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La maladie des taches blanches, dont est victime le corail corne d'élan, Acropora palmata, est causée par une bactérie transmise par l'Homme. © Jim Stuby, wikipedia, domaine public
Au large de l'archipel des îles Keys, dans la mer des Caraïbes, le corail corne d'élan (Acropora palmata) est particulièrement abondant, mais est en fort déclin depuis les années 1980. En cause, une bactérie pathogène, Serratia marcescens, qui provoque chez le corail une maladie appelée APS (pour acroporid serriatosis) ou maladie des taches blanches (en anglais, white pox disease).
En 2003, le corail à corne d'élan a connu une forte diminution de population due à une prolifération de son pathogènepathogène. Il a conséquemment été placé, trois ans plus tard, sur la liste rouge des espèces en danger de l’UICN avec le statut d'espèce en danger critique d'extinction ainsi que sur la liste du Endangered Species Act de 1973.
Les excréments humains en cause
Serriata marcesens est également pathogène pour l'Homme. Elle peut être à l'origine d'infections nosocomialesinfections nosocomiales, urinaires, de septicémiessepticémies, etc. On retrouve cette bactérie en grande quantité dans les excréments humains et dans les eaux uséeseaux usées.
Corail corne d'élan sain. © Nick Hobgood, Wikipédia, cc by sa 3.0
En 2010, une étude américaine menée par Kathryn Sutherland et ses collègues, avait montré que la souche de la bactériebactérie présente dans ces eaux usées (et également pathogène pour les humains) était la même que celle qui infectait les coraux corne d'élan : la souche PDR60. Les chercheurs ont donc suspecté que la pollution par les eaux usées peuplées de bactéries pathogènes était à l'origine de la pandémie de 2003. Une étude réalisée par les mêmes chercheurs, parue cette semaine sur le site de la revue Plos One, vient de prouver ce lien (vérification du postulat de Koch) ainsi que le cheminement de la bactérie, de l'Homme au corail.
Un schéma d'infection inversé
Ce schéma d'infection, partant de l'Homme pour aller vers une autre espèce, est d'ailleurs un fait assez rare. C'est normalement le chemin inverse qui est davantage observé. De plus, dans le cas présent, la transmission de l'agent infectieux est particulièrement spectaculaire car il passe d'un hôte vertébrévertébré à un hôte invertébréinvertébré, tout en changeant de milieu (de terrestre à aquatique).
Mais cette chaîne ne fait pas intervenir uniquement trois maillons. D'autres espèces sont responsables du transfert et même du stockage du pathogène : un autre corail, Siderastrea siderea, et un mollusquemollusque qui se nourrit des coraux, Coralliphila abbreviata.
Pour déterminer le rôle de chacune de ces espèces dans le processus d'infection du corail corne d'élan, les scientifiques ont soumis celui-ci à plusieurs tests : ils lui ont inoculé séparément différents isolats de la souche PDR60. Chaque isolat provenait d'un hôte différent : l'Homme (la bactérie était prélevée dans les eaux usées), le mollusque, le corail S. siderea et le corail corne d'élan.
Des espèces réservoirs de pathogènes
Cette expérience a permis de montrer que l'exposition aux bactéries provenant des eaux usées et d'un corail corne d'élan atteint provoquait une virulence plus importante (premiers signes de maladie au bout de 5 jours environ) que lorsque les bactéries avaient été prélevées sur le mollusque ou le corail S. siderea (premiers signes de maladie au bout de 13 et 20 jours respectivement). Le court délai d'infection par la bactérie provenant des eaux usées montre bien que c'est cet isolat qui est responsable de la maladie des coraux.
Enfin, ces résultats suggèrent que l'autre corail (S. siderea) et le mollusque agissent comme des vecteurs et probablement des réservoirs du pathogène : les pathogènes sont stockés sur un organisme chez lequel ils ne provoquent pas d'infection, en attendant d'être transférés sur leur hôte final.