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Durant une excursion dans les profondeurs des eaux antarctiques dans les années 1960, des sous-mariniers ont capté un bruit étrange, leur rappelant le cri du canard, marqué par des sonorités graves et répétées. Que viendraient faire des volatiles au milieu de ces mers glaciales et comment pourraient-ils cancaner au fond de l'eau ? La réponse venait forcément d'ailleurs. Mais d'où ?
Au début, personne ne le savait. Pourtant, ce bruit se faisait entendre de la mer de Weddell, bien au sud de l'Amérique du Sud, jusque sur les côtes ouest de l'Australie. Un son émis par un autre sous-marin ? À priori non. Un poisson ? Encore eût-il fallu que celui-ci ait suffisamment de coffre. Alors quoi ? La piste des cétacés a été vite évoquée, étant donné leur mode de communication, par des chants, parfois sur de très longues distances, à l'aide d'ondes sonoresondes sonores. Des coupables potentiels.
La NOAA s'est donc forcément penchée sur le sujet, en plaçant Denise Risch sur le sujet. Il a d'abord fallu faire le tri parmi les mammifères marins qui fréquentent la région. Parmi eux, le petit rorqual de l'Antarctique (Balaenoptera bonaerensis), l'une des plus petites baleines, affectionne les eaux de l'océan Austral et y prospère. Est-ce dans cette direction qu'il fallait se tourner.
Le petit rorqual de l’Antarctique est souvent très discret et se cache parfois sous les glaces flottantes de l’hémisphère sud. Pas toujours facile à observer, il a fallu un demi-siècle avant d’être certain qu’il était bien à l’origine d’un son de canard caractéristique. © Brocken Inaglory, Wikipédia, cc by sa 3.0
La baleine qui cancane comme un canard
La biologiste marine et ses collègues sont parvenus à marquer deux de ces cétacés durant le mois de février 2013, durant l'été austral, à l'aide de ventouses. Sur leur dosdos, les baleines portaient donc un équipement qui permettait de suivre leurs déplacements et d'observer leur comportement alimentaire. Mais il y avait aussi des micros capables de fonctionner sous l'eau.
L'équipe a alors analysé les sons enregistrés. Et là, ils ont remarqué la présence sur les spectrogrammes de sonorités comprises entre 50 et 300 HzHz, espacées de trois secondes : c'est le son recherché. Au passage, ils ont repéré également d'autres sons préalablement associés aux baleines, sans qu'on ait pu identifier la source originelle avec certitude. Ces travaux viennent de faire l'objet d'une publication dans la revue Biology Letters.
L’acoustique plutôt que la chasse pour comprendre les baleines
Grâce à cette étude, l'ambiguïté est levée : on connaît avec certitude l'émetteur de ce son de canard. Néanmoins, le mystère n'est pas totalement levé. On sait qui en est à l'origine, mais non la raison. Dans quel contexte est-il produit ? Uniquement par les mâles pendant les périodes de rut, ou est-ce émis par les deux sexes ? De nombreuses questions restent sans réponse.
C'est aussi l'occasion pour les scientifiques d'en apprendre davantage sur ces petits rorquals de l'Antarctique : avec l'acoustique, il est possible de déterminer leur distribution, leur densité et quelques aspects de leur comportement. Même en hiverhiver, lorsque les conditions météorologiques sont trop rudes pour les suivre visuellement, en plaçant des micros sur des bouées par exemple.
Denise Risch profite également de cette très belle occasion pour rappeler dans les colonnes de Live Science qu'en adaptant les pratiques de recherche, on peut faire avancer la science sans avoir à tuer ces majestueux cétacés. Un tacle à l'endroit du Japon, récemment accusé de recourir à la chasse à la baleine pour des raisons commerciales.