Une baisse de température de 15 °C ! C’est ce dont sont capables les jeunes manchots royaux si les conditions météo sont trop mauvaises. Ils économisent ainsi leur énergie, ce qui leur permet de supporter le long jeûne imposé par l’absence des parents partis chercher de la nourriture durant plusieurs mois.

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    En Patagonie, le temps peut rapidement devenir un cauchemar. Les manchots royaux (Aptenodytes patagonicusAptenodytes patagonicus), ces grands oiseaux marins des terres australes sont bien adaptés aux basses températures et aux fortes pluies qu'impose un climat rude. Dès leur plus jeune âge, les poussins sont protégés par un duvet épais et une couche de graisse isolante. Mais une autre adaptation, plus étonnante, a été découverte par des biologistes de l'université de Strasbourg.

    Des manchots océanographes avaient déjà rapporté des données à des chercheurs. Là, pour étudier la physiologie de ces animaux en conditions réelles, l'équipe de Götz Eichhorn et René Groscolas a opéré une dizaine de poussins d'environ 4 mois et leur a implanté des microthermomètres à différents endroits du corps. Ils ont ainsi pu suivre pendant sept mois les variations de température du foiefoie, du thoraxthorax, de l'abdomenabdomen et de trois zones sous-cutanées.

    De jeunes de manchots royaux affrontant la pluie. Dans les colonies, les poussins reconnaissables à leur duvet marron, sont rassemblés dans des sortes de nurseries en attendant le retour de leurs parents partis pêcher. © Serge Ouachée, Wikipédia, CC by-sa 3.0

    De jeunes de manchots royaux affrontant la pluie. Dans les colonies, les poussins reconnaissables à leur duvet marron, sont rassemblés dans des sortes de nurseries en attendant le retour de leurs parents partis pêcher. © Serge Ouachée, Wikipédia, CC by-sa 3.0

    Les oiseaux sont considérés comme des animaux homéothermes, c'est-à-dire qu'ils produisent eux-mêmes leur propre chaleurchaleur. Contrairement par exemple aux lézards dits « à sang froid », leur température ne dépend donc normalement pas des conditions extérieures. Les résultats de l'étude, publiés dans la revue Nature, contredisent pourtant en partie cette évidence. À la grande surprise des chercheurs, les données montrent que les jeunes manchots peuvent faire varier leur température interne en réponse à certaines conditions.

    Thermostat variable

    C'est lorsque la météométéo devient mauvaise, en particulier sous la pluie, que les variations sont les plus prononcées. La température corporelletempérature corporelle des poussins peut alors chuter de 15 °C, passant d'un bon 38 °C à moins de 24 °C en quelques heures, et remontant tout aussi rapidement après l'averse. Un refroidissement interne est également constaté au moment des repas, lorsque les parents les gavent de poisson prémâché. Avaler de la nourriture trop froide entraîne la même réponse physiologique qu'une petite averse !

    Pour les scientifiques, il s'agit là d'une adaptation développée pour économiser de l'énergieénergie. Les poussins peuvent en effet rester livrés à eux-mêmes jusqu'à cinq mois d'affilée lorsque les parents partent chercher de la nourriture loin en mer. Pour survivre, ils doivent alors puiser le moins possible dans leurs réserves en attendant le prochain repas. Cette capacité à adapter sa température pour résister à certaines conditions environnementales extrêmes est appelée hétérothermiehétérothermie facultative. Cas unique chez les oiseaux de cette taille, elle explique en partie la capacité de jeûne impressionnante du manchot royal.