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Sa bonne bouille et son caractère facétieux lui valent un gros capital sympathiesympathie du public : la loutre d'Europe (Lutra lutra), hier en voie d'extinction, reconquiert lentement les cours d'eau de Bretagne, bastion de cette espèce en France avec le Massif central.
Depuis une vingtaine d'années, ce mammifère recolonise petit à petit les berges des rivières, les zones humides et marais du littoral des quatre départements bretons et de la Loire-Atlantique, mais aussi les villes côtières où il trouve nourriture et protection.
Les populations de loutres difficiles à estimer
La loutre, solitaire et souvent nocturne, est si discrète qu'il est difficile d'estimer le nombre d'individus dans la péninsule bretonne. « Peut-être entre 600 et 1.000 », annonce prudemment le Groupe mammalogique breton (GMB), association de protection de la nature au service des mammifères sauvages.
Aire de répartition de la loutre européenne. © Domaine public
« Le domaine vital de l'animal est très vaste. Il varie en fonction de la ressource alimentaire et de la capacité énergétique de la loutre [à chasser]. En eau douceeau douce, il faut compter entre 7 et 15 km de rive pour une femelle et 35 km pour un mâle », détaille Xavier Grémillet, naturaliste et président du GMB.
La chasse et le piégeage (interdits en 1972), le drainagedrainage des zones humideszones humides, puis l'urbanisation, l'aménagement du littoral et la densification du réseau routier ont failli faire disparaître le gracieux lutriné (famille des petits carnivorescarnivores mustélidés comme la belettebelette, l'herminehermine, la fouinefouine ou le furet) protégé depuis 1976.
La loutre en danger dès 1940
La loutre d'Europe, dont la répartition géographique s'étend à toute l'Eurasie (elle est d'ailleurs parfois appelée loutre eurasienne) des côtes de l'Atlantique jusqu'aux îles indo-malaises, était déjà au bord de l'extinction à la fin des années 1940 en France.
« Elle était considérée comme nuisible et elle représentait une source d'enrichissement facile. À l'époque, la peau d'une loutre équivalait au prix d'un vélo. C'était une ressource pour le rural qui savait piéger », explique Xavier Grémillet.
À la fin des années 1980, « la population de Lutra lutra n'était d'à peine plus d'un millier en France, principalement dans le Massif central et en Bretagne », se souvient Franck Simmonet, chargé de mission mammifères semi-aquatiques au GMB.
Un habitat varié
Le petit carnivore au corps fuselé et aplati a survécu principalement dans des « isolats », des noyaux durs d'une centaine d'individus dans les Montagnes noires et les Monts d'Arrée (Bretagne centre) et quelques-uns sur la presqu'île de Crozon (Finistère), selon Franck Simmonet.
Doté de pattes courtes et palmées, d'un pelage imperméable et isolant, et d'une queue puissante qui lui sert de gouvernail et de propulseurpropulseur, le « kidour » (qui signifie chienchien d'eau en breton) est un animal parfaitement adapté à la vie aquatique et peu sensible à la pollution des eaux, souligne Xavier Grémillet. La loutre eurasienne qui se nourrit également en mer « a été observée dans les îles de Molène et d'Ouessant (au large du Finistère). Ce sont des jeunes qui ont traversé à la nage après avoir quitté leur mère », signale-t-il.
À Brest, le parc de découverte des océans Océanopolis investit 1,9 million d'euros dans la création de plus de 400 m² d'espace pour présenter des lutrinés au public à partir de 2013. Il y aura « deux ou trois loutres du Pacifique qui sont des mammifères marins » d'Amérique du Nord et « un couple de loutres eurasiennes dont on espère qu'il nous donnera des loutrons », conclut Sami Assani, un des responsables du parc.