au sommaire
Moins connu que l'Amazone ou le Mississippi, le Yangtsé n'en reste pas moins impressionnant. En effet, ce fleuve prend naissance dans les hauts plateaux tibétains, à 6.621 m d'altitude, avant de cheminer vers l'est en direction de la mer de Chine orientale sur plus de 6.300 km. Il reçoit au passage les eaux de plus de 700 affluents, ce qui explique l'importante superficie de son bassin hydrographique : 1,8 million de km2.
Ce milieu accueille dans ses parties basse et médiane des marsouins du Yangtsé, Neophocaena phocaenoides asiaeorientalis., cousine, ou sous-espèce, de N. phocaenoides, rencontrée dans les eaux côtières en Asie. Ces mammifères marins à l'aspect inhabituel ont un front arrondi et surtout ne possèdent pas de nageoire dorsale. À l'instar des insectesinsectes dépourvus d'ailes, ces cétacés sont qualifiés d'aptèresaptères. En 2006, une expédition menée conjointement par le WWFWWF et l'institut d'hydrobiologie de l'Académie chinoise des sciences a estimé la population de cette espèce à environ 1.800 individus, en tenant compte de ceux qui vivaient au sein des lacs Poyang et Dongting.
Une nouvelle campagne de recensement basée sur des observations visuelles et acoustiques vient d'être accomplie. Les résultats sont loin d'être encourageants. Par exemple, seuls 10 individus ont été dénombrés sur une section du fleuve longue de 630 km, précisément entre Wuhan et Yichang. Ainsi, le nombre de Neophocaena phocaenoides asiaeorientalis vivant uniquement dans le Yangtsé aurait presque diminué de moitié en 6 ans (1.225 individus à l'époque) ! Cette espèce va-t-elle emprunter la voie suivie par le dauphin de Chine (Lipotes vexilliferLipotes vexillifer), qui a officiellement disparu de ce cours d'eau en 2006 ?
De nombreuses usines et agglomérations participent à la pollution du Yangtsé. Les eaux de ce fleuve sont parfois considérées comme les plus turbides de la planète. Près de 680 millions de tonnes de sédiments seraient transportées dans ce cours d’eau chaque année. © Peter Albrecht, Flickr, cc by nc sa 2.0
Des pollutions anthropiques diverses dans le Yangtsé
Les comptages du lac Dongting ont eux aussi été décevants, puisque seuls 90 cétacés ont été recensés, soit 40 % de moins qu'en 2006. En revanche, aucune perte significative n'est à déplorer dans le lac Poyang, qui est toujours peuplé par environ 450 marsouins. Au total, il subsisterait environ 1.000 Neophocaena phocaenoides asiaeorientalis au sein du bassin hydrographique du Yangtsé. Cet animal est devenu plus rare que le panda géant sauvage. Comment expliquer ces disparitions ?
Les activités anthropiques et les pollutions qu'elles engendrent sont une nouvelle fois en cause. Le fleuve, qui alimente 40 % de la population chinoise en eau, recevrait 20 milliards de tonnes de déchetsdéchets par an, de quoi affecter profondément son écosystèmeécosystème. Les pollutions d'origine agricole et celles liées à la navigation n'ont pas été prises en compte. Le trafic fluvial pose d'ailleurs question, car il génère une importante pollution sonore pouvant désorienter les cétacés. En effet, les marsouins aptères utilisent un sonarsonar pour naviguer et chasser, comme leurs cousins des mers. Les navires, dont le nombre ne cesserait de croître sur le Yangtsé, peuvent également entrer en collision avec les mammifères, au risque de les blesser gravement, voire de les tuer.
Le statut de conservation du marsoin du Yangtsé à réviser
Et ce n'est pas tout. L'Homme pourrait également entrer en compétition avec les marsouins sur le terrain de la nourriture. Les poissonspoissons du fleuve Bleu (comme on nommait autrefois le Yangtsé) seraient actuellement surpêchés. De ce faitt, les ressources alimentaires disponibles pour ces cétacés carnivorescarnivores tendraient à se réduire, tandis que certaines techniques de pêchepêche, à l'image de la pêche électrique, causeraient de nombreux torts aux mammifères marins.
Neophocaena phocaenoides asiaeorientalis était une espèce considérée « en danger » en 2006, selon l'UICN. D'après les membres de l'expédition, cette espèce devrait être reclassée « en danger critique » car, selon leurs estimations, il pourrait ne subsister que 200 individus d'ici 2035. Elle a pourtant été rétrogradée en « vulnérable » en 2011. L'État chinois a d'ores et déjà été invité à prendre des mesures pour faciliter la sauvegardesauvegarde de cette espèce endémiqueendémique.