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Des découvertes surprenantes se font parfois dans des collections de musées oubliées depuis des décennies. Revenons tout d'abord sur le début de cette histoire. Passionné par la zoologie, Lionel Walter Rothschild finança en 1901 une expédition naturaliste dans la région de Kimberley, dans l'ouest de l'Australie. John Thomas Tunney fut alors chargé de capturer de nombreuses espèces animales pour alimenter le musée d'histoire naturelle personnel du lord anglais. Il a découvert plusieurs espèces d'oiseaux, de mammifères et de papillons qui ont pour la plupart fait l'objet d'une description complète.
À la mort de Lionel Walter Rothschild en 1939, ses collections privées furent transférées au Musée d'histoire naturelle de Londres... pour le plus grand plaisir de Kristofer Helgen de la Smithsonian Institution. En visitant ce lieu mythique en 2009, ce chercheur a en effet trouvé la peau et la tête d'un monotrème, un petit mammifère ovipareovipare primitif, qui n'a pas été décrit après l'expédition. L'étiquette accompagnant l'animal était précise : il a été capturé en 1901 sur le mont Anderson.
Qu'y a-t-il de surprenant ? Selon les spécialistes, Zaglossus bruijnii aurait bien vécu en Australie... mais voilà plusieurs millénaires ! Cette découverte a été rapportée dans la revue Zookeys.
Cette peau d'échidné à nez long a été trouvée dans les collections du Musée d'histoire naturelle de Londres. Elle porte encore l'étiquette apposée par John Thomas Tunney en 1901 durant une expédition naturaliste menée en Australie. Il ne subsiste que cinq espèces de monotrèmes (des mammifères ovipares) dans le monde. © Helgen et al., 2012, Zookeys
L’Australie abrite-t-elle toujours des échidnés à nez long ?
Attention toutefois, l'échidné à neznez long n'a pas totalement disparu de la surface de la Terre, puisqu'une petite population déclinante subsiste en Nouvelle-Guinée, entre 1.300 et 4.000 m d'altitude. L'espèce est néanmoins considérée comme étant en danger critique d'extinction par l'UICN. Les adultes mesurent environ 90 cm de long et se distinguent par la présence d'un long museau pointu qu'ils utilisent pour chercher leur mets favori : les vers de terre. Leur corps est quant à lui recouvert de poils et d'épines noirâtres. Jusqu'à maintenant, seuls des fossiles et des représentations dans l'art aborigène de la Terre d'Arnhem permettaient d'affirmer que cette espèce avait bien vécu en Australie, mais voilà plus de 10.000 ans (durant le PléistocènePléistocène).
La trouvaille de Kristofer Helgen démontre donc que cet animal discret a survécu en Australie bien plus longtemps qu'on le pensait. Qui sait, peut-être y vit-il toujours ? La réponse prendra du temps à nous parvenir. Il faut en effet organiser une nouvelle expédition dans la région de Kimberley, puis déterminer au sein de quel habitat évoluait l'individu capturé voilà 112 ans. Si aucun animal vivant n'est trouvé, les chercheurs pourront tout de même essayer de comprendre pourquoi l'espèce Zaglossus bruijnii s'est éteinte dans ce pays. Les informations obtenues dans le bush permettront alors peut-être de sauver le plus grand monotrèmemonotrème vivant en Nouvelle-Guinée.