ces tiques, un projet de sciences participatives sur l'ensemble du territoire français, appelé « PiroGoTick », vise entre autres à identifier les tiques présentes sur des chevaux sentinelles.

    Si vous êtes victime d'une tique, ou votre animal domestique, vous pouvez aussi aider la recherche (dans le cadre du programme multi partenarial Citique) avec l'applicationapplication « Signalement Tique », à télécharger sur votre smartphone (sur iOSiOS et AndroidAndroid) et disponible depuis le 18 mai 2020 dans une nouvelle version, ou via votre ordinateurordinateur.

    © INRAE