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Le secret de la nacre résiderait dans sa fraction organique, représentant seulement 5 % du volume mais qui contraindrait la croissance des cristaux pour leur faire prendre différentes orientations. © Jeff Miller/ University of Wisconsin-Madison
« Vous pouvez écraser le coquillage avec un camion. L'extérieur de la coquille sera cassé en morceaux mais la nacre, à l'intérieur, sera intacte. » Pupa Gilbert, professeur de physiquephysique à l'université de Wisconsin-Madison, s'émerveille devant l'incroyable solidité de ce matériaumatériau, « 3.000 fois plus résistant que l'aragonite, le minéral qui, pourtant, la constitue » ajoute-t-elle. Quel est donc le secret de la structure de la nacre ? Il était jusque-là bien gardé par les spécialistes de sa fabrication, les mollusques bivalves (moules, huîtres, etc.), les gastéropodesgastéropodes (escargots, patelles...) ou des céphalopodescéphalopodes (nautiles).
Pupa Gilbert et ses collègues, américains et suisses, se sont intéressés à l'ormeauormeau, ou oreille de mer, du genre Haliotis, gastéropode marin à coquille plate. La plupart des scientifiques de l'équipe sont des physiciensphysiciens et l'article a été publié dans les Physical Review Letters.
Comme les os des vertébrésvertébrés et les dents, la nacre est un matériau biominéral. A 95%, elle est constituée d'aragonite, une forme de carbonate de calciumcarbonate de calcium (CaCO3) que l'on trouve aussi dans les roches métamorphiquesroches métamorphiques. Lors de la fabrication de la coquille, cette fraction minérale s'organise d'elle-même. «5% seulement de la nacre est activement formée par l'organisme, explique Pupa Gilbert. C'est un des mécanismes les plus efficaces que l'on peut imaginer. »
Croissance contrôlée
Pour percer les secrets de la structure de la nacre, les chercheurs l'ont soumise à l'analyse par rayonnement synchrotronrayonnement synchrotron. A l'aide d'outils plus classiques, la nacre apparaît composée à la manière d'un murmur de brique, des massesmasses cristallines entièrement minérales étant soudées entre elles par la fraction organique. Mais le rayonnement synchrotron, polarisé, met en évidence des orientations différentes des cristaux, qui se traduisent par des nuances de gris, du blanc au noir. Une structure de plus grande échelle apparaît alors, formée de colonnes dans lesquelles les cristaux sont organisés selon des directions préférentielles différentes de leurs voisines. « L'ensemble évoque le dessin des tenues de camouflage » résume Pupa Gilbert.
Les auteurs suggèrent que le secret de la résistancerésistance de la nacre réside là, dans ces orientations multiples et croisées. Elles éviteraient l'apparition de plans de clivageplans de clivage, formant des chemins privilégiés pour la propagation d'une fracture. Les chercheurs se sont ensuite penchés sur la formation de la nacre. Mais ils n'ont pas observé les larveslarves d'ormeau. Ces physiciens ont établi un modèle théorique qui rend compte de la structure finale. Selon eux, le mollusque commence par créer le réseau organique dans lequel il disperse des petits cristaux appelés à croître, autrement dit des noyaux de nucléationnucléation. Ces germesgermes cristallins poussent ensuite différemment selon l'orientation des cristaux voisins et l'ensemble finit par former des colonnes plus ou moins larges.
L'équipe veut maintenant vérifier ses hypothèses en étudiant de plus près la formation de la nacre mais aussi d'autres biominéraux comme les dents. Les chercheurs imaginent déjà d'appliquer cette méthode inventée par la nature aux carrosseries automobilesautomobiles, qui deviendraient capables d'absorber localement un choc important sans se fracturer. « Mais de mon point de vue, commente Pupa Gilbert, le plus intéressant est la manière dont ces structures se forment, grâce à des mécanismes d'auto-assemblages que l'on commence seulement à comprendre. »